Vingt-sept migrants ont péri dans la Manche : pour mettre fin à la mafia des passeurs, il faut des voies de passage sûres et légales

Huit jours après le démantèlement du camp de Grande-Synthe à une quarantaine de kilomètres de Calais, vingt-sept migrants, dont une fillette et une femme enceinte, sont morts noyés, mercredi 24 novembre, en tentant de traverser la Manche sur un bateau de fortune.

C’est la détresse qui tue

Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a immédiatement mis en cause “la mafia des passeurs” qui serait seule responsable de la tragédie, tandis que le président de la République Emmanuel Macron a déclaré que “la France ne laissera pas la Manche devenir un cimetière“.

Ainsi se défaussent-ils de leurs propres responsabilités, eux qui ont ordonné la mise en pièces du camp de fortune de Grande-Synthe, le 16 novembre dernier, où les tentes et abris ont été détruits par les forces de l’ordre tandis qu’ont été confisqués les effets personnels des hommes, femmes et enfants qui y étaient hébergés.

Si une trentaine d’entre eux, d’entre elles ont tenté de gagner la Grande-Bretagne sur un navire d’une précarité telle qu’il a fait naufrage, c’est parce que la détresse les a conduits à tout risquer pour fuir l’enfer dans lequel les pouvoirs publics français les ont plongés.

Légalisation contre mafia

Monsieur Darmanin, lui qui trouvait Madame Le Pen “trop molle” sur les questions de sécurité et de migration, roule des mécaniques en annonçant que “1.500 passeurs ont été arrêtés depuis janvier“, tout en précisant “que les premiers responsables de cette ignoble situation sont les passeurs“.

La France se réduit à jouer les gardes-frontières du Royaume-Uni en vertu de l’accord du Touquet, lequel n’est pas respecté par les Britanniques qui s’étaient engagés à accueillir plusieurs milliers d’immigrés, une promesse non honorée.

Si mille cinq cents passeurs ont été arrêtés en moins de onze mois, c’est parce qu’il y a un business illégal des migrations, exploitant la misère et l’épuisement des personnes concernées ; et ce business n’existe que par l’absence de voies légales de passage vers les pays de destination des migrants.

“Soyons fiers”, lance Macron

Ce jeudi matin, le dernier tweet publié par le président Macron, daté du lundi 22 novembre, claironne “Soyons fiers des Hauts-de-France !“, et de revendiquer que “ce territoire a tout pour réussir. Élus locaux, acteurs publics et privés : ensemble, continuons à avancer“.

Ce même territoire qui “a tout pour réussir” est le théâtre, aujourd’hui, d’un drame majeur du fait de son incapacité, par le refus sèchement exprimé par les pouvoirs publics par le saccage des camps de fortune comme celui de Grande-Synthe, d’accorder l’accueil humain et digne d’une population migrante représentant moins de 1 pour 1.000 habitants de la région.

La fierté affichée par Monsieur Macron est d’une indignité égale au refus d’inclure, par le développement des services publics aujourd’hui réduits à néant et dont l’absence est colmatée par les associations humanitaires, les quelques milliers d’hommes, de femmes et d’enfants dont l’humanité même est niée par la politique brutale du gouvernement français.

Frères et sœurs de classe

Quand les seuls fonctionnaires croisés par les immigrés sont ceux de la police et de la gendarmerie dont la mission est de détruire leurs abris et leurs affaires, ces personnes ne peuvent se rattraper qu’à ceux qui profitent de leur désarroi en leur proposant de réaliser leur souhait d’être accueillis, de rejoindre leurs familles et de travailler dignement.

Quand Madame Le Pen et Monsieur Zemmour saturent les ondes radiophoniques, télévisuelles ou numériques, les travailleurs français ont tendance à oublier que les immigrés sont des individus ayant fui la guerre, la misère ou les catastrophes climatiques et qu’ils sont leurs frères, leurs sœurs de classe en tant que travailleurs généralement formés et qualifiés qui aspirent uniquement à l’inclusion économique, sociale et citoyenne.

A l’échelle des Hauts-de-France comme de l’hexagone, le ratio des personnes demandant à être accueillies par rapport aux habitants installés n’excède pas les 1 pour 1.000, dans le plus vaste pays de l’Union européenne où les restaurateurs, les entreprises d’enlèvement des déchets et les exploitations agricoles comptent beaucoup sur ces forces vives, avec ou sans contrat, avec ou sans papiers.

L’immigration n’est pas un problème insoluble

Un regard rationnel sur cette situation la révèle comme loin d’être insoluble, puisqu’il suffit de planifier l’inclusion économique et sociale de ces personnes comme de tous les exclus, privés d’emploi, sans-abris que compte une société largement assez riche et en pleine “relance” comme l’annonce triomphalement l’exécutif.

La régularisation de l’ensemble des immigrés sans-papiers ne mettrait pas en danger notre civilisation – tout au contraire elle l’enrichirait, tant en termes d’économie que de dignité, tout comme le serait l’établissement de voies de passage légales et sûres vers le Royaume-Uni ainsi que vers tous les pays de destination des migrants de passage en France.

Le manque de courage et le cynisme des dirigeants français les amènent à refuser de voir cette réalité en face, alors la mobilisation populaire devra les contraindre à reconnaître l’humanité des travailleurs immigrés – car les travailleurs français perdent la leur quand leur colère légitime est détournée par ces mêmes dirigeants vers la peur et la haine de l’étranger.

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