Faire de la CGT une organisation rassembleuse, dynamique, combative sur une base de classe

Un congrès, c’est une réunion des délégations des syndicats dans l’optique d’élaborer la stratégie de l’organisation, d’élire la direction tout en ayant au préalable fait le bilan de l’action militante.

 

Dans le discours introductif de son secrétaire, Gilles Mapelli, ouvrier de Valéo – qui sera logiquement réélu par les délégués – a comme ambition de faire de la CGT une “organisation rassembleuse, dynamique, combative sur une base de classe”.

Cette formule, très offensive, est à l’image du tournant pris par la section locale depuis une dizaine d’années environ, très, voire extrêmement à gauche. 

Le terrain de la lutte sociale est clairement investi et est érigé au rang des priorités de structuration de l’organisation. 

 

Alors qu’au niveau national (qu’on appelle dans le jargon au niveau confédéral), la direction s’est illustrée en 2018 par des attermoiements sur la question des Gilets Jaunes, les militants angevins se sont engagés, dès le début, sur les ronds points, parfois au prix de quelques contradictions. A l’époque où la bataille était encore forte et où le mouvement ne s’était pas encore politisé, les syndicalistes ont tout fait pour organiser leurs camarades.

L’idée était de renforcer le mouvement et de déplacer la question vers les enjeux, plus classiques pour la CGT, du travail. En effet, le mouvement, malgré son caractère inédit au XXIe siècle, a pu pêcher car les militants ne se sont pas positionnés en tant que producteurs de richesse et il n’y a eu à aucun moment une volonté de reprendre ou occuper le lieu de travail.  

Crédits photo: Adam Fourage

Le nombre de congressistes ne laissait pas de place au doute sur le sujet: la salle Fernand Pelloutier, située place Léon Jouhaux, au cœur du centre-ville et qui accueillait les débats, était pleine. Elle aurait pû être comblée si la reprise épidémique du Covid n’avait pas décapité des délégations entières.

Il y avait de tout: des retraités, des professeurs de l’enseignement secondaire – réunis dans le syndicat Educ’action – et surtout des ouvriers de l’industrie. 

 

L’UL d’Angers et de ses alentours

 

Pour expliquer ce phénomène, il faut comprendre que L’UL d’Angers bénéficie d’un large territoire avec un bassin d’emploi très fertile, puisqu’elle couvre la cité des Ducs mais aussi ses alentours. 

La ville de Sofiane Boufal (joueur de foot marocain évoluant dans le club local), est en effet extrêmement attractive et on ne compte plus les entreprises qui s’y installent, bénéficiant d’un rapprochement certain avec la capitale depuis l’inauguration de la Ligne Grande Vitesse par la Société Nationale des Chemins de Fer (SNCF). Le trajet entre Angers et Paris est passé d’environ 3h à 1h30 seulement. 

 

Par alentours, on entend surtout l’agglomération: les travailleurs d’Ecouflant (la Zone Industrielle en proche banlieue, notamment les usines qui se situe sur le boulevard de l’Industrie, à la lisière du quartier de Monplaisir, à l’est de la ville) – en particulier Valéo et Scania, deux des plus gros employeurs privés du département – se syndiquent à l’UL. 

Elle a aussi réussi le pari de s’implanter jusqu’en lointaine banlieue, puisque l’entreprise familiale Bouvet, située à la Membrolle-sur-Longuenée, vers le nord du département, en direction de la Mayenne, accueille depuis peu une section syndicale. 

 

Les résultats d’une telle structuration sont disparates. A Valéo, la CGT y est bien implantée et se targue même d’être la première organisation représentative selon les résultats des élections professionnelles mais à Scania, la section reste très petite et assez éloignée des salariés. 

 

Un syndicat d’ouvriers

 

On peut dire que l’UL d’Angers est une section syndicale à l’ancienne, qui représente surtout la classe ouvrière, qui travaille dans les industries, comme si elle n’avait pas pris la mesure des évolutions de l’emploi en France, qui s’est depuis tournée vers une économie de service et abandonnant le secteur industriel.

L’explication est historique, la CGT a toujours été le syndicat des ouvriers, les organisant depuis sa fondation, en 1895. 

 

La fermeture de l’entreprise Thomson, en 2012, qui se trouve sur le boulevard Gaston Birgé, dans le quartier de Monplaisir, a notamment été un coup dur pour l’UL, privée de sa plus grande section syndicale, car le plan social a mis sur le carreau des milliers de salariés. M. Mapelli y a d’ailleurs fait référence dans son discours introductif, preuve que la blessure reste béante. 

 

Pour autant, on ne peut pas non plus dire que la CGT ne représente que des ouvriers, l’UL structure au-delà du milieu de l’industrie et on constate aussi son dynamisme dans l’Éducation Nationale comme dans le milieu des transports. 

De plus, avec le vieillissement des militants, l’Union Syndicale des Retraités de la CGT est aussi une section dynamique, contribuant régulièrement aux débats et a envoyé une part non négligeable des délégués.

 

A la recherche de nouveaux profils

 

De là à dire que la CGT est une organisation composée de vieux, il y a un pas que nous ne franchirons pas. Des militants, plus jeunes, avec une expérience professionnelle différente, typique de l’évolution du rapport au travail car moins attachés à une institution ou une entreprise, poussent la porte tous les jours.

 

C’est notamment le cas dans le milieu de la restauration, qui vient de se structurer et qui a une place parmi les délégués mais c’est surtout les précaires de l’industrie qui sont visés, à savoir les intérimaires.

 

Cette population, composée majoritairement de jeunes, bénéficient d’une attention toute particulière par la direction locale et nul doute qu’elle continuera à structurer ces premiers. C’est d’autant plus un enjeu majeur que les intérimaires ne sont pas attachés à une entreprise comme quelqu’un qui a son CDI, et servent surtout de bouche-trou au patronat quand les carnets de commande se remplissent.

Les intérimaires sont aussi, par voie de conséquence, des personnes dont la conscience syndicale est la moins développée. En effet, il est difficile de faire de la propagande à leur encontre: leur statut n’est pas très apprécié, bien qu’on soit conscient qu’on parle d’une main d’œuvre malléable. Leur présence suffit toutefois à mettre en concurrence les “installés” dans les boîtes. 

 

Etant donné que ce sont des tâcherons, les intérimaires ont beaucoup moins de contact avec leur environnement de travail: bien que travaillant dans une entreprise, leur employeur reste la boîte d’intérim, avec qui ils n’ont pas de contacts. Il est de fait difficile de trouver des syndicalistes parmi les intérimaires, puisque l’emploi est par définition précaire, il n’a pas vocation à durer dans le temps. Un militant intérimaire, s’il se voit proposer un contrat de travail stable, ne sera plus militant intérimaire. C’est donc une section syndicale très difficile à structurer mais ô combien importante vu le recours massif à cette forme de travail.

 

S’il y a une autre catégorie de travailleurs qui suscite l’intérêt à la CGT, se sont les militants dans les Très Petites Entreprises (TPE), généralement plus éloignées des centrales et beaucoup plus proches de leur patron. 

Contrairement à Scania, dont le patron se trouve en Suède et avec qui on n’a pas de contact, on voit son employeur tous les jours au boulot dans une TPE, voire une PME. 

 

Angers, qui se veut comme le leader de la tech et du végétal en France (sic), a énormément investi pour attirer des hubs, start-up et autres structures disruptives à la taille modérée mais aux conditions de travail souvent difficiles. Dans le quartier de Belle-Beille, où se trouve notamment l’Université, beaucoup d’entreprises “nouvelles” (Atos, Acer mais surtout la fameuse Red Box, dans la Zone Industrielle de Beaucouzé) se sont installées. Ce sont celles-ci qui sont visées par les militants de l’UL. 

 

La place de l’action juridique

 

Un des points essentiels dans l’action syndicale est l’organisation de la lutte et ici, on est fier d’avoir gardé cet ADN combatif, surtout dans une ville souvent qualifiée de centriste, très éprise d’un dialogue social pourtant rompu depuis belle lurette, la mobilisation des agents municipaux nous en fournit une preuve des plus flagrantes.

 

Pour autant, on ne peut borner l’action de l’Union Locale seulement à l’organisation de grèves et de manifestations. Le juridique est devenu une part non négligeable de son action. En ayant, pour la première fois, présenté le bilan par une stagiaire-avocate, qui ne vient pas du sérail traditionnel mais bel et bien du milieu universitaire, on se rend compte que le phénomène est irréversible. 

 

C’est d’ailleurs l’un des défis de l’UL si elle veut continuer à se structurer. Comme nous l’avons vu, le monde du travail a durablement muté, les salariés étant beaucoup moins attachés à leur entreprise et beaucoup plus à leur carrière, on observe une tendance à faire appel aux syndicats pour des questions juridiques précises, individuelles. Les droits collectifs étant sans cesse bafoués et parfois abandonnés par les salariés eux-mêmes.

Le syndicat devient un prestataire de service juridique à la personne et des représentants des intérêts salariés dans les divers conseils où on appelle les travailleurs à s’exprimer. 

 

S’il apparaît évident que l’UL ne peut se borner à être un cabinet d’avocat, elle ne peut opposer action juridique et militantisme social (ce qu’elle ne fait d’ailleurs pas). Faudrait-il que l’organisation puisse prendre en compte cette évolution pour mieux répondre aux aspirations des travailleurs ? Cela semble logique et d’autant plus nécessaire alors que le fait syndical n’a jamais été autant précieux pour les intérêts des travailleurs.

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