La matraque et la plume : hypocrisie totale en vue de l’allocution de Macron

Des journalistes matraqués exactement sept jours après qu’Emmanuel Macron ait déclaré que la France n’allait pas “changer” son droit sur la liberté d’expression même s’il “choque ailleurs” : un nouveau seuil a été franchi dans la considération qu’ont le chef de l’État et ses subordonnés de ce qui fait l’exception française.

“Choquer” et matraquer

Choquantes” : sans le vouloir, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a usé du même terme que le Président de la République, une semaine après, pour qualifier “certaines images” de la terrible répression qui s’est abattue place de la République hier lundi 23 novembre au soir. Les réfugiés, les associations d’entraide populaire, les avocats, les élus et les journalistes, tous ont été nassés – encerclés par les forces de l’ordre sans issue – et matraqués à la chaîne, asphyxiés par les gaz lacrymogènes.

Mardi dernier, le camp de Saint-Denis a été évacué, laissant cinq cent (500 !) immigrés errer dans les rues du nord de la capitale française. Dans une action, coordonnée avec les associations et les avocats, pour rendre visible, incontournable cette misère extrême et pour protéger les premiers concernés, ces sans-abris se sont installés lundi soir Place de la République avec des tentes apportées par les bénévoles.

Déchaînement de violences

C’est donc en son cœur que la République et ses “valeurs” ont été bafouées, par un déchaînement de violences policières. A l’encontre des réfugiés, venus en majorité de régions en guerre ou en proie à un terrorisme qui frappe quotidiennement (Afrique subsaharienne, Afghanistan), mais aussi à l’égard de tous les soutiens et observateurs.

Ainsi, Rémy Buisine, principal reporter de Brut en France, n’est inconnu ni des services de l’État, ni des fonctionnaires censés “maintenir l’ordre“. Il a pourtant été la cible, à trois reprises, par le même policier alors qu’il cherchait simplement à faire son travail.

2 poids 2 mesures

Pendant que le droit d’Éric Zemmour à cracher son venin et à semer la discorde entre exploités de France sur des distinctions de cultures, de religions, de nationalités ou de prénoms, se trouve sanctuarisé en prime time, a contrario le travail patient des journalistes qui cherchent à montrer la réalité de la répression policière contre les militants progressistes et les plus opprimés de notre nation est littéralement piétiné.

L’hypocrisie atteint son comble ici : d’une main M. Darmanin se dit “choqué” par des “images“, de l’autre il fait passer une loi (relative à la Sécurité Globale, qui doit être votée dans son ensemble ce mardi 24 novembre en fin de journée à l’Assemblée nationale) pour interdire exactement ce type d’images, diffusées en direct, car elles “portent manifestement atteinte à l’intégrité physique ou psychique” des policiers… auteurs de violences.

Bouclier humain pour Macron

En dégainant son iPhone pour tweeter hier soir, à une heure où les réfugiés étrangers, leurs soutiens et les observateurs continuaient à subir la répression policière dans de nombreuses rues adjacentes à la Place de la République, M. Darmanin fait office de bouclier humain pour M. Macron, lequel ne veut surtout pas s’embarrasser d’un sujet aussi futile – à ses yeux – que celui des violences disproportionnées de l’État français sur ses citoyens et les êtres humains qu’il abrite, dans sa fameuse allocution présidentielle de ce soir, quand il nous jouera à nouveau la carte de l’Union sacrée.

La plume, le micro et l’objectif des journalistes sont dans le viseur de la Macronie. Alors que le monopole de la violence légitime, exercé logiquement par l’État, devient de façon évidente illégitime, que les “bavures” deviennent la norme – tirs de LBD à bout portant sur des lycéens, grenades explosives, clés d’étranglement autorisées… – il est, aux yeux du Président Macron, plus facile d’interdire les images de violences que de mettre fin à ces violences disproportionnées.

La liberté d’expression, comme bien d’autres principes républicains, s’applique à géométrie variable. Du point de vue des valeurs macronistes, l’équation est simple : selon que vous serez tendre avec les oppresseurs ou solidaire des opprimés, vos propos seront voués aux éloges ou aux gémonies du pouvoir.

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