Affranchis
« Les riches n’ont pas besoin de Président, ils s’en sortent très bien tout seuls. » Ces mots sont ceux d’Emmanuel Macron, qui se défendait ainsi de ne pas être le « Président des riches ». Que signifie cette phrase ? En somme, que le Président de la République est une figure d’autorité dont les Français les plus riches peuvent s’affranchir. Comme ils s’affranchissent des règles les plus élémentaires, à commencer par le devoir de payer des impôts pour financer la collectivité.
Il faut dire que l’État n’a pas la même signification selon qu’on soit né avec une cuillère en argent ou en plastique dans la bouche. Prenez l’agent de police : son uniforme représente le pouvoir pour la plupart des citoyens, mais il est synonyme de serviteur aux yeux de la classe capitaliste. C’est ainsi : l’État bourgeois est au service de la bourgeoisie.
Revenons aux impôts, en particulier ceux qui portent sur le patrimoine. Les inégalités économiques sont béantes en ce qui concerne les revenus, mais elles le sont bien davantage au sujet de la richesse accumulée. Et elles se renforcent encore avec l’action d’Emmanuel Macron, dont l’une des toutes premières mesures à son arrivée à l’Élysée fut de supprimer l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF). A l’été 2017, pour faire passer la pilule, la majorité parlementaire vote trois taxes : sur les voitures de luxe, les yachts et les biens précieux.
La première, s’appliquant à 3.387 voitures sportives, a rapporté 15 millions d’euros depuis sa mise en place il y a deux ans. Non seulement c’est une goutte d’eau par rapport aux 3 milliards d’argent public perdus avec la suppression de l’ISF, mais c’est deux fois moins que ce qui avait été annoncé.
La seconde, à laquelle sont assujettis les yachts de plus de 30 mètres de long sous pavillon tricolore, ne concerne que sept propriétaires. Depuis 2017, seuls deux s’en sont acquittés ; quant aux cinq autres, ils refusent tout simplement de payer. Le ministère des Finances a-t-il prévu des mesures de rétorsion pour ceux qui pratiquent ouvertement la fraude fiscale ? Non, pensez donc ! C’est ainsi que, sur les 10 millions initiaux, seuls 86.700 euros ont été perçus.
Enfin, la taxe sur les biens précieux n’a tout simplement jamais été récupérée. Les propriétaires de lingots d’or et de volumineuses pierres précieuses peuvent dormir tranquilles. De toutes façons, combien auraient respecté les services fiscaux si ces derniers leur avaient demandé, gentiment, on ne brusque pas les riches, de débourser la taxe prévue ? La bourgeoisie n’est jamais inquiétée par l’État, même quand elle se place en situation d’illégalité face à des lois qui pourtant la favorisent. Les règles collectives de notre société sont douces avec les puissants, mais ils s’en affranchissent quand même.