2025 : L’été s’annonce brulant

  • Fin mars, à un peu plus d’un an des prochaines élections municipales, la France Insoumise a dévoilé sa “boîte à outils programmatiques municipales 2026”.Ce scrutin est le premier où LFI semble déterminée à s’investir dans la bataille locale. Présenté par les député·es Clémence Guetté et Hadrien Clouet, chargé·es du programme du mouvement, l’outil à destination des militant·es insoumis·es sur le terrain s’annonce ambitieux. Mais qu’en est-il réellement ? Un travail programmatique inédit Comme à leur habitude, les cadres de LFI n’ont pas lésiné sur le travail programmatique. Lors d’une assemblée participative en décembre 2024, les militant·es avaient validé neuf grands principes comme base d’un programme municipal soutenu par le mouvement. La stratégie jusqu’au boutiste -le programme rien que le programme- de la France Insoumise exclut de fait les autres partis. En ce sens, le premier point : “commencer la révolution citoyenne dans les communes” démontre que le mouvement des insoumis n’est pas prêt à s’allier avec les autres partis de gauche si facilement.  Les huit autres priorités énoncées : gérer les communs via des régies publiques, instaurer une règle verte à l’échelle communale, créer des communes “zéro chômeur” pour garantir le droit à l’emploi, lutter contre la spéculation immobilière, proposer une alimentation 100 % bio, locale et gratuite dans les cantines, défendre l’école publique et laïque, faire des communes des espaces antiracistes, féministes et inclusifs, s’engager pour la paix. Ces propositions relèvent d’un socle commun que toute municipalité de gauche pourrait partager. Une structure pensée dans les moindres détails Le programme est décliné en quatre grandes parties : commencer la révolution citoyenne (axe central de la doctrine insoumise), planifier l’écologie, fortifier l’entraide, et construire la nouvelle France. Chaque partie est structurée autour de : propositions contextualisées ou données chiffrées, actions concrètes dites « précisions méthodologiques », estimation des coûts (de 1 à 3), échelle d’application (petites ou grandes communes), exemples tirés de l’action d’élu·es insoumis·es. Autrement dit, LFI a fait ses devoirs. Aucun autre parti, à gauche comme à droite, ne peut revendiquer un tel travail de fond à ce jour. En complément de ce kit, des assemblées municipales ont été créées pour choisir les stratégies locales et désigner des chef·fes de file. Le tout est ensuite validé par un comité électoral chargé d’en vérifier la cohérence avec la ligne nationale. Un virage local assumé La France Insoumise, mouvement plutôt axé vers les élections nationales jusqu’ici, amorce un tournant. Ce désintérêt relatif pour l’échelon municipal s’explique peut-être par un facteur simple : les élections législatives déterminent le financement public des partis, calculé sur les résultats du premier tour et le nombre de parlementaires élus. Les municipales de 2026 seront donc un test décisif : LFI parviendra-t-elle à s’imposer comme force de gauche incontournable à l’échelle locale ? Avec quelles alliances ? Et dans quelles conditions ?On se souvient, par exemple, de l’épisode tendu de Villeneuve-Saint-Georges, où Louis Boyard, pourtant donné favori, a finalement été désavoué par ses propres allié·es. La survie du Parti Socialiste, après la présidence Hollande (2012-2017), s’explique peut-être par son ancrage territorial fort, entretenu par ses baronnies locales qui lui assurent encore des sièges de sénateur·ices. D’où l’importance de miser sur l’ensemble des élections. Un outil redoutable, mais à double tranchant Si utilisé, cet outil pourrait s’avérer redoutablement efficace. Premièrement, il permet de garantir une cohérence nationale : chaque militant·e peut défendre un programme homogène, quelle que soit sa commune.  Deuxièmement, il offre un cadre de formation politique, à l’image du travail de la Fondation La Boétie, et soulage les militant·es en période électorale pour qu’ils se concentrent sur le terrain ou les spécificités locales. Troisièmement, il repolitise l’échelon municipal, Puisque contrairement à ce qu’Alain Juppé formulait « Un tramway, ce n’est ni de droite ni de gauche » chaque politique publique a une couleur politique. Choisir un tramway c’est choisir : un trajet, une fréquence et un prix d’utilisation et tous ces éléments ont une couleur politique.Cependant, si le lecteur du kit est prévenu que la boîte à outils n’a pas vocation à remplacer un programme local, on peut se questionner sur un trop grand lissage et à terme la perte de richesses des différences territoriales.  Donner clef en main un programme politique permet de nourrir ses militant-e-s mais donne aussi la possibilité de créer de nouveaux militant-e-s playmobil et  d’annihiler complètement les propositions des habitant-e-s des territoires. Si il écrit noir sur blanc le choix de LFI “être en symbiose avec la volonté dégagiste des milieux populaires” et de “rendre le pays à ceux qui le font vivre”. Quelle place un kit municipal laisse pour les initiatives locales ? Soit LFI fait entièrement confiance à ses militant-e-s soit la stratégie passe par un centralisme démocratique aidé de petits soldats possédant des kits déclinables à chaque échelon.  Le PS comme repoussoir, la démocratie comme négation La crainte de reproduire le PS et ses logiques de notabilisation hante LFI.Dans l’introduction du kit, cette peur est clairement formulée : “Aucun insoumis n’a pour objectif de se transformer en notable, ni de créer une caste de bureaucrates territoriaux qui croient tout savoir mieux que les administrés.” Mais cette obsession finit par nourrir une forme de paranoïa, empêchant LFI de construire une structure plus démocratique et pérenne.La peur des baronnies tue la possibilité d’une vraie délibération locale. Entre mouvement gazeux et centralisme démocratique Il existe une contradiction entre la supposée souplesse créée par un mouvement qui se vante de ne pas être un parti et d’avoir une structure gazeuse (ou télégrammeuse). Jean-Luc Mélenchon l’assume dans un entretien “L’insoumission est un nouvel humanisme” https://www.europe-solidaire.org/spip.php?article42236#outil_sommaire_0 “Nous ne voulons pas être un parti. Le parti, c’est l’outil de classe. Le mouvement est la forme organisée du peuple. L’idée, c’est d’articuler le mouvement, sa forme et son expression : le réseau. Je sais que ce n’est pas évident à comprendre pour les seniors de la politique qui trimballent leurs vieux scénarios des années soixante, mais le but du mouvement de la France insoumise n’est pas d’être démocratique mais collectif. Ça n’a rien à Lire la suite

  • A force de vouloir incarner quelque chose, on finit par oublier ce qu’on doit incarner. Cette réflexion devrait être un mantra pour tout militant concerné. C’est bien beau de consacrer sa vie à la cause mais quelle reconnaissance peut-on y trouver si l’objectif final s’échappe ? S’engager n’a de sens uniquement si le jeu en vaut la chandelle.  C’est, d’ailleurs, le paradoxe de l’action collective. Même quand on pense que cette dernière fait changer le monde, celle-ci repose sur la responsabilité des individus qui la composent. C’est ce qu’on appelle le dilemme du prisonnier : tout le monde a intérêt à voir le monde changer mais pour que le monde change, il faut que tout le monde s’y mette or, quel est l’intérêt à sortir de la prison, seul, si personne ne fait le même effort ?  Le militant ou la militante est quelqu’un qui a réussi à s’évader de sa geôle et fait tout pour ouvrir le plus de cellules possibles afin de créer un mouvement de masse. A ce stade, cela paraît pourtant bien illusoire.   Pour revenir à la métaphore du jeu, personne ne joue si on ne peut pas remonter le score. Seules les perspectives de victoire le permettent.  Le malheur de la gauche, c’est sa capacité à enchaîner les défaites. Non pas qu’elle soit incapable de gagner. Au contraire, même.  S’il n’y avait aucune perspective, on ne pourrait pas expliquer l’intensité des attaques du système politico-médiatique, en particulier envers l’organisation la plus emblématique, actuellement, du camp social, à savoir La France Insoumise (LFI). Le problème – qui concerne autant LFI que les autres – c’est leur stratégie, caractérisée par l’échec.  Aussi nobles que puissent être les objectifs, admettons que les moyens sont aussi faibles que l’exigence à l’œuvre.  Ça ne sert à rien de le cacher plus longtemps, la cause de ce mal, c’est l’électoralisme ou quand la seule ligne politique passe par les élections.  Il y existe, à gauche, un rapport malsain, comme une spirale à laquelle nous sommes tous piégés.  Le symbole, c’est bien entendu l’élection présidentielle, perçue comme l’échéance suprême de notre vie politique nationale. Lucie Castets, ancienne candidate à Matignon pour le Nouveau Front Populaire (NFP), appelle, par exemple, d’ores et déjà à des primaires. Pourtant, l’expérience récente de la Primaire Populaire a prouvé l’inefficacité d’une telle manœuvre… Le projet dépasse le programme Concédons les potentielles critiques à l’intersyndicale, pendant la bataille de la réforme des retraites, au printemps 2023 ; tout comme il est légitime d’exprimer des réserves quant au NFP. Leur manque de souplesse, qu’on constate au moment où il s’agit d’émettre des mots d’ordres plus offensifs (par exemple, la grève générale ou bien la mise en place d’une constituante), tranche avec la fraîcheur de mouvements spontanés.  A titre démonstratif : les Gilets Jaunes, il y a six ans maintenant, n’ont pas pris de temps pour parler de référendum révocatoire, quand le terreau “ne fut qu’une” n-ième augmentation de la taxe sur l’essence.  Il n’empêche que le rassemblement des organisations historiques du mouvement social est gage de massification. Ce faisant, il est préalable à toute victoire. A l’épreuve des faits, il s’agirait de faire, tout de même, plus de finesse que de professer une addition magique, du style “Programme + Rassemblement = Victoire”.  Malgré le travail précieux de notre rédaction pour populariser le programme du NFP, qui serait capable, aujourd’hui, d’en donner une mesure phare, hormis l’abrogation de la réforme des retraites ? Ne vous en faîtes pas, nous non plus ! Ce n’est d’ailleurs pas un hasard que ce soit cette dernière qui cristallise la position des militants, tant elle est le fruit du rapport de force.  En fait, un programme révolutionnaire (si tant est que celui du NFP le soit) est, justement, la traduction électorale des revendications des organisations en lutte.  L’élan majoritaire provient moins d’un rassemblement programmatique que de l’unité dans les luttes. La victoire relative du NFP le 7 juillet 2024 est la résultante de cette formule.  Il ne faut pas oublier que c’est surtout la dynamique populaire, inouïe, qui a propulsé des personnes aussi talentueuses que Paul Vannier, Sandrine Rousseau et consorts dans l’hémicycle de l’Assemblée Nationale. La vérité, c’est que dans bon nombre de circonscriptions, une chèvre aurait pu se présenter qu’on aurait voté quand même pour elle. Pourquoi ? Parce que les organisations partaient du réel, des angoisses des gens, qu’ils soient dans la rue ou devant les urnes.  On ne bat pas le casino à son propre jeu    En politique, la limite est fine entre le compromis et la compromission. L’exercice du pouvoir est un jeu d’équilibriste permanent. Il semble donc naturel de faire des concessions. Cependant, la gauche ne peut nier le paradoxe à gouverner dans un système pensé pour et par les capitalistes libéraux.  De fait, prendre le pouvoir de manière institutionnelle, cela revient à accepter, a priori, ses règles et son fonctionnement. Cela ne veut pas dire qu’on ne va pas les changer une fois au pouvoir. C’est un peu le discours de LFI. Il n’aura échappé à personne que, faute d’un rapport de force suffisant, on se condamne à être une force d’appui au système en place. Telle fut la rude destinée des socialistes au pouvoir.  Dans le fond, cela semble logique que le pouvoir corrompt, c’est son but même. Les dérives gestionnaires, guère profitables au développement du discours unitaire, ne se comprennent simplement que comme des conséquences automatiques à la stratégie électoraliste.  CP_PCF.AngersTélécharger La stratégie de l’échec L’avantage de centrer son activité autour du calendrier électoral, c’est qu’elle est plus lisible. On prépare donc les échéances, en fonction de la séquence politique donnée. Côté face: quand on ne maîtrise pas son agenda, on se déconnecte des aspirations populaires – ou de son électorat, puisqu’ils réfléchissent comme ça –, tant on est préoccupé par les élections.  Quand le rapport de force change (ce qu’il fait en permanence), l’inertie d’une telle stratégie pousse les organisations à être en réaction, se condamnant à être à la remorque des événements.  Lire la suite

  • La Femme de ménage1 de Freida McFadden relate l’histoire de  Millie qui découvre que derrière les façades brillantes des maisons qu’elle nettoie se  cachent des secrets sombres et des abus insidieux. C’est un thriller psychologique, qui nous plonge dans une tension croissante où la femme de ménage devient le témoin involontaire des dysfonctionnements d’un monde qui la considère comme invisible.  De manière frappante, cette invisibilité résonne avec la lutte des femmes de  chambre de l’hôtel Campanile Tour Eiffel, qui ont décidé de briser le silence en  lançant une grève illimitée pour dénoncer leurs conditions de travail précaires.  Comme Millie, elles sont au cœur d’un système qui repose sur leur travail acharné  tout en les marginalisant. Leur combat pour des cadences humaines, la fin de la  sous-traitance, et des salaires dignes met en lumière les injustices structurelles qui  persistent dans l’industrie hôtelière2. Ainsi, du fictif au réel, de Millie à Magassa Sacko, une femme de ménage chez  Campanile3, se dessine un parallèle poignant : celui d’une lutte pour la  reconnaissance et la dignité face à des systèmes qui exploitent sans merci celles qui  travaillent dans l’ombre.  Campanile et son architecture  Campanile est une chaîne hôtelière appartenant au groupe Louvre Hotels Group, lui-même détenu par le groupe chinois Jin Jiang International. Le nom “Campanile » tire son origine du terme architectural italien désignant une tour abritant des cloches, généralement construite comme un élément indépendant à côté d’une église ou d’une cathédrale. Ce terme architectural, dérivé de « campana » (cloche, en italien), s’est répandu à partir du haut Moyen-Âge en Italie avant de désigner diverses structures similaires en France. En France, un campanile peut désigner une tour lanterne ajourée, faisant office de clocher, mais aussi un édicule, c’est-à-dire une chapelle ou dépendance d’un édifice religieux en bois ou en fer forgé qui porte les  cloches sur une église, notamment dans le Midi4. En contraste avec cette étymologie architecturale prestigieuse, l’établissement  Campanile Tour Eiffel représente un hôtel économique situé à proximité du  monument parisien emblématique. Cette localisation privilégiée à l’Avenue Gustave  Eiffel n’a pas empêché l’établissement de connaître d’importants conflits sociaux au  cours des dernières années, précisément depuis 2016. Campanile : Avenue Gustave Eiffel, 75007 Paris  Les employés de Campanile Tour Eiffel, principalement des femmes racisées, ont  mené en 2016 une grève d’une durée de 28 jours qui s’est soldée par une victoire  significative. Les grévistes ont participé à la Marche des Fiertés un samedi à 14  heure pour démontrer qu’en “solidarité aux luttes contre l’homophobie, le sexisme, et  les LGBTIQphobies notamment dans la période actuelle de début du quinquennat de  Macron, il y a une convergence à construire entre les exploité.e.s et les  opprimé.e.s pour faire face à nos ennemis communs”5, 6. Cette première mobilisation a constitué un précédent important dans  l’établissement7, montrant l’efficacité et le pouvoir de l’action collective coordonnée et  solidaire. Les grévistes ont obtenu satisfaction concernant leurs principales  revendications : la fin de la sous-traitance suite à l’internalisation des femmes de chambre, une baisse des cadences de 25%, un passage des mensualisations des femmes de chambre de 86 heures 67 à 108 heures 33 et l’obtention à 75% d’un  13ème mois. C’est ainsi qu’un rapport de force avec la direction a influencé les  relations sociales futures au sein de l’établissement8. Cependant, après cette première victoire qui, dans l’ensemble, n’a pas apporté de  changements majeurs pour les salariées, et comme on l’observe dans tous les  conflits sociaux (en pensant notamment aux travailleurs de Michelin à Cholet, dont la  situation a été documentée par le journaliste Samuel Humeau dans un article pour Infoscope), la direction aurait, selon les sources syndicales, essayé de « déstabiliser  et faire voler en éclat l’unité de l’équipe ». Pour ce faire, elle aurait employé  différentes tactiques : recruter du personnel externe au lieu de favoriser les  promotions internes, sanctionner un représentant syndical, ou exercer des pressions  directes sur les employés.  Face à cette situation, les salariés, organisés avec le syndicat CGT – HPE : Hôtels  de Prestige et Economiques, ont lancé un mouvement de grève illimité à partir du  16 mai 2017. Cette mobilisation s’est poursuivie pendant 43 jours consécutifs,  démontrant une détermination remarquable de la part des grévistes femmes9. L’accord de fin de conflit ?   Finalement, après des jours de grève, la direction, représentée par la maison mère  Louvre Hotels Group, a proposé un accord de fin de conflit. Selon un  communiqué du syndicat CGT Hôtels de Prestige et Économiques daté du 27 juin 2017, la direction cède à un échange sur plusieurs des revendications significatives10 des salariés avec :   1. le passage d’un délégué en travail de jour après dix ans de travail de nuit  préjudiciable à sa santé   2. l’augmentation de la mensualisation des femmes de chambre de 25 à 27  heures hebdomadaires  3. le passage à temps complet d’un veilleur de nuit gréviste (précédemment à  ⅗ temps)   4. le rétablissement des attributions de la déléguée sous-directrice de l’hôtel  5. une attention particulière pour les délégués les plus anciens   6. la mise en place d’une nouvelle organisation accordant davantage de  responsabilités aux représentants syndicaux. Ces derniers points sont particulièrement significatifs car ils visaient explicitement à  éviter “ les éventuels coups fourrés de la direction et de repartir sur de bonnes bases  dans l’hôtel.”  La situation actuelle   En 2025, la mobilisation des femmes de chambre des hôtels Campanile n’a pas pris  une ride. Elles sont toujours debout et dénoncent des conditions de travail précaires  et des pratiques discriminatoires11. Depuis le 19 août 2024, une grève de 7 mois est en cours dans les hôtels  Campanile et Première Classe de Pont de Suresnes. Elles poursuivent avec des  revendications claires et pressantes. Ces salariées, majoritairement des femmes  originaires du Mali, du Sénégal, du Congo, de la Mauritanie et des Comores,  dénoncent des conditions de travail dégradantes et revendiquent des droits  fondamentaux. Elles mènent un combat emblématique pour la justice sociale dans le  secteur hôtelier. Les grévistes demandent : une augmentation des salaires indexée  sur l’inflation12, l’instauration d’une prime exceptionnelle pour  compenser la perte de pouvoir d’achat, la réintégration d’une femme de Lire la suite

  • Fin 2024, Christelle Morançais, présidente de la région Pays-de-la-Loire et vice-présidente du mouvement Horizons d’Édouard Philippe, s’illustrait en tant qu’élève modèle de la rigueur budgétaire, en annonçant des mesures d’austérité de l’ordre de 100 millions d’euros dans les dépenses de fonctionnement à l’horizon 2028, quand le gouvernement Barnier ne lui en demandait que 40 millions. Par-delà l’énormité de la cure d’amaigrissement, c’est la méthode employée et les choix opérés (principalement la culture, le sport, la vie associative, le bénévolat, les solidarités, le civisme et l’égalité femme-homme) qui ont suscité le plus d’émoi. Une catastrophe annoncée sans ménagements Quand certains louaient son courage politique (dont elle se gargarisait elle-même), qui faisait passer Laurent Wauquiez, président de la région Auvergne-Rhône-Alpes pour un petit joueur (en mai 2023 celui-ci avait ouvert le bal en décidant une remise en cause plus modeste de 4 millions du financement de la culture), d’autres fustigeaient la brutalité de la décision sans concertation démocratique et les conséquences délétères sur le territoire. Jean-Marc Ayrault, ancien maire de Nantes (1989 à 2012) et ancien premier ministre (mai 2012-mars 2014) « étrillait » les choix budgétaires de la Présidente de région en déclarant que « la culture ne peut pas être une variable d’ajustement » 1. Julie Laernoes, députée écologiste, dans une question posée à la ministre de la Culture Rachida Dati, s’indignait qu’en matière de culture « Mme Morançais considère que la région n’a plus vocation à intervenir, et dénonce un monopole intouchable et des associations très politisées, qui vivent d’argent public. Nous sommes choqués par ces règlements de comptes d’une violence hallucinante, qui relèvent du dogmatisme et de la démagogie. Pas moins de 150 000 emplois sont en jeu : c’est un véritable plan social qui ne dit pas son nom. »2 Elsa Richard, conseillère régionale écologiste des Pays-de-la-Loire, témoigne : «Alors qu’on s’apprêtait à débattre sur des orientations budgétaires qui nous ont été transmises, Christelle Morançais a annoncé 100 millions d’euros d’économies dans le fonctionnement qui n’étaient pas inscrites dans les rapports d’orientation budgétaire que nous on avait sous les yeux. Donc officiellement, en tant qu’élu, en tant que conseiller, conseillère régionale, nous n’avons pas pu débattre sur une base claire et factuelle des économies qu’elle proposait. »3  Le CESER (conseil économique, social et environnemental) des Pays-de-la-Loire, a dénoncé de son côté la précipitation dont a fait preuve la Présidente de la Région, dans un communiqué de presse du 18 décembre 20244, le manque de concertation et de transparence et note dans son avis sur le budget 2025 que « plusieurs partenaires de la Région ont ainsi reçu l’annonce écrite de la baisse ou de la suppression de leur financement avant même le vote du budget. Cette rupture fragilise non seulement la parole régionale mais a des répercussions fortes – par effet de ruissellement, au-delà des coupes budgétaires régionales – sur l’attractivité du territoire, y compris en suscitant un climat anxiogène pour les investisseurs et les citoyens. »5 Outre la culture qui verra finalement ses subventions de fonctionnement baisser de 62%, soit près des deux tiers de son enveloppe, représentant 10,6 millions d’euros d’économie sur trois ans, de nombreux autres secteurs sont touchés. En premier lieu les agents de la collectivité territoriale dont les départs en retraite ne seront pas remplacés, mais aussi les missions locales qui perdent 3 millions d’euros. Ce qui représente environ 60 emplois, selon Benoit Drapeau, directeur de l’association régionale des missions locales6. Le planning familial est amputé de l’intégralité de sa subvention de 67 000 €, déclenchant la colère Bérangère Tessé, directrice de l’antenne de Loire-Atlantique : « On a une quarantaine d’actions qui s’arrêtent dès l’année prochaine. L’expression « mieux vaut prévenir que guérir », pour moi, prend tout son sens. L’impact va être dix fois pire, c’est-à-dire qu’on fait des économies court-termistes et populistes, mais on envoie quel signal ? Effectivement, on va aller moins sur le territoire, on va mutualiser, on va faire cinq animations au même endroit parce que ça va nous éviter des déplacements, mais c’est sûr que les premières victimes de ces décisions indignes, ce sont les bénéficiaires de nos actions. »7. C’est aussi une baisse de 75% des subventions pour le sport et de 90 % pour les actions en direction de l’égalité femmes – hommes dont fait partie le planning familial. Pour le secteur de la culture, le coup est rude, brutal, sans précédent et les acteurs culturels vont se mobiliser dès les premières annonces, à l’instar de Catherine Blondeau directrice du Théâtre le grand T à Nantes, Jérémy Fabre directeur de la maison Julien Gracq à Mauges (suppression de 65 % de la subvention régionale soit 85 000 € et 30 % du budget de cette institution8), la revue 303 qui perd 50% de sa subvention en 2025 et 100% en 20269, et bien d’autres : la Folle journée de Nantes, le Quai, centre dramatique national à Angers, le VIP et le festival les Escales à Saint Nazaire10, Angers Nantes Opéra, l’orchestre national des Pays de la Loire (ONPL), etc. Ce qui fait dire à la CGT spectacle qu’il s’agit d’une hécatombe11 et Maxime Séchaud, secrétaire général adjoint CGT spectacle vivant, estime que cette coupe budgétaire « va mettre des milliers de personnes dans la rue et ça il faut bien dire les mots pour qu’elle ait conscience que ce qu’elle fait, c’est aussi grave que quand une usine ferme ou que quand on démantèle des services publics »12. Les acteurs culturels évaluent que la perte directe d’emplois concernera à 244313 personnes. Certains licenciements sont déjà effectifs comme à la revue 303. Dans le même temps, les étudiants préparant aux métiers culturels s’inquiètent de leur avenir comme à l’école supérieur d’art et de design du Mans ou comme les étudiants du master médiation culturelle qui lors d’une réunion publique, où infoscope était présent, le 11 mars 2025, exprimaient leurs difficultés à la poursuite de leurs études, ne trouvant plus de stages car les structures n’ont plus la capacité financière à les accueillir. Les financements de la culture Pour justifier son budget, la majorité au sein du conseil régional des Pays-de-la-Loire, explique qu’il Lire la suite

  • Photos des lycéens de Mantes-la-Jolie a genoux les mains dans le dos

    Le 8 avril dernier, le tribunal de Versailles a prononcé un non-lieu dans l’enquête sur les conditions d’interpellation des 151 lycéens de Mantes-la-Jolie. Les faits remontent à 2018 : en pleine mobilisation contre Parcoursup et la réforme du baccalauréat, 151 lycéens avaient été arrêtés, forcés de s’agenouiller, certains menottés, les mains placées au-dessus de la tête. Une vidéo, largement relayée à l’époque, montrait la scène. En fond, un policier ironisait : « Voilà une classe qui se tient sage. »  Photos des lycéens de Mantes-la-Jolie a genoux les mains sur la tête Malgré l’indignation suscitée par les images, la décision de justice est passée presque inaperçue dans les médias. Ce silence est révélateur : premièrement d’un désintérêt croissant pour les violences policières, deuxièmement d’une accoutumance collective à ces pratiques, et troisièmement d’un système judiciaire qui les sanctionne rarement.  À force de banalisation, rares sont celles et ceux qui osent critiquer la police. Plus aucun responsable politique ne remet en cause son existence, et encore moins ne propose son abolition. La police est violente mais si violence il y a, elle n’est plus que légitime et Weber se retourne dans sa tombe en entendant Gérald Darmanin, ministre de l’interieur en 2020 dévoyait sa thèse en parlant de « une violence, certes, mais une violence légitime » pour évoquer le meurtre de Cédric Chouviat étranglé et etouffé au sol par des policiers.   Les violences envers les gilets jaunes, puis les manifestants ont permis de créer un certain espace de visibilisation et dénonciation. Mais face à ces violences, les jeunes hommes racisés de quartier populaire rigolent, cela fait des années qu’ils subissent les mêmes, dans un silence assourdissant.   Il faut désormais des actes extrêmes pour que ces violences fassent la une. En 2005 Zyed Benna et Bouna Traoré meurent électrocutés dans un transformateur électrique en fuyant un contrôle de police. En 2016, Adama Traoré meurt asphyxié par des gendarmes. En 2017, Théo est violé par un policier à l’aide d’une matraque télescopique, provoquant une déchirure de 10 cm du sphincter anal. En 2023, la mort de Nahel Merzouk, abattu à bout portant par le policier Florien M., est filmée et provoque plusieurs jours d’émeutes en banlieue parisienne.  Aucune réponse satisfaisante n’a été apporté à ses affaires.   En 2015, relaxe définitive pour les policiers dans l’affaire de Zyed Benna et Bouna Traoré.   Pour Adama Traoré, le tumulte judiciaire est plus connu : en 2023, une ordonnance de non-lieu est rendue, puis confirmée en appel en mai 2024. L’affaire fait actuellement l’objet d’un pourvoi en cassation. Là encore, la Défenseure des droits rend une décision en 2023 dans laquelle elle demande des poursuites disciplinaires à l’encontre des quatre gendarmes concernés.  Pour Théo Luhaka, l’histoire est archétypale des dysfonctionnements au sein de la police. La Défenseure des droits, Claire Hédon, a même publié une décision sur le comportement des agents de la brigade spécialisée de terrain. Dans ce rapport, les événements du contrôle sont relatés ainsi : à la suite d’un contrôle, un des agents donne une gifle à Théo Luhaka ; la situation dégénère, Théo est violé, maintenu au sol par un policier qui place son genou sur sa nuque, tandis que du gaz et une grenade lacrymogène sont lancés en direction du groupe qui filme la scène. Plus tard, les agents mentent sur l’usage de leurs armes, prennent une photo Snapchat de Théo — photo qui disparaîtra le jour du procès — et menottent la victime à un banc, alors même qu’ils ont constaté des saignements de « son fion ». Les agents ne sont placés en garde à vue que neuf heures après les faits, après avoir eu le temps de rédiger ensemble le procès-verbal d’intervention. En janvier 2024, trois des quatre policiers sont condamnés à des peines de prison avec sursis pour violences volontaires, l’infirmité permanente dont souffre Théo n’ayant pas été retenue.  Pour Nahel Merzouk, le parquet de Nanterre requiert un procès pour meurtre à l’encontre du policier qui l’a tué. Ce dernier a pourtant bénéficié d’un soutien inédit : 85 063 personnes lui ont versé un total de 1,6 million d’euros via une cagnotte ouverte par Jean Messiha après les événements. La Défenseure des droits a également ouvert une enquête sur ce meurtre.  Suite à ces affaires l’ONU appelle la France à s’attaquer « aux profonds problèmes de racisme au sein des forces de l’ordre ».   Et ce même si le président de la république Emmanuel Macron nie cette idéologie, comme en 2021, lors d’une interview au Figaro : « il n’y a pas de racisme systémique de la police, c’est faux, pas plus qu’il n’y en a dans la gendarmerie ou au sein de l’État. »  Toutes ces affaires ont un point commun : toutes les victimes fuyaient la police. Fuir un contrôle, une interpellation, fuir ces outils légaux qui permettent à la police d’exercer une violence arbitraire, en particulier sur les jeunes hommes racisés.  C’est ce que documente en profondeur le rapport « Amendes, évictions, contrôles : la gestion des “indésirables” par la police en région parisienne », soutenu par le Défenseur des droits et mené par Aline Daillère (CRIS, CESDIP) et Magda Boutros (CRIS, Sciences Po).  Les résultats démontrent qu’il existe, au sein de la police nationale, une politique institutionnelle qui vise à évincer de l’espace public parisien des catégories de population définies par l’institution policière comme “indésirables”, sur la base de leur âge, genre, assignation ethno-raciale et précarité économique. Les deux outils clés étudiés sont le contrôle d’identité et la verbalisation. Cette politique d’éviction, appliquée de manière arbitraire, est soutenue par l’administration, la justice et le législateur, qui ne prennent ensemble aucune mesure pour limiter ces pratiques. Résultat : les amendes se multiplient, sans aucun effet dissuasif.  Au contraire, ce harcèlement policier produit deux effets majeurs : un sentiment profond de défiance, et une stratégie d’évitement du monde du travail (travail non déclarée, disparition du système bancaire) les personnes ciblées sachant que leurs salaires risquent d’être saisis pour rembourser leurs amendes. Le rapport énonce plusieurs cas de dettes phénoménales : « Par Lire la suite

  • Pete Hegesth fais la moue

    Si on m’avait dit qu’un nazi alcoolique divulgerait des informations, classées secret défense, sur des interventions état-uniennes au Yémen je ne l’aurais pas cru il y a encore 6 mois. C’est un post Instagram qui a attiré mon attention sur ce sujet.

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[Podcast] Une seule bannière : le Front Populaire, avec des responsables de LFI, d’EELV, du PS, du PCF et du NPA

L’annonce a fait l’effet d’une bombe. A la suite des résultats de l’élection européenne, plaçant l’extrême droite en tête, le président de la République Emmanuel Macron a dissout l’Assemblée Nationale.

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Le fléau de la gauche

A force de vouloir incarner quelque chose, on finit par oublier ce qu’on doit incarner. Cette réflexion devrait être un

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Requiem pour la culture en région Pays-de-la-Loire

Fin 2024, Christelle Morançais, présidente de la région Pays-de-la-Loire et vice-présidente du mouvement Horizons d’Édouard Philippe, s’illustrait en tant qu’élève

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Le droit de manifester est-il soluble dans le maintien de l’ordre ?

Manifester est un droit fondamental, mais il trouble nécessairement l’ordre public. Face à un maintien de l’ordre de plus en plus répressif, peut-on encore concilier contestation et sécurité en 2025 ? Décryptage.

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