Dés

Les dés sont jetés : la Française des Jeux (FDJ) sera privatisée d’ici la fin de l’année 2019, dans six mois tout au plus. Le transfert du mastodonte français des jeux d’argent de la propriété publique vers des capitaux privés se trouve être ni plus ni moins qu’une méga-bombe prête à exploser.

En 2017, dernière année dont nous disposons des chiffres détaillés, la FDJ voyait son chiffre d’affaires dépasser les 15 milliards d’euros, dont 3,3 milliards d’euros ont été redistribués à la collectivité. En situation de monopole intégral de la vente physique de jeux d’argent, l’entreprise bénéficie d’un réseau de 30.800 détaillants. Les jeux à gratter, les nombreuses loteries et les paris sportifs en pleine expansion seront désormais aux mains d’acteurs privés surpuissants, les futurs principaux actionnaires d’une poule aux œufs d’or.

L’État se sépare donc de l’entreprise publique la plus rentable jamais mise sur pied. Chaque année, 25 millions de joueurs achètent un ticket auprès de la FDJ, dont au moins 600.000 sont tombés dans le piège de l’addiction. Nul doute que les capitalistes qui rachèteront la FDJ, probablement pour une bouchée de pain au vu des gains titanesques qu’elle leur rapportera, ne seront, pas plus que l’actuelle direction, soucieux des effets parfois dévastateurs du rêve de l’argent facile. Rêve dont la poursuite se traduit souvent en cauchemar bien réel pour le porte-feuille, la vie sociale et la santé du parieur.

C’est bien sur ce rêve que se construit le jeu d’argent : les simples travailleurs espèrent devenir riches en touchant le jackpot, pour offrir à leurs proches le meilleur confort matériel, et pourquoi pas constituer un capital pour leur assurer une rente juteuse. Le jeu d’argent repose sur le même principe que le système qui régit le monde qui nous entoure, le capitalisme : pour un gagnant, il y a des centaines, des milliers voire des millions de perdants. Dans une France gangrenée par le chômage de masse et la régression sociale, causes de désespoir, miser semble le seul échappatoire, miser encore et encore s’il le faut.

En apparence, la privatisation changera peu de choses : les tirages d’Amigo auront lieu 250 fois par jour, les supers jackpots du Loto marqueront les vendredi 13, Thomas Thouroude fera la pub de ParionsSport et des jeux à gratter pseudo-caritatifs seront tirés en éditions limitées. Tout cela continuera. Mais les coulisses seront transformées : les lobbyistes de la FDJ, déjà au nombre de 300 à Bruxelles, se multiplieront, cette fois pour le compte d’investisseurs engagés dans d’autres secteurs ; les gigantesques bénéfices seront transférés dans des paradis fiscaux, puisqu’il n’y a aucune frontière pour les capitaux ; les gains, enfin, n’iront plus vers l’État et ses services publics mais dans les coffres pleins à craquer de la grande bourgeoisie financière.

Du point de vue des finances publiques, de l’économie la plus basique comme de la prévention des risques, la privatisation de la Française des Jeux est un scandale sans précédent. Le gouvernement Macron poursuit, plus qu’aucun autre avant lui, la vente aux enchères de nos trésors nationaux. Avec pour commissaire-priseur un Bruno Le Maire, dont la malhonnêteté et l’incompétence reviennent à jouer le destin de notre pays sur un coup de dés perdu d’avance.

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