Ode aux héros populaires
Le monde du sport est en émoi : en deux jours, Christophe Dominici et Diego Maradona ont passé l’arme à gauche. Bien sûr, il serait de bon ton de rendre à notre tour un hommage à ces figures populaires. Cependant, il y a quelque chose qui gêne dans cette manie.
Des héros, des personnes
Doit-on rendre hommage à des sportifs ou des artistes ? Les plus en verve ont raison de se demander quelles furent leurs contributions à la société. Le précédent de Johnny Hallyday a soulevé son lot d’interrogations. Pourquoi la France a dû décréter un jour de deuil national pour un belge exilé fiscal en Suisse ? Ce genre d’entreprise flaire la récupération politique et institue un devoir de mémoire qui n’est pas forcément le bienvenu. Les critiques sur ce genre de pratiques sont multiples, et le débat sur la place des statues dans la place publique le rappelle. Aussi vrai que Christophe Colomb n’a jamais découvert l’Amérique, c’est par son arrivée qu’il offre l’Amérique à l’Espagne. Ce qui lance la mode de l’esclavage que toutes les puissances européennes, de concert avec les empires et royaumes africains comme asiatiques, bénéficieront pendant quatre siècles.
Ce genre de réflexions, on peut les avoir aussi pour MM. Maradona et Dominici. Diego Maradona, c’est la super-star qui s’exporte dans un football mondialisé, qui est au-dessus des lois et dont la connivence avec la mafia napolitaine interroge. Christophe Dominici, c’est le triomphe du rugby professionnel, qui va consacrer des clubs “néo-riches” comme le Stade Français dont il fera la majorité de sa carrière alors que les “historiques” (Coulommiers, Bourgoin-Jallieu, Biarritz plus récemment) n’ont pas les armes parce qu’ils n’ont pas les moyens financiers. Et pourtant…
Symboliser une époque
Pourtant, par l’intermédiaire de Christophe Colomb, c’est la prise de conscience que ce que nous savons n’est qu’une infime partie des connaissances réellement accessibles. Demandez aux mineurs de Decazeville si Johnny Hallyday ne mérite pas un hommage. Diego Maradona, c’est aussi ce but merveilleux en quart de finale de Coupe du Monde contre l’Angleterre, quelques années après le terrible conflit entre Albion et l’Argentine pour les Malouines, qui signe la résistance de tout un peuple, voire tout un continent. Et que dire de Christophe Dominici, qui, le temps d’un match, a rappelé que le rugby n’était pas qu’un sport où les seules dispositions physiques pouvaient faire la différence (pour rappel, il était, ce soir de demi-finale de Coupe du monde 1999, le vis-à-vis direct de Jonah Lomu, première icône du rugby professionnel pour son gabarit d’avant et sa vitesse d’arrière).
Surtout, il faut aussi comprendre pourquoi ces personnes sont statufiées à leurs décès. Tout simplement parce que ce sont des héros. Permettez-moi de proposer la définition historique d’un héros: c’est une personne qui symbolise une époque. En ce sens, un héros n’est ni bon, ni mauvais comme le voudraient les récits de fiction. Ils sont dans l’ère du temps et c’est ce qui fait qu’on se reconnaît en eux. Ils parlent d’une époque que nous n’avons pas vécu, parce qu’il est évident que pour nos jeunes, parler de Dominici ou bien de Maradona, à l’heure des Mbappé ou des Kolbe, c’est de l’histoire ancienne. Et c’est justement cela, le plus important, c’est de l’Histoire, et les Dominici, les Maradona, les Hallyday et même les Colomb sont des vestiges d’une autre époque. Les faire disparaître, c’est empêcher le travail d’historien et finalement, c’est empêcher de mieux comprendre l’époque dans laquelle nous vivons aujourd’hui.
Pour cela, MM. Maradona et Dominici, merci à vous et reposez en paix.
Adam Fourage, ailier de poche et fan de Christophe Dominici
La comparaison avec Christophe Colomb est osée, mais le point de vue est intéressant : ce qui définit le héros c’est sa fonction sociale ( pas seulement historique d’ailleurs ! )
En réponse à un certain mépris de classe, c’est réconfortant de saluer des héros populaires, qui nous ont vus grandir pour certains, qui nous ont fait rire ou pleurer #Zidane #coupdeboule