Les 21 conditions d’adhésion à la IIIème Internationale, en version complète, il y a un siècle

Au terme d’un Congrès national se clôturant le 30 décembre 1920, il y a un siècle jour pour jour, la Section française de l’internationale ouvrière adhère, aux trois quarts des délégués, à la IIIème Internationale. Le Parti communiste français (SFIC puis PCF) est né.

Une nécessaire mise en contexte

Le schisme entre socialistes et communistes porte sur deux événements constitutifs du XXème siècle. Les premiers ont voté les crédits de guerre et adhéré à l’Union sacrée décrétée par Clémenceau dans le carnage impérialiste que fut la Première Guerre mondiale, quand les seconds militaient pour le pacifisme puis derrière le mot d’ordre « Guerre à la Guerre ! ». Le deuxième événement est la Révolution d’Octobre 1917, qui vît pour la première fois la classe ouvrière révolutionnaire conquérir le pouvoir dans un pays, la Russie, sous l’impulsion des Bolchéviques menés par Lénine.

Contre la Révolution soviétique, quinze armées étrangères – parfois hostiles les unes envers les autres lors de la Grande Guerre – sont envoyées sur le sol russe pour y mener une guerre féroce, en soutien des « blancs » pour le maintien de l’Empire tsariste. Elles seront défaites par l’Armée rouge tandis qu’en parallèle, l’Internationale communiste est fondée et, lors de son IIème Congrès à Pétrograd en 1920, elle fixe ses conditions d’adhésion des partis de tous pays, au nombre de vingt-et-une.

Si ces conditions peuvent paraître brutales un siècle plus tard, il est important de rappeler l’étendue du massacre que fut la Guerre impérialiste de 1914-1918, la domination de la planète par des empires coloniaux déjà capitalistes depuis cent cinquante ans, et la faillite d’une IIème Internationale Ouvrière qui ne sera, dès lors, plus qu’une coquille vide des Partis socialistes défenseurs de l’impérialisme belliqueux et colonial. Face aux forces réactionnaires, les conditions d’adhésion à la IIIème Internationale ont une valeur politique et historique de premier plan lorsqu’il s’agit de commémorer le centenaire du PCF, passé par monts et par vaux mais fort de 50.000 adhérents à jour de cotisation et de plusieurs milliers d’élus aujourd’hui.

Les 21 conditions d’adhésion à la IIIème Internationale (Internationale Communiste)

1/ La propagande et l’agitation quotidiennes doivent avoir un caractère effectivement communiste et se conformer au programme et aux décisions de la IIIème Internationale. Tous les organes de la presse du Parti doivent être rédigés par des communistes sûrs ayant prouvé leur dévouement à la cause du prolétariat. Il ne convient pas de parler de dictature prolétarienne comme d’une formule apprise et courante; la propagande doit être faite de manière à ce que la nécessité en ressorte pour tout travailleur, pour toute ouvrière, pour tout soldat, pour tout paysan, des faits mêmes de la vie quotidienne, systématiquement notés par notre presse. La presse périodique ou autre et tous les services d’éditions doivent être entièrement soumis au Comité central du Parti, que ce dernier soit légal ou illégal. Il est inadmissible que les organes de publicité mésusent de l’autonomie pour mener une politique non conforme à celle du Parti. Dans les colonnes de la presse, dans les réunions publiques, dans les syndicats, dans les coopératives, partout où les partisans de la IIIème Internationale auront accès, ils auront à flétrir systématiquement et impitoyablement non seulement la bourgeoisie mais aussi ses complices, réformistes de toutes nuances.

2/ Toute organisation désireuse d’adhérer à l’Internationale communiste doit régulièrement et systématiquement écarter des postes impliquant tant soit peu de responsabilité dans le mouvement ouvrier (organisations du Parti, rédactions, syndicats, fractions parlementaires, coopératives, municipalités) les réformistes et les « centristes » et les remplacer par des communistes éprouvés – sans craindre d’avoir à remplacer, surtout au début, des militants expérimentés par des travailleurs sortis du rang.

3/ Dans presque tous les pays de l’Europe et de l’Amérique, la lutte de classes entre dans la période de la guerre civile. Les communistes ne peuvent dans ces conditions se fier à la légalité bourgeoise. Il est de leur devoir de créer partout, parallèlement à l’organisation légale, un organisme clandestin, capable de remplir au moment décisif son devoir envers la révolution. Dans tous les pays où, par suite de l’état de siège ou de loi d’exception, les communistes n’ont pas la possibilité de développer légalement toute leur action, la concomitance de l’action légale et de l’action illégale est indubitablement nécessaire .

4/ Le devoir de propager les idées communistes implique la nécessité absolue de mener une propagande et une agitation systématique et persévérante parmi les troupes. Là où la propagande ouverte est difficile par suite de lois d’exceptions, elle doit être menée illégalement; s’y refuser serait une trahison à l’égard du devoir révolutionnaire et par conséquent incompatible avec l’affiliation à la IIIème Internationale .

5/ Une agitation rationnelle et systématique dans les campagnes est nécessaire. La classe ouvrière ne peut vaincre si elle n’est soutenue tout au moins par une partie des travailleurs des campagnes (journaliers agricoles et paysans les plus pauvres) et si elle n’a pas neutralisé par sa politique tout au moins une partie de la campagne arriérée. L’action communiste dans les campagnes acquiert en ce moment une importance capitale. Elle doit être principalement le fait des ouvriers communistes en contact avec la campagne. Se refuser à l’accomplir ou la confier à des demi-réformistes douteux, c’est renoncer à la révolution prolétarienne.

6/ Tout Parti désireux d’appartenir à la IIIème Internationale a pour devoir de dénoncer autant que le social-patriotisme avoué le social-pacifisme hypocrite et faux; il s’agit de démontrer systématiquement aux travailleurs que, sans le renversement révolutionnaire du capitalisme, nul tribunal arbitral international, nul débat sur la réduction des armements, nulle réorganisation  » démocratique » de la Ligue des nations ne peuvent préserver l’humanité des guerres impérialistes.

7/ Les Partis désireux d’appartenir à l’Internationale communiste ont pour devoir de reconnaître la nécessité d’une rupture complète et définitive avec le réformisme et la politique du centre et de préconiser cette rupture parmi les membres des organisations. L’action communiste conséquente n’est possible qu’à ce prix. L’Internationale communiste exige impérativement et sans discussion cette rupture qui doit être consommée dans les plus brefs délais. L’Internationale communiste ne peut admettre que des réformistes avérés, tels que Turati, Kautsky, Hilferding, Longuet, MacDonald, Modigliani et autres, aient le droit de se considérer comme des membres de la IIIème Internationale, et qu’ils y soient représentés. Un pareil état de choses ferait ressembler par trop la IIIème Internationale à la IIème.

8/ Dans la question des colonies et des nationalités opprimées, les Partis des pays dont la bourgeoisie possède des colonies ou opprime des nations, doivent avoir une ligne de conduite particulièrement claire et nette. Tout Parti appartenant à la IIIème Internationale a pour devoir de dévoiler impitoyablement les prouesses de  » ses » impérialistes aux colonies, de soutenir, non en paroles mais en fait, tout mouvement d’émancipation dans les colonies, d’exiger l’expulsion des colonies des impérialistes de la métropole, de nourrir au cœur des travailleurs du pays des sentiments véritablement fraternels vis-à-vis de la population laborieuse des colonies et des nationalités opprimées et d’entretenir parmi les troupes de la métropole une agitation continue contre toute oppression des peuples coloniaux.

9/ Tout Parti désireux d’appartenir à l’Internationale communiste doit poursuivre une propagande persévérante et systématique au sein des syndicats, coopératives et autres organisations des masses ouvrières. Des noyaux communistes doivent être formés dont le travail opiniâtre et constant conquerra les syndicats au communisme. Leur devoir sera de révéler à tout instant la trahison des social-patriotes et les hésitations du « centre ». Ces noyaux communistes doivent être complètement subordonnés à l’ensemble du Parti.

10/ Tout Parti appartenant à l’Internationale communiste a pour devoir de combattre avec énergie et ténacité l’  » Internationale  » des syndicats jaunes fondée à Amsterdam. Ils doivent répandre avec ténacité au sein des syndicats ouvriers l’idée de la nécessité de la rupture avec l’Internationale Jaune d’Amsterdam. Il doit par contre concourir de tout son pouvoir à l’union internationale des syndicats rouges adhérant à l’Internationale communiste.

11/ Les Partis désireux d’appartenir à l’Internationale communiste ont pour devoir de réviser la composition de leurs fractions parlementaires, d’en écarter les éléments douteux, de les soumettre, non en parole mais en fait, au Comité central du parti, d’exiger de tout député communiste la subordination de toute son activité aux intérêts véritables de la propagande révolutionnaire et de l’agitation.

12/ Les Partis appartenant à l’Internationale communiste doivent être édifiés sur le principe de la centralisation démocratique. A l’époque actuelle de guerre civile acharnée, le Parti communiste ne pourra remplir son rôle que s’il est organisé de la façon la plus centralisée, si une discipline de fer confinant à la discipline militaire y est admise et si son organisme central est muni de larges pouvoirs, exerce une autorité incontestée, bénéficie de la confiance unanime des militants.

13/ Les Partis communistes des pays où les communistes militent légalement doivent procéder à des épurations périodiques de leurs organisations, afin d’en écarter les éléments intéressés et petit-bourgeois.

14/ Les Partis désireux d’appartenir à l’Internationale communiste doivent soutenir sans réserves toutes les républiques soviétistes dans leurs luttes avec la contre-révolution. Ils doivent préconiser inlassablement le refus des travailleurs de transporter les munitions et les équipements destinés aux ennemis des républiques soviétistes, et poursuivre, soit légalement soit illégalement, la propagande parmi les troupes envoyées contre les républiques soviétistes.

15/ Les Partis qui conservent jusqu’à ce jour les anciens programmes social-démocrates ont pour devoir de les réviser sans retard et d’élaborer un nouveau programme communiste adapté aux conditions spéciales de leur pays et conçu dans l’esprit de l’Internationale communiste. Il est de règle que les programmes des Partis affiliés à l’Internationale communiste soient confirmés par le Congrès international ou par le Comité exécutif. Au cas où ce dernier refuserait sa sanction à un Parti, celui-ci aurait le droit d’en appeler au Congrès de l’Internationale Communiste.

16/ Toutes les décisions des Congrès de l’Internationale communiste, de même que celles du Comité exécutif, sont obligatoires pour tous les Partis affiliés à l’Internationale communiste. Agissant en période de guerre civile acharnée, l’Internationale communiste et son Comité exécutif doivent tenir compte des conditions de lutte si variées dans les différents pays et n’adopter de résolutions générales et obligatoires que dans les questions où elles sont possibles.

17 / Conformément à tout ce qui précède, tous les Partis adhérant à l’Internationale communiste doivent modifier leur appellation. Tout Parti désireux d’adhérer à l’Internationale communiste doit s’intituler: Parti communiste de … (section de la IIIème Internationale communiste). Cette question d’appellation n’est pas une simple formalité; elle a aussi une importance politique considérable. L’Internationale communiste a déclaré une guerre sans merci au vieux monde bourgeois tout entier et à tous les vieux partis social-démocrates jaunes. Il importe que la différence entre les Partis communistes et les vieux Partis  » social-démocrates » ou  » socialistes » officiels qui ont vendu le drapeau de la classe ouvrière soit plus nette aux yeux de tout travailleur.

18/ Tous les organes dirigeants de la presse des Partis de tous les pays sont obligés d’imprimer tous les documents officiels importants du Comité exécutif de l’Internationale communiste.

19/ Tous les Partis appartenant à l’Internationale communiste ou sollicitant leur adhésion sont obligés de convoquer (aussi vite que possible), dans un délai de quatre mois après le IIème Congrès de l’Internationale communiste, au plus tard – un congrès extraordinaire afin de se prononcer sur ces conditions. Les Comités centraux doivent veiller à ce que les décisions du IIème Congrès de l’Internationale communiste soient connues de toutes les organisations locales.

20/ Les Partis qui voudraient maintenant adhérer à la IIIème Internationale, mais qui n’ont pas encore modifié radicalement leur ancienne tactique, doivent préalablement veiller à ce que les deux tiers des membres de leur Comité central et des Institutions centrales les plus importantes soient composés de camarades qui déjà avant le IIème Congrès s’étaient ouvertement prononcés pour l’adhésion du Parti à la IIIème Internationale. Des exceptions peuvent être faites avec l’approbation du Comité exécutif de l’Internationale communiste. Le Comité exécutif se réserve le droit de faire des exceptions pour les représentants de la tendance centriste mentionnés dans le § 7.

21 / Les adhérents au Parti qui rejettent les conditions et les thèses établies par l’Internationale communiste doivent être exclus du Parti. Il en est de même des délégués aux Congrès extraordinaires.

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