Assistant d’éducation : autopsie d’un poste en souffrance mais essentiel au sein de l’Éducation nationale
L’appel à la manifestation pour le 1er décembre 2020 des assistants d’éducation (AED) est le fruit d’une rentrée scolaire en plein reconfinement, entre protocole sanitaire et sécuritaire. Depuis le début de la rentrée scolaire, les assistants d’éducation sont de plus en plus sollicités dans le contexte de la pandémie du COVID-19. Cette grève s’inscrit dans une période où ils effectuent des nouvelles tâches sans être formés ni écoutés par l’administration.
Sociologie de l’AED
Généralement, le poste d’AED est occupé par des étudiants précaires et des personnes en reconversion professionnelle. Le salaire annualisé apporte une certaine sécurité de l’emploi dans une période de chômage structurel de masse. Durant le travail, l’assistant d’éducation est un relais entre les élèves, les parents et son supérieur hiérarchique. Il développe des nouvelles compétences telles que la maîtrise des logiciels (Pronote, pack office), le sens de l’écoute, le soutien scolaire, la rédaction, la bureautique, etc.
Sociologiquement, ces personnes sont en majorité de futurs enseignants ou CPE, de futurs membres du personnel de l’administration, de futurs assistants sociaux, de futurs psychologues de l’éducation… Par les contraintes et l’exigence d’un assistant d’éducation polyvalent, il est devenu de plus en plus difficile d’occuper cette fonction tout en poursuivant ses études universitaires. Beaucoup d’entre eux ont d’ailleurs recours à l’internat pour tenter de trouver un équilibre qui demeure cependant précaire.
Un poste qui tend à une professionnalisation sans une protection de statut
Après des années à assurer ce travail, les AED acquièrent des compétences qui ne sont guère reconnues par l’institution. Ces acquis sont pourtant un atout dans la suite de leur parcours professionnel. Une certification permettrait une revalorisation lors des concours internes au sein de l’Éducation nationale. Par ailleurs, le fait que cet emploi soit renouvelable chaque année pousse certains à accepter les décisions contradictoires ou déconnectées des situations rencontrées par les assistants d’éducation lors de diverses missions. Dans certains établissements, l’encadrement du personnel n’hésite pas à recourir au chantage à l’emploi pour faire taire les voix dissidentes. Aucun assistant d’éducation n’est consulté ou convié aux prises de décisions qui pourtant concernent toute la communauté éducative.
Être assistant d’éducation au temps de la crise sanitaire et sécuritaire
Par leur proximité avec les élèves, les AED sont les premiers à veiller au respect des gestes barrières et du protocole sanitaire dans sa globalité. Malheureusement, depuis le retour des vacances de la Toussaint et le début du confinement, beaucoup d’établissements n’appliquent guère le renforcement du protocole sanitaire.
Il est vrai que la présence de 50% de l’effectif des élèves en présentiel a désengorgé les couloirs et les salles de classe. Cependant, dans l’Hexagone, on constate que les AED se trouvent amplement contaminés par le COVID-19. Cette propagation est due avant tout à leur proximité à la vie scolaire quotidienne des élèves. Malgré l’arrivée d’un hiver rude, de nouvelles tâches (la surveillance des couloirs, l’entrée des établissements, la gestion des files d’attente, etc.) sont à la charge des assistants d’éducations. Le rôle de ces employés est avant tout d’être de simples exécutants au nom du bon fonctionnement. Cette multiplication des rôles s’ajoute à leurs tâches habituelles ce qui précipite les assistants d’éducation au bord du burn-out. La fatigue, les longues journées, le risque d’être contaminé par le COVID, le manque de reconnaissance et d’écoute, la pression, la précarité de l’emploi, tous ces éléments justifient une certaine mobilisation, composante d’une convergence de luttes.
Pourquoi la grève ?
L’exigence liée au poste d’AED les poussent à exiger des garanties telles qu’une certification des compétences, la CDIsation de l’emploi et la justification du non-renouvellement pour permettre d’enlever cette épée de Damoclès. Le fait que les assistants d’éducation soient en première ligne pour faire respecter la distanciation sociale, rend tout à fait légitime le fait d’être éligible à la prime REP/REP+.
L’appel à la manifestation du 1er décembre rentre dans une logique de prise de conscience du pouvoir public de l’état des établissements scolaires. Leur but est de pousser le ministre de l’Éducation nationale et les chefs d’établissement de l’enseignement secondaire à se rendre compte que la logique managériale ne peut fonctionner face à la crise sanitaire. D’autant plus que celle-ci met en danger les personnels. La formation d’un bloc AED s’ajoute aux autres mouvements sociaux qui marquent le paysage politique actuel. Le retour à la « normale » promet d’être une période de contestation sociale qui tiendra tête au pouvoir en place. Ce même pouvoir qui s’appuie le monopole de la violence légitime.