Oui, l’allocation de rentrée scolaire sert à acheter “autre chose” que des fournitures scolaires – et c’est normal !

Offensive réactionnaire sur les ondes médiatiques : l’Allocation de rentrée scolaire (ARS) sert à acheter autre chose que des fournitures. Scandale ! Les pauvres se font plaisir sur le dos de leurs gamins !

Ces profiteurs des temps modernes, bénéficiaires d’aides sociales provenant de l’assiette des honnêtes travailleurs, oseraient détourner l’argent public pour leur confort personnel, tout en instrumentalisant leur progéniture – l’histoire voudrait même qu’ils ont fait des enfants pour toucher des alloc’ et qu’ils n’ont pour eux aucun amour.

L’amour de l’argent, quant à lui, amène à penser, dire et faire n’importe quoi. Et c’est précisément le cas dans cette affaire d’Allocation de rentrée scolaire.

Mais ce sont ceux qui attisent la haine et la division entre allocataires et non-allocataires, salariés et privés d’emploi, foyers sans enfants et parents, qui vouent un culte au pognon tout-puissant. Les politiciens, les journalistes-vedettes et leurs patrons touchent en un mois bien davantage que les revenus annuels totaux des familles concernées, ARS comprise.

Ce sont eux qui, obnubilés par le fric, ragent de voir des aides sociales attribuées parce qu’ils ont dû s’acquitter d’impôts nationaux – quand ils s’en acquittent malgré leurs montages financiers.

Ce sont eux qui, vivant dans un confort difficilement imaginable pour le commun des mortels, reprochent aux mères et aux pères recevant l’Allocation de rentrée scolaire – avec un plafond de ressources correspondant à quatre tiers de SMIC – de “se faire plaisir”, car c’est bien connu, on n’a le droit de se faire plaisir que lorsqu’on a le mérite d’appartenir à la grande bourgeoisie.

Ce sont eux qui, à leur gigantesque patrimoine, se voient octroyer des milliards d’euros d’argent public pour leurs œuvres de prétendue bienfaisance, pour l’organisation de galas de charité, l’inauguration d’ailes de musée à leurs noms ou le sauvetage d’une cathédrale.

Mais comprenez, c’est une aberration à leurs yeux de voir ces quelques centaines d’euros servir à acheter “autre chose” que des fournitures scolaires.

“Autre chose” ? Des écrans plats, des super-robots-cuiseurs, des berlines allemandes, des tableaux de maîtres et des jets privés ?

“Autre chose” s’avère plutôt des vêtements (de marque ! hérésie !) pour les enfants, des tablettes ou des petits ordinateurs pour les enfants, des soins de qualité pour les enfants, de la meilleure nourriture pour les enfants, des produits culturels pour les enfants, des jouets et des jeux pour les enfants, en somme tout l’environnement qui évite, autant que faire se peut, aux plus pauvres d’être pointés du doigt dans la cour d’école parce que dépourvus de ce qui fait un tout jeune être social en 2021.

Est-ce pour autant suffisant ? Vue la ségrégation sociale qui s’opère dès les premières années, se poursuit dans la vie et se reproduit de générations en générations, l’ARS demeure un pansement sur une jambe de bois. Mais c’est le pansement qui permet de maintenir autant que faire se peut l’intégrité de cette jambe de bois pour éviter de chuter littéralement dans la misère économique et sociale.

Est-ce pour autant souhaitable ? Verser une somme monétaire relativement conséquente afin d’être solvable sur le marché, d’alimenter par la consommation les grandes marques, les grands distributeurs et leurs actionnaires, ne correspond pas exactement à un grand progrès populaire dans la bataille pour le partage des richesses.

A cet égard, il est judicieux de constater que la collectivité et les familles gagneraient à voir les fournitures scolaires effectivement fournies par l’école à chaque élève, et pour tous les adolescents scolarisés dans le secondaire, l’attribution d’un ordinateur et d’une clé 4G afin d’être autonome aussi bien pour les devoirs à la maison que pour le télé-enseignement dont on sait l’importance aujourd’hui.

Mais est-ce pour autant condamnable ? Que des parents fassent plaisir à leurs enfants et se fassent plaisir, par la joie contagieuse de ces derniers, est infiniment plus humain que le fait de déverser sa bile sur l’utilisation de cette allocation, précieuse dans une époque propice à l’appauvrissement de la majorité des travailleurs et de leurs gamins.

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