Le programme du Front populaire est bon pour les finances publiques (et pour l’économie française) !

Le nouveau Front populaire (NFP) a présenté son programme dès la première semaine de campagne, fort de plus de 180 mesures concrètes. Cela permet de jauger les plus petits dénominateurs communs d’une coalition allant de Philippe Poutou jusqu’à François Hollande, traits d’union qui s’avèrent n’être pas si faibles que cela.

Il est question d’un partage inédit des richesses produites, d’un renforcement des services publics permis par la justice fiscale, et d’un retour à la vocation première de la Sécurité sociale en protégeant effectivement les travailleurs malades, accidentés, retraités ou privés d’emploi.

Gesticulations ridicules

Voyant, justement, le caractère offensif d’un programme revenant sur des décennies de libéralisme, et la poussée électorale du nouveau Front populaire, les forces de droite, d’extrême-droite et médiatiques s’agitent ridiculement, à coups d’arguments fallacieux.

Bercy à la ramasse

Au point que Bruno Le Maire, qui dirige Bercy depuis sept ans et pour encore quelques jours, a mobilisé les services du ministère de l’Économie pour avancer le chiffre de 287 Milliards d’euros que « coûterait » à la France l’accord programmatique du nouveau Front populaire.

Problème : bien que repris en chœur par les éditorialistes libéraux, ce montant est malhonnête. Il ne fait qu’additionner les pertes de recettes et les nouvelles dépenses, sans prendre en compte les nouvelles recettes et les dépenses en moins.

Lâcheté macroniste

Bruno Le Maire, champion de la dette publique malgré sept années d’austérité imposée contre les classes populaires, vient de refuser le débat avec la députée socialiste sortante et candidate de la coalition de gauche Valérie Rabault. Celle-ci voulait défendre « ligne par ligne un programme cadré », le ministre de l’Économie et des Finances s’est défilé, démontrant la lâcheté et l’incohérence du camp macroniste.

Nous étudierons les mesures concrètes voulues et assumées par le nouveau Front populaire, et la logique induite par une telle transformation. Face à chaque nouvelle dépense, pour l’État, la Sécurité sociale ou les entreprises, nous mettrons en face les recettes prévues pour la compenser.

15 jours de partage à la source

Il s’agit, d’abord, de partager les richesses à la source, là où la valeur est créée par les salariés et travailleurs indépendants. Dès les 15 premiers jours, le NFP s’engage à augmenter les revenus du travail par le passage du salaire minimum interprofessionnel (SMIC) à « 1.600 euros net », soit plus de 200 euros d’augmentation ; en sus de la hausse des indemnités des stagiaires et du salaire des apprentis et alternants.

La faisabilité du SMIC à 1.600 euros net

À ce sujet, si les grands groupes et principaux employeurs sauront sans difficulté accéder à ces augmentations de salaires, ne devant rogner que sur leurs marges et la rémunération de leurs actionnaires-rentiers, un dispositif est prévu pour accompagner les très petites entreprises (TPE) et les petites et moyennes entreprises (PME) afin d’opérer cette hausse de la masse salariale sans risquer, comme le menacent la droite et l’extrême-droite politique ou médiatique, de « mettre la clé sous la porte ».

Il est prévu d’ « encadrer la sous-traitance, garantir la responsabilité du donneur d’ordre et mettre en place des quotas de sous-traitants issus du tissu de TPE/PME et de l’artisanat local » ; en d’autres termes, les petits artisans et commerces seront favorisés sur leur territoire, allégés des prix de leurs gros fournisseurs et renfloués par le prix de vente à leurs principaux clients.

La boulangerie du coin

Il reste des exemples très concrets, comme la boulangerie et le coiffeur du coin, qui pourront adapter leurs tarifs sans risquer de perdre une clientèle populaire qui, justement, aura gagné du pouvoir d’achat et pourra se permettre de consentir à des prix en légère hausse. N’oublions pas qu’en 2023, nous avons dû faire face à une inflation monumentale causée par la spéculation des marchés financiers et sans hausse des bas salaires, ce qui consiste en une double peine.

Avec le nouveau Front populaire, l’inflation chez les petits commerçants sera encaissée par le soutien fort à la consommation populaire via le partage des richesses, permettant un « choc de la demande » qui relance l’économie autrement que par la « politique de l’offre » en vigueur depuis vingt ans ; et cela s’avère être, dans les exemples historiques ou chez nos voisins, un cercle vertueux.

Revenu paysan et blocage des prix

« Engager les négociations commerciales en garantissant un prix plancher et rémunérateur aux agriculteurs et en taxant les superprofits des agro-industriels et de la grande distribution », tel que prévu dans le contrat de législature du nouveau Front populaire, parle de lui-même en faisant simplement basculer la répartition des richesses générées par l’agriculture française vers le monde paysan qui produit.

« Bloquer des prix des biens de première nécessité dans l’alimentation, l’énergie et les carburants par décret, et renforcer le bouclier qualité-prix pour les outre-mer » est un troisième marqueur fort pour revigorer la consommation populaire dès les 15 premiers jours de gouvernement, en atténuant l’inflation.

Le principe est le même que pour la mesure précédente : ici, l’on ne s’attaque pas aux superprofits mais aux marges immédiates des principaux industriels et des grands distributeurs.

100 jours de transfert du capital vers les salaires

« Indexer les salaires sur l’inflation », bien que celle-ci soit modérée dans la mesure où les prix des produits de première nécessité seront bloqués sur les étals des hypermarchés et des stations-essence, permettra aux travailleurs rémunérés au-dessus du SMIC de ne pas voir leurs revenus décrocher.

Contre la rente immobilière

« L’encadrement des loyers de manière obligatoire dans les zones tendues ainsi que des prix du foncier » permet de mettre fin au cercle infernal subi par les locataires et primo-accédants à la propriété immobilière, aujourd’hui en cours sur des territoires aussi divers que Paris ou Angers, que nous connaissons bien.

Les rentiers de l’immobilier et autres multi-propriétaires se verront contraints par la loi de rendre le logement plus accessible, dans la logique de garantir à toutes et tous le droit élémentaire d’avoir un toit sur la tête.

L’accès aux soins garanti

Dans le domaine de la santé privée, deux mesures conjointes sont avancées dans le programme du NFP : « Conditionner l’ouverture des cliniques privées à la participation à la permanence des soins et à la garantie d’un reste à charge zéro » et « Créer un pôle public du médicament avec renforcement des obligations de stocks ».

Le but étant de favoriser l’accès aux soins, aux traitements et au matériel médical sans hausse de tarifs, la coalition de gauche prévoit de s’en donner les moyens en réglementant les cliniques privées et en créant un service public de production de médicaments, ce qui rapportera plus que ça ne coûtera pour les finances publiques – aujourd’hui, les laboratoires privés sont gracieusement remboursés par la Sécurité sociale, la logique commencera donc à changer.

Poursuivre le partage les mois suivants

De nombreuses mesures inscrites dans la logique de transfert de la manne du capital vers les revenus du travail sont détaillées, pour les mois suivants les 100 premiers jours de mandature.

Protéger les salariés et agriculteurs

« Organiser une conférence nationale sur le travail et la pénibilité visant au rétablissement de la durée effective hebdomadaire du travail à 35 heures, au passage aux 32 heures dans les métiers pénibles ou de nuit immédiatement et son extension par la négociation collective » forme un axe lié à une autre proposition concrète, « adopter un plan d’action “zéro mort au travail” par le rétablissement des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), l’embauche d’inspecteurs du travail et de médecins du travail ». Les frais afférents étant à la charge des employeurs de structures dépassant une certaine masse critique, l’applicabilité de ces mesures est totalement assurée.

Il est aussi question de « protéger nos agriculteurs de la concurrence déloyale » et de « lutter contre l’accaparement des terres et permettre à chaque agriculteur qui souhaite s’installer d’accéder à une exploitation pour préserver le modèle agricole familial », ce qui s’attaque à la logique des traités de libre-échange et à celle de la concentration continue de la propriété des exploitations agricoles entre quelques mains qui ne travaillent pas la terre.

Pour l’égalité, contre la concentration privée

« Instaurer l’égalité salariale et créer un congé menstruel dans les entreprises et administrations » représente tout à la fois une hausse massive de cotisations pour financer la Sécurité sociale, générée par l’alignement du salaire des femmes sur celui des hommes – et ce sont les grandes entreprises disposant de moyens financiers importants qui pratiquent le plus cette discrimination salariale aujourd’hui – et la fin d’une logique patriarcale ancestrale considérant que les femmes doivent naturellement être moins bien rémunérées que les hommes.

Il est également à l’ordre du jour de « limiter strictement la concentration dans les industries culturelles et les médias dans les mains de quelques propriétaires », permettant à des plus petites entreprises de fleurir, de garantir une meilleure indépendance et un moindre alignement éditorial dans les champs culturels et médiatiques.

Souveraineté populaire contre souverainisme bourgeois

Pour conclure cette partie sur le partage à la source, les coûts de ces mesures sont prévus et compensés par d’autres propositions du programme du nouveau Front populaire, par exemple « engager un plan de reconstruction industrielle pour mettre fin à la dépendance de la France et de l’Europe dans les domaines stratégiques (semi-conducteurs, médicaments, technologies de pointe, voitures électriques, panneaux solaires, etc) » et « modifier le droit de la concurrence en Europe pour garantir le droit de monopole public au niveau national ».

L’idée derrière ce dernier point de la transformation structurelle de notre économie est de garantir une souveraineté nationale dans la production, couplée à la souveraineté populaire dans les choix opérés par la puissance publique, loin de tout souverainisme xénophobe et capitalisme tricolore tels que défendus par l’extrême-droite.

La redistribution par l’impôt

Fortement rejetés et dénoncés par la population, les taxes et impôts sont conspués par la majorité des Français parce qu’ils subissent depuis des décennies un développement des prélèvements sur les plus modestes en parallèle d’une baisse des impôts des grandes fortunes et entreprises, autrement dit des cadeaux fiscaux aux plus riches.

À titre indicatif, selon les dernières données publiées par la direction générale des finances publiques (DGFIP) portant sur l’année 2022, la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), l’impôt le plus injuste car frappant de plein fouet celles et ceux qui consacrent tous leurs revenus à la consommation du quotidien, était de loin la première source fiscale de l’État avec 202,7 Milliards d’euros. L’impôt sur le revenu, progressif et nécessairement plus juste, plafonnait à 94 Milliards d’euros.

L’impôt et les taxes ont pour dessein, dans leur sens premier, de redistribuer la richesse en prélevant davantage aux plus fortunés pour garantir des droits à l’ensemble des citoyens et habitants, sous forme d’allocations ou sous forme de services publics guidés initialement par les principes de gratuité d’accès et d’égalité entre toutes et tous, habitants des centres-villes, des quartiers comme des campagnes. C’est cet esprit originel que le nouveau Front populaire aspire à respecter.

L’abolition des privilèges

Dès les 15 premiers jours, « la hausse de 10% du point d’indice des fonctionnaires », y compris des agents de la fonction publique hospitalière et de la fonction publique territoriale, sera mise en place tout comme la mesure visant à « revaloriser les APL de 10% ». Le NFP assure « annuler la hausse programmée du prix du gaz au 1er juillet », « relancer la construction du logement social en revenant sur les coupes de Macron pour les organismes HLM de 1,4 milliard d’euros annuels » et « faire les premiers pas [dès la rentrée de septembre 2024] pour la gratuité intégrale à l’école : cantine scolaire, fournitures, transports, activités périscolaires ».

Dotations modulées

Ce qui est vilipendé par les oppositions macroniste et d’extrême-droite derrière leurs formules, comme « on rase gratis » ou « liste au père Noël », se révèle en réalité parfaitement applicable et finançable, notamment grâce à une grande loi sur la fiscalité permettant de redresser les comptes publics dès l’exercice budgétaire 2024.

Outre une mesure rapide pour « moduler les dotations des établissements scolaires – y compris privés – en fonction de leur respect d’objectifs de mixité sociale », ce qui permet de faire des économies d’argent public distribué à l’enseignement privé, le nouveau Front populaire prévoit une loi sur la fiscalité adoptée présentant une série de mesures fortes.

Revenu et patrimoine capitalistes

« Accroître la progressivité de l’impôt sur le revenu à 14 tranches », au lieu de cinq tranches aujourd’hui – depuis la réforme opérée il y a une vingtaine d’année sous la direction gouvernementale de Jean-Pierre Raffarin – va non seulement baisser l’impôt sur le revenu des employés modestes et augmenter considérablement l’apport pour le budget de l’État de cet impôt le plus juste, car progressif en fonction de tranches de revenus (les dernières dépassant allègrement le million d’euros annuel) où des taux de prélèvement de plus en plus élevés s’appliquent.

« Rétablir un impôt de solidarité sur la fortune (ISF) renforcé avec un volet climatique » est un marqueur fort de la « rupture » annoncée avec le macronisme, lui-même aboutissement de la vague néolibérale entamée dans les années 1980 – et que le RN promet ces derniers jours, pour rassurer les marchés financiers sur l’hypothèse d’accession au gouvernement du clan Le Pen, de poursuivre avec constance. Il est d’ailleurs à noter que les députés RN ont eu l’occasion, ces deux dernières années, de soutenir le rétablissement de l’ISF et ont unanimement voté contre.

Lutter contre l’évasion fiscale

« Supprimer la flat tax et rétablir l’exit tax » permettra de rendre plus progressif l’impôt sur le capital, sur le même schéma que l’impôt sur le revenu, et de s’attaquer une fois pour toutes à l’évasion fiscale – chiffrée à 100 Milliards d’euros annuels par les principaux syndicats des agents des Finances publiques – en allant chercher et ouvrir les coffres-forts planqués dans les paradis fiscaux par les ultra-riches, comme le fait déjà l’administration fiscale étasunienne.

« Supprimer les niches fiscales inefficaces, injustes et polluantes » et « instaurer une taxe kilométrique sur les produits importés » permettront d’opérer de grandes économies en mettant un terme aux cadeaux fiscaux en faveur des mieux dotés, de lutter réellement contre la concurrence déloyale vis-à-vis des producteurs français et de s’inscrire toujours dans une logique écologique rationnelle basée sur les circuits courts et le local, largement favorisés.

L’héritage, pas le privilège du sang

« Réformer l’impôt sur l’héritage pour le rendre plus progressif en ciblant les plus hauts patrimoines et instaurer un héritage maximum », enfin, a pour but de protéger la plupart des héritages de patrimoines formés par une vie de travail, composé généralement d’un ou deux biens immobiliers, tout en régulant la logique d’héritage massif chez les multi-millionnaires et les milliardaires dont le seul mérite est d’être nés sous la bonne étoile.

Sens de l’Histoire, le contrat de législature du nouveau Front populaire prévoit de faire adopter le projet de loi de finances rectificative le 4 août, jour anniversaire de l’abolition des privilèges de la noblesse sous la Révolution française. « Abolir les privilèges des milliardaires » devient ainsi, dans cet accord de coalition, l’un des principaux objectifs de toute la gauche française.

100 jours de service public

Cette loi sur la fiscalité, que les macronistes et les lepénistes pourraient qualifier de « liste du Père Fouettard » à l’encontre des plus nantis qu’ils défendent, permettrait non seulement de couvrir les dépenses amorcées les quinze premiers jours mais d’œuvrer, par un renflouement des caisses de l’État jamais vu dans la France du XXIème siècle, au développement inédit des services publics et de l’égalité sociale et civique véritable.

L’Éducation nationale

Pour l’école, il est question d’ « investir dans l’Éducation nationale à hauteur des besoins en engageant la revalorisation des grilles de salaires, en réinvestissant dans les locaux scolaires, en renforçant les effectifs de la médecine scolaire – en garantissant le nombre de personnels par établissement – et de la vie scolaire en reconnaissant leur rôle pédagogique, en créant un service public d’accompagnement des élèves en situation de handicap ».

L’objectif assumé est de « réduire les effectifs par classe pour faire mieux que la moyenne européenne de 19 élèves », seule clé, selon tous les professionnels de l’enseignement, pour améliorer sensiblement les conditions d’apprentissage des écoliers, collégiens et lycéens autant que les conditions d’exercice des professeurs.

Rénovation écologique

Au sujet du bâti, il est proposé d’ « accélérer la rénovation des bâtiments publics (écoles, hôpitaux, etc) » et d’ « assurer l’isolation complète des logements, en renforçant les aides pour tous les ménages et garantissant leur prise en charge complète pour les ménages modestes ».

Il est de bon ton d’entamer ces travaux dès cet été, tant le délabrement des bâtiments publics ou de l’habitat obligerait, un jour ou l’autre, à opérer des rénovations autrement plus lourdes, plus coûteuses et moins efficaces.

Police et justice

Après avoir « déploy[é] de premières équipes de police de proximité » dès les quinze jours augurant la mandature, le nouveau Front populaire veut cet été « donner à la justice les moyens de poursuivre et de sanctionner les auteurs de propos ou actes racistes, islamophobes et antisémites ».

Enfin, le serment est fait de « porter l’Allocation aux adultes handicapés (AAH) au niveau du SMIC », permettant aux personnes en situation de handicap durablement éloignées de l’emploi – c’est le critère officiel sur lequel se base l’attribution du droit à l’AAH – de voir leur niveau de vie dépasser, enfin, le seuil de pauvreté.

Le retour de la puissance publique

Pour les mois suivants, placés sous le signe des « transformations », le NFP affirme « lancer le rattrapage des postes manquants de fonctionnaires » dans toutes les administrations publiques, où le sous-effectif chronique est à juste titre dénoncé par les agents et le public accueilli, tout « en revalorisant les métiers et les salaires ».

Mettre les moyens sur la table permet de « garantir l’accès aux services publics à toutes et tous sans condition de nationalité et sur tout le territoire par un plan d’investissement : personne ne doit habiter à moins de trente minutes d’un accueil physique des services publics », comprendre l’ensemble des services publics, de la Poste évidemment plus proche aux services hospitaliers se trouvant aujourd’hui, pour certains habitants des zones rurales, à plus d’une heure de route.

Économiser sur les multinationales et les banques

En vue de ce retour de la puissance publique, en plus des recettes largement rehaussées par une fiscalité beaucoup plus juste, des mesures d’économies importantes sont au programme.

« Conditionner les aides aux entreprises au respect de critères environnementaux, sociaux et de lutte contre les discriminations au sein de l’entreprise. Les inscrire dans une stratégie industrielle publique. Exiger le remboursement des aides en cas de non-respect des contreparties » ; « Zéro financement des banques pour les énergies fossiles en commençant par les nouveaux projets » ; et enfin un projet de « taxation renforcée des transactions financières » sur les places boursières.

Remettre la dignité au cœur

« Garantir l’accès à chaque famille à un mode de garde adapté grâce à un service public de la petite enfance ouvrant 500 000 places en crèches ou autre solution de garde » et « lancer un plan Grand âge en rénovant les EHPAD, en augmentant et en formant les professionnels du grand âge » remettront au cœur de notre société le respect des personnes et la dignité humaine, des plus petits aux plus anciens, par des politiques ambitieuses permises par les rentrées d’argent prévues.

« Construire 200 000 logements publics par an pendant cinq ans aux normes écologiques les plus ambitieuses » permettra non seulement de sortir de l’extrême précarité les personnes sans domicile fixe, ou en attente de logement social, mais aussi d’opérer des économies substantielles sur les hébergements d’urgence aujourd’hui proposés aux SDF, notamment par des nuits à l’hôtel, substituant ainsi à la précarité insensée organisée par l’État des solutions de logement pérennes.

Transports et régies publiques

« Mettre en place un plan rail et fret, créer des services express régionaux, adopter un moratoire sur la fermeture des petites lignes et les rouvrir dès que possible, revenir sur la privatisation de Fret SNCF » est une proposition audacieuse pour mettre fin au « tout-routier », notamment en ce qui concerne le transport de marchandises à l’intérieur de nos frontières. Il est prévu, par ailleurs, de « garantir des tarifs accessibles et des mesures de gratuité ciblée (jeunes, précaires, etc) dans les transports publics et baisser la TVA sur la tarification des transports en commun à 5,5 % ».

« Aller vers la gestion 100% publique de l’eau en régies locales : pour la gratuité des premiers mètres-cubes indispensables à la vie et la tarification progressive et différentielle selon les usages » constitue une mesure qui s’équilibre d’elle-même. Les gros consommateurs, propriétaires de terrains de golf ou de piscines privées, paieront plus cher l’eau afin que cette dernière soit gratuite d’accès pour la grande majorité des usages du quotidien.

Les moyens de la laïcité

Sur la laïcité, seront « engag[é] un vaste plan de formation des fonctionnaires à la laïcité, aux principes juridiques de la loi de 1905, renforc[ée] la pédagogie de la laïcité dans l’Éducation nationale pour accompagner les professeurs » et « augment[és] les moyens de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) [pour] élargir son domaine d’intervention au domaine de la formation professionnelle et de la santé publique ».

Dans la même veine, il est prévu d’ « exclure des aides publiques les médias condamnés pour incitation à la haine ou atteinte à la dignité des personnes » et de « refuser les financements publics pour la construction de nouveaux édifices religieux, dédiés aux activités cultuelles ou d’établissements confessionnels », ce qui ne relève tout simplement pas du rôle de l’État laïc.

2,6 Milliards contre les violences sexistes et sexuelles

Le nouveau Front populaire s’engage à « agir contre la surpopulation carcérale, assurer des conditions dignes de détention et donner les moyens à l’administration pénitentiaire et judiciaire de réaliser sa mission en toute sécurité ».

La coalition de gauche va entreprendre d’ « adopter une loi intégrale pour lutter contre les violences sexistes et sexuelles en portant le budget à 2,6 milliards d’euros » ; un montant conséquent, qui est celui « demandé par les associations », et qui correspond peu ou prou au coût pour l’administration publique du Service National Universel (SNU), que le NFP promet tout simplement d’ « arrêter ».

1% du PIB pour l’art, 1% du Budget pour le sport

Enfin, sont prévues des mesures pour « renforcer le budget public consacré à l’art, la culture et la création pour le porter à 1% du PIB par an » et « porter les moyens du ministère des sports à 1% du budget de l’État » (lequel est très différent du PIB, pour être précis).

Ce renforcement de la puissance publique, sans précédent dans l’histoire récente de notre pays, n’est pas « maximaliste » mais parfaitement cohérent et mesuré par les dispositions fiscales portant sur les grandes entreprises et les grandes fortunes. A elles seules, la réforme de l’impôt sur le revenu, celle de la taxe sur les transactions financières et la mise en place de la taxation des superprofits permettent largement de rendre le programme du nouveau Front populaire soutenable, bien davantage que les logiques d’austérité tantôt anti-populaires, tantôt anti-immigrés prônées par l’extrême-droite et la droite prétendument « républicaine ».

La fin du trou de la Sécu

En revenant sur les exonérations de cotisations, notamment patronales, massivement accordées aux grandes entreprises multinationales par les gouvernements libéraux des dernières décennies, les recettes de la Sécurité sociale vont enfin à nouveau progresser et permettre d’assurer à toutes et tous les travailleurs une socialisation des risques digne de ce nom, dans l’esprit de ce qu’a mis en place Ambroise Croizat à la Libération.

Tout en réduisant leurs dettes et leurs déficits, les administrations de la Sécurité sociale pourront protéger et soutenir les plus vulnérables dans chacune des différentes branches : Assurance maladie, assurance vieillesse, assurance chômage et la branche famille, pour les principales.

L’abrogation de la retraite à 64 ans

Dès les quinze premiers jours du gouvernement de Front populaire, vont être « augment[és] le minimum contributif (pension de retraite pour une carrière complète) au niveau du SMIC et le minimum vieillesse au niveau du seuil de pauvreté » et « abrog[és] immédiatement les décrets d’application de la réforme d’Emmanuel Macron passant l’âge de départ à la retraite à 64 ans, ainsi que les réformes de l’assurance-chômage ».

A ce sujet, on sait à quel point les arguments du gouvernement macroniste, lors du passage en force de la réforme des retraites à 64 ans, étaient mensongers ; selon le rapport du Conseil d’orientation des retraites (COR) publié ce mois de juin 2024, les prévisions sont pessimistes en termes de soutenabilité du régime, malgré l’adoption par 49.3 de la loi Dussopt/Attal en 2023. Notons deux éléments importants : après plusieurs jours de tergiversations, Jordan Bardella a définitivement abandonné la promesse d’abroger l’âge minimum légal de départ à la retraite à 64 ans, trahissant son électorat avant même de remporter les élections ; et le COR est administré par des gestionnaires, à l’esprit étroit, nommés par Emmanuel Macron et ses lieutenants.

Rentrées massives de liquidités

Le nouveau Front populaire entend mener à bien des réformes importantes cet été : « Engager un plan pluriannuel de recrutement des professionnels du soin et du médico-social (médecins, infirmiers, aides-soignants, personnels administratifs) et de revalorisation des métiers et des salaires », sachant que l’hôpital public fonctionne sur les crédits de la Sécurité sociale ; et parallèlement, « rendre la CSG progressive », « soumettre à cotisation les dividendes, la participation, l’épargne salariale, les rachats d’action, les heures supplémentaires », « augmenter de 0,25 point par an pendant 5 ans les cotisations vieillesse et moduler les cotisations sociales patronales » ainsi que de « créer une surcotisation sur les hauts salaires ».

Ces rentrées massives de liquidités pour la Sécu, qui viennent d’être citées ou qui l’ont été précédemment comme l’égalité salariale entre les femmes et les hommes, permettront, dans les mois à venir, de « lancer le rattrapage des postes manquants de fonctionnaires à l’hôpital public », de « réaffirmer l’objectif commun du droit à la retraite à 60 ans » et enfin, d’ « indexer le montant des retraites sur les salaires », dépassant largement les mesures d’urgence des premiers jours pour renouer avec la marche historique du progrès social.

Un vrai équilibre budgétaire

Si le programme économique du nouveau Front populaire, plus détaillé qu’aucun autre présenté par une force politique adverse, se révèle ambitieux et audacieux, il n’en est pas moins bon pour les finances publiques. Il permettra la réduction du déficit par le seul levier que la droite macroniste et l’extrême-droite lepéniste refusent d’employer : l’augmentation des recettes publiques, plutôt que la baisse des dépenses publiques.

Menaces et fantasmes

Jamais les milliardaires n’ont été aussi riches en France qu’aujourd’hui, et la part de leurs richesses accumulées rapportée au produit intérieur brut (PIB) progresse d’année en année depuis les années 1990, quand le magazine Challenges a commencé à produire son classement annuel des 500 fortunes les plus riches du pays.

Comme la droite de 1981 agitait la menace du défilé des chars soviétiques sur les Champs-Élysées en cas de victoire de François Mitterrand, voilà l’extrême-droite de 2024 prédire, dans la victoire de la coalition de gauche, un exode massif des ultra-riches vers les paradis fiscaux.

Pas comme Macron et Le Maire

Si, de fait, les capitaux sont d’ores et déjà bien planqués dans ces micro-pays où la fiscalité est nulle, malgré une politique avantageuse aujourd’hui, des moyens de coercition seront envisagés pour dissuader l’évasion fiscale pour des richesses produites sur notre sol. Rien de révolutionnaire en soi, simplement procéder aux contrôles, inspections et redressements fiscaux de manière sérieuse – comprendre : pas comme sous Emmanuel Macron et Bruno Le Maire, au pouvoir à Bercy successivement depuis 2014.

Les rentrées d’argent, par une fiscalité juste à même de réconcilier les Françaises et les Français avec les impôts – les taxes diminuant sur les petits revenus et petites consommations – seront bien au rendez-vous. Quant aux dépenses publiques, tout comme la logique de partage des richesses sous-tendant la satisfaction des revendications des travailleurs d’augmentation des salaires, elles permettront en réalité un cercle vertueux.

Le choc de la demande

Tout a été tenté pour équilibrer les finances publiques et relancer l’économie, jurent MM. Le Maire et Macron. Tout ? Non : ni l’augmentation des recettes fiscales par la progressivité des impôts, ni la relance par la demande. Les deux options sont d’ailleurs refusées par le couple Bardella/Le Pen, qui dissimule de moins en moins son adhésion à l’ultra-libéralisme, comme en témoigne la personnalité de Jean-Philippe Tanguy, diplômé de l’ESSEC Business School et promis à diriger Bercy en cas de victoire de l’extrême-droite.

Les ayatollahs de l’offre

Depuis a minima vingt années, le seul levier manipulé par les gouvernements successifs est celui de la « politique de l’offre ». Derrière cet outil se trouve le dogme selon lequel il faut réduire les coûts de production pour les employeurs, à commencer par le coût du travail (c’est-à-dire réduire nos salaires, immédiats en net ou socialisés en brut), pour baisser le prix des marchandises françaises, permettre de consommer plus avec autant d’argent, et être plus « compétitif » pour concurrencer les pays où les capitalistes délocalisent la production et où le salaire minimum est dix fois inférieur au SMIC français.

Les ayatollahs de l’offre se sont plantés sur toute la ligne : non seulement il n’y a pas eu de relance de l’économie, mais en plus nous avons vécu une inflation galopante depuis vingt ans – qui n’est, en grande partie, pas due au passage à la monnaie unique européenne. Cette inflation aura trouvé son point d’orgue en 2023 en dépassant ostensiblement les deux chiffres, sur les produits de première nécessité. Le tout, alors que les salaires plafonnent, au prétexte fallacieux et contredit par la réalité que les augmenter ferait flamber les prix, et qu’au contraire les laisser stagner garantirait une stabilité des prix, donnant logiquement un pouvoir d’achat en nette dégradation chez les classes populaires vivant de leur force de travail.

Le cercle vertueux

Avec le programme de rupture du nouveau Front populaire, sans promettre monts et merveilles, c’est à tout le moins devant un changement profond de logiciel que nous nous retrouvons. Il s’agit de stimuler plus que jamais la consommation populaire, par la hausse significative des petits revenus, salaires, allocations, pensions de retraites, pour entrer dans un cercle vertueux dans lequel les petits commerces et artisans verront leur nombre de clients et le panier moyen augmenter, et par lequel tous les moyens seront mis en œuvre pour favoriser la souveraineté agricole, industrielle et tertiaire dans notre pays.

Ce véritable « choc de la demande », à même de dynamiser vigoureusement l’économie, est une corde à l’arc politique que les gouvernements successifs ont refusé d’utiliser depuis des décennies. Le Rassemblement National de Jordan Bardella et de Marine Le Pen promet aujourd’hui de ne pas l’utiliser à son tour, pour mieux rassurer les marchés – et révéler son vrai visage, anti-populaire et pro-capitaliste.

C’est bon aussi pour l’emploi !

La relance de l’économie par la répartition et la consommation est un moyen tangible d’avoir une politique d’emploi véritablement ambitieuse. En augmentant les salaires dans le privé et les traitements des fonctionnaires, en recrutant des agents publics, en diminuant le temps de travail et en dissuadant les employeurs d’abuser des heures supplémentaires, imposées aux salariés qui n’avaient jusqu’alors pas d’autre choix pour voir leur fiche de paye augmenter, par la fin de l’exonération des cotisations sur le temps de travail effectué au-delà des 35 heures hebdomadaires, la politique de la demande est une politique d’emploi volontariste, d’incitation au recrutement de nouveaux salariés.

D’ailleurs, les personnes travaillant aux ressources humaines de grandes entreprises ou administrations dans les années 1990 et 2000, ayant gardé bonne mémoire, témoignent que la dernière fois que des embauches massives ont eu lieu, c’était suite au passage du temps de travail hebdomadaire de 39 à 35 heures. C’est pour renouer avec cette politique de progrès et de prospérité, avec une croissance utile au progrès humain, que les parties prenantes du nouveau Front populaire se sont accordées sur un tel accord programmatique.

Les richesses existent suffisamment en France pour être partagées de manière infiniment plus utile à l’évolution de notre société qu’elles ne le sont aujourd’hui, sur le plan économique, de recherche et développement, mais aussi éducatif, culturel, de santé publique, de droits sociaux et de développement de la puissance publique pour revigorer les principes démocratiques de notre République – qui figurent, par de nombreuses mesures concrètes, en bonne place dans le programme du nouveau Front populaire.

Le programme du nouveau Front populaire

Ce contrat de législature n’est pas intégralement analysé dans cet article, même sur ses aspects économiques. Nous avons cependant pris le parti d’aborder de front les mesures les plus dispendieuses pour y adjoindre, dans une analyse globale, les recettes et les conséquences bénéfiques pour nos finances.

Nous vous invitons à vous faire votre propre idée en lisant le programme détaillé du nouveau Front populaire, seule coalition ou parti présentant des candidats aux élections législatives à produire l’effort pédagogique et démocratique de diffuser largement ses propositions et les mettre en débat.

 

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