Les femmes de chambre des hôtels Campanile ou Housekeepers of Louvre 

La Femme de ménage1 de Freida McFadden relate l’histoire de  Millie qui découvre que derrière les façades brillantes des maisons qu’elle nettoie se  cachent des secrets sombres et des abus insidieux. C’est un thriller psychologique, qui nous plonge dans une tension croissante où la femme de ménage devient le témoin involontaire des dysfonctionnements d’un monde qui la considère comme invisible. 

De manière frappante, cette invisibilité résonne avec la lutte des femmes de  chambre de l’hôtel Campanile Tour Eiffel, qui ont décidé de briser le silence en  lançant une grève illimitée pour dénoncer leurs conditions de travail précaires.  Comme Millie, elles sont au cœur d’un système qui repose sur leur travail acharné  tout en les marginalisant. Leur combat pour des cadences humaines, la fin de la  sous-traitance, et des salaires dignes met en lumière les injustices structurelles qui  persistent dans l’industrie hôtelière2.

Ainsi, du fictif au réel, de Millie à Magassa Sacko, une femme de ménage chez  Campanile3, se dessine un parallèle poignant : celui d’une lutte pour la  reconnaissance et la dignité face à des systèmes qui exploitent sans merci celles qui  travaillent dans l’ombre. 

Campanile et son architecture 

Campanile est une chaîne hôtelière appartenant au groupe Louvre Hotels Group, lui-même détenu par le groupe chinois Jin Jiang International. Le nom “Campanile » tire son origine du terme architectural italien désignant une tour abritant des cloches, généralement construite comme un élément indépendant à côté d’une église ou d’une cathédrale. Ce terme architectural, dérivé de « campana » (cloche, en italien), s’est répandu à partir du haut Moyen-Âge en Italie avant de désigner diverses structures similaires en France. En France, un campanile peut désigner une tour lanterne ajourée, faisant office de clocher, mais aussi un édicule, c’est-à-dire une chapelle ou dépendance d’un édifice religieux en bois ou en fer forgé qui porte les  cloches sur une église, notamment dans le Midi4.

En contraste avec cette étymologie architecturale prestigieuse, l’établissement  Campanile Tour Eiffel représente un hôtel économique situé à proximité du  monument parisien emblématique. Cette localisation privilégiée à l’Avenue Gustave  Eiffel n’a pas empêché l’établissement de connaître d’importants conflits sociaux au  cours des dernières années, précisément depuis 2016.

Campanile : Avenue Gustave Eiffel, 75007 Paris 

Les employés de Campanile Tour Eiffel, principalement des femmes racisées, ont  mené en 2016 une grève d’une durée de 28 jours qui s’est soldée par une victoire  significative. Les grévistes ont participé à la Marche des Fiertés un samedi à 14  heure pour démontrer qu’en “solidarité aux luttes contre l’homophobie, le sexisme, et  les LGBTIQphobies notamment dans la période actuelle de début du quinquennat de  Macron, il y a une convergence à construire entre les exploité.e.s et les  opprimé.e.s pour faire face à nos ennemis communs”5, 6.

Cette première mobilisation a constitué un précédent important dans  l’établissement7, montrant l’efficacité et le pouvoir de l’action collective coordonnée et  solidaire. Les grévistes ont obtenu satisfaction concernant leurs principales  revendications : la fin de la sous-traitance suite à l’internalisation des femmes de chambre, une baisse des cadences de 25%, un passage des mensualisations des femmes de chambre de 86 heures 67 à 108 heures 33 et l’obtention à 75% d’un  13ème mois. C’est ainsi qu’un rapport de force avec la direction a influencé les  relations sociales futures au sein de l’établissement8.

Cependant, après cette première victoire qui, dans l’ensemble, n’a pas apporté de  changements majeurs pour les salariées, et comme on l’observe dans tous les  conflits sociaux (en pensant notamment aux travailleurs de Michelin à Cholet, dont la  situation a été documentée par le journaliste Samuel Humeau dans un article pour Infoscope), la direction aurait, selon les sources syndicales, essayé de « déstabiliser  et faire voler en éclat l’unité de l’équipe ». Pour ce faire, elle aurait employé  différentes tactiques : recruter du personnel externe au lieu de favoriser les  promotions internes, sanctionner un représentant syndical, ou exercer des pressions  directes sur les employés. 

Face à cette situation, les salariés, organisés avec le syndicat CGT – HPE : Hôtels  de Prestige et Economiques, ont lancé un mouvement de grève illimité à partir du  16 mai 2017. Cette mobilisation s’est poursuivie pendant 43 jours consécutifs,  démontrant une détermination remarquable de la part des grévistes femmes9.

L’accord de fin de conflit ?  

Finalement, après des jours de grève, la direction, représentée par la maison mère  Louvre Hotels Group, a proposé un accord de fin de conflit. Selon un  communiqué du syndicat CGT Hôtels de Prestige et Économiques daté du 27 juin 2017, la direction cède à un échange sur plusieurs des revendications significatives10 des salariés avec :  

  • 1. le passage d’un délégué en travail de jour après dix ans de travail de nuit  préjudiciable à sa santé  
  • 2. l’augmentation de la mensualisation des femmes de chambre de 25 à 27  heures hebdomadaires 
  • 3. le passage à temps complet d’un veilleur de nuit gréviste (précédemment à  ⅗ temps)  
  • 4. le rétablissement des attributions de la déléguée sous-directrice de l’hôtel 
  • 5. une attention particulière pour les délégués les plus anciens  
  • 6. la mise en place d’une nouvelle organisation accordant davantage de  responsabilités aux représentants syndicaux.

Ces derniers points sont particulièrement significatifs car ils visaient explicitement à  éviter “ les éventuels coups fourrés de la direction et de repartir sur de bonnes bases  dans l’hôtel.” 

La situation actuelle  

En 2025, la mobilisation des femmes de chambre des hôtels Campanile n’a pas pris  une ride. Elles sont toujours debout et dénoncent des conditions de travail précaires  et des pratiques discriminatoires11.

Depuis le 19 août 2024, une grève de 7 mois est en cours dans les hôtels  Campanile et Première Classe de Pont de Suresnes. Elles poursuivent avec des  revendications claires et pressantes. Ces salariées, majoritairement des femmes  originaires du Mali, du Sénégal, du Congo, de la Mauritanie et des Comores,  dénoncent des conditions de travail dégradantes et revendiquent des droits  fondamentaux. Elles mènent un combat emblématique pour la justice sociale dans le  secteur hôtelier. Les grévistes demandent : une augmentation des salaires indexée  sur l’inflation12, l’instauration d’une prime exceptionnelle pour  compenser la perte de pouvoir d’achat, la réintégration d’une femme de chambre  malienne licenciée après la perte temporaire de son titre de séjour et l’arrêt des  pratiques de harcèlement et des procédures disciplinaires infondées13

Ces revendications mettent en lumière un système déséquilibré où les travailleuses  sont souvent invisibilisées malgré leur rôle essentiel. « On travaille dur, mais on n’est  pas respectées », déclare Tounkara Kandé14, représentante CGT-HPE et femme de chambre depuis plus de dix ans. Elle souligne  que certaines collègues effectuent jusqu’à 25 chambres par jour, avec des matelas  lourds qui causent des blessures chroniques au dos et aux genoux. Trois d’entre elles sont en arrêt maladie depuis plus de deux ans à cause de ces conditions  éprouvantes.  

La direction du groupe Louvre Hotels, propriétaire des établissements concernés, a  jusqu’à présent refusé les principales revendications salariales.  

Lors d’une négociation en janvier 2025, seules quelques salariées ont obtenu un  passage à temps complet, sans avancées significatives sur les salaires ou les  primes. Les heures supplémentaires restent impayées ou compensées par des jours  de repos imposés. 

En parallèle, la direction a intensifié les tensions en recourant à une société d’intérim  pour remplacer les grévistes, tout en interdisant les manifestations devant les hôtels  sous prétexte de nuisances sonores. Ces pratiques visent clairement à affaiblir le  mouvement.  

Un combat pour l’égalité 

Cette grève dépasse le simple cadre salarial car elle révèle et met en lumière les  inégalités structurelles dans le secteur hôtelier. Les femmes racisées occupent  souvent les postes les plus précaires et subissent une double discrimination liée à  leur genre et leur origine. La sous-traitance renforce ces inégalités en créant une  hiérarchie entre les employées internes et externes.

Malgré ces obstacles, la solidarité reste forte parmi les grévistes. Chaque jour, elles  tiennent un piquet devant l’hôtel ou manifestent dans des lieux symboliques comme  la mairie de Suresnes ou le siège du groupe Louvre Hotels à La Défense. Une cagnotte en ligne a également été mise en place pour soutenir financièrement leur lutte

Un avenir incertain mais déterminé 

Alors que cette mobilisation s’inscrit dans une longue tradition de luttes sociales  dans l’hôtellerie (comme celles du Campanile Tour Eiffel en 2016 et 2017), elle  illustre la persistance des mêmes problématiques : précarité, harcèlement et  inégalités salariales. Pourtant, ces femmes continuent de résister avec courage et  détermination. 

Ainsi, depuis l’été du 19 Août 2024, ces femmes des hôtels Premières Classes et  Campanile du Pont de Suresnes (92) sont toujours debout avec une longévité de 8  mois de grève sans salaire15.

Leur combat rappelle que derrière chaque chambre impeccable se cache un travail  invisible mais essentiel. Et si leur lutte aboutit, elle pourrait bien redéfinir les rapports  sociaux dans un secteur où l’exploitation reste trop souvent la norme.

Dans La Femme de ménage de Freida McFadden, best-seller international vendu à  plus d’un million d’exemplaires en France, Millie, une femme marginalisée et  invisible, navigue dans les rouages d’un système oppressif où les apparences  masquent des dynamiques de pouvoir et d’exploitation. Ce huis clos psychologique  résonne puissamment avec la lutte des femmes de ménage des hôtels Campanile,  qui, en 2025, continuent de braver l’injustice et la précarité pour revendiquer leur  dignité. Comme Millie, ces travailleuses racisées se battent contre un système qui  les confine à l’ombre tout en profitant de leur labeur.  

Leur combat est une quête de reconnaissance et de justice, un écho poignant des  tensions sociales explorées dans le roman de McFadden. 

Lire La femme de ménage c’est plonger dans un suspense haletant, mais c’est aussi  l’occasion de prendre conscience de la dureté du métier et de la nécessité de  soutenir celles qui, dans la vie réelle, réclament simplement le respect et des  conditions de travail décentes. 

Soutenez les femmes de ménage, dans les livres et dans la vie. Leur combat mérite  autant d’attention et d’empathie que celui de Millie.  

En bref…

Chronologie des manifestations des femmes de ménage de l’hôtel Campanile  (Suresnes) 

Date Événement principal
19 août 2024Début de la grève à Suresnes (Campanile &  Première Classe)
Septembre 2024Poursuite de la mobilisation, actions devant l’hôtel
Octobre 2024Renforcement de la médiatisation, soutien syndical accru
Janvier 2025Cinq mois de grève, aucune avancée significative
Mai 2025Huit mois de grève, lutte toujours en cours

Points clés de la lutte 

Début : 19 août 2024

Motifs : Hausse des salaires, amélioration des conditions de travail,  reconnaissance de la pénibilité et respect. 

Durée : Grève toujours en cours en Mai 2025 (au moins 9 mois).

Contexte : Mouvement inscrit dans une dynamique nationale de lutte  des femmes de chambre dans le secteur hôtelier, souvent issues de la  sous-traitance et confrontées à des conditions de travail difficiles.

Figures et soutien : Mobilisation soutenue par des syndicats  (notamment la CGT-HPE) et relayée par des figures emblématiques du  secteur, comme Rachel Keke16, ancienne femme de chambre devenue députée.17

Références

  1. https://fr.wikipedia.org/wiki/La_Femme_de_m%C3%A9nage ↩︎
  2. https://www.bondyblog.fr/reportages/a-suresnes-les-grevistes-de-lhotel-campanile-et-premiere-classe-ne-baissent-pas-les-bras/ ↩︎
  3. https://www.humanite.fr/social-et-economie/campanile/ce-quon-demande-cest-de-la-consideration-femmes-de-menage-et-agents-dentretien-en-lutte ↩︎
  4. https://fr.wikipedia.org/wiki/Campanile_(cha%C3%AEne_d%27h%C3%B4tels) ↩︎
  5. https://www.revolutionpermanente.fr/Nous-grevistes-de-l-hotel-Campanile-Tour-Eiffel-nous-manifestons-a-la-marche-des-fiertes ↩︎
  6. https://www.cgt.fr/actualites/les-salaries-du-campanile-tour-eiffel-repartent-en-greve ↩︎
  7. https://www.lemonde.fr/economie/article/2016/04/19/fin-de-la-greve-d-un-mois-a-l-hotel-campanile-tour-eiffel_4905046_3234.html ↩︎
  8. https://www.defense-92.fr/manifestation/en-greve-les-femmes-de-chambre-des-hotels-campanile-et-premiere-classe-de-suresnes-manifestent-a-la-defense-81045 ↩︎
  9. https://www.africaradio.com/actualite-108158-des-femmes-de-chambre-d-un-hotel-en-greve-a-suresnes-on-travaille-dur-et-on-n-est-pas-respectees ↩︎
  10. https://www.50-50magazine.fr/2024/09/26/hotel-campanile-elles-ont-greve-et-elles-grevent-encore/ ↩︎
  11. https://www.communcommune.com/2025/02/la-lutte-des-femmes-de-menage-de-l-hotel-campanile.html ↩︎
  12. https://www.banque-france.fr/fr/publications-et-statistiques/publications/les-hausses-de-salaire-negociees-pour-2025-ou-en-est#:~:text=Le%20repli%20de%20l’inflation,les%20projections%20de%20la%20Banque ↩︎
  13. https://www.pcof.net/nouveau-rassemblement-de-soutien-aux-grevistes-de-lhotel-campanile-de-suresnes/ ↩︎
  14. https://www.instagram.com/lhumanitefr/reel/DHygevjvO9F/ ↩︎
  15. https://blogs.mediapart.fr/omerckling/blog/190325/sept-mois-de-greve-des-femmes-de-chambre-aux-hotels-de-pont-de-suresnes ↩︎
  16. https://fr.wikipedia.org/wiki/Rachel_Keke ↩︎
  17. https://www.streetpress.com/sujet/1733917048-vie-apres-ancienne-depute-france-insoumise-rachel-keke-elections-legislatives-greve-femmes-chambre ↩︎

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