EDF, la mise en enchère de la souveraineté électrique de la France.

Électricité de France, un géant souverain dans l’Hexagone.

En 1945, l’Europe post IIIème Reich est en ruine, l’heure est à la reconstruction, la France est en union sacrée. Le gouvernement crée EDF – un monopole public – en nationalisant l’électricité et le gaz. Le but est de contribuer au redressement et à la modernisation industrielle du pays. Pour cela, les pouvoirs publics développent des grands ouvrages hydroélectriques, thermiques. Puis, dans les années 1970, en faisant le choix du nucléaire civil, la France devient le pays dont la proportion d’électricité d’origine nucléaire est la plus élevée au monde. Étant une entreprise publique, les bénéfices appartiennent à l’État. La France est le pays où l’électricité est la moins chère d’Europe – avec une excellence en qualité de service – pour les ménages même si le coût a bondi de 50% entre 2000 et 2020.

Une construction européenne : un monopole déliquescent 

A partir de 1996, la déréglementation du secteur électrique dans l’Union européenne sous l’impulsion de la commission pousse un changement de statut juridique pour EDF et son introduction en bourse. EDF passe d’un régime historique de monopole à un régime de concurrence à la production et à la vente de l’électricité. En France, les dispositions de ces directives autres que celles d’application directe sont transposées principalement par la loi 2000-108 du 10 février, la loi 2003-08 du 3 janvier 2003 et la loi 2004-803 du 9 août 2004.

En 2004, EDF perd ainsi le monopole de la fourniture de l’électricité aux entreprises. Puis en 2007, le marché de la fourniture aux particuliers est ouvert à la concurrence. Par conséquent, les concurrents comme E. Leclerc, Total, Sowee se fournissent directement à EDF puisqu’ils ne produisent pas toutes l’électricité vendue aux consommateurs.

ARENH, une concurrence artificielle au détriment de l’EDF.

La création de l’Accès Régulé à l’Électricité Nucléaire Historique en 2010 oblige EDF à vendre ¼ de sa production d’électricité nucléaire à un prix fixe de 42 euros/Mwh (toujours non revalorisé). Alors que dans le marché européen s’échange le prix de l’électricité dans une bulle lorsque celui-ci est en augmentation, les spéculateurs n’hésitent pas à acheter à EDF. Par conséquent, EDF sera toujours déficitaire et l’ARENH est conçu pour favoriser les concurrents face à un géant muselé. Selon la cour des comptes, le vrai coût de la production s’élèverait à 48 euros/ Mwh. Cette concurrence artificielle fait perdre à EDF des clients (26% pour les particuliers) car celui-ci n’est pas compétitif sur le marché.

Le projet Hercule, la fin d’une ère : d’une souveraineté à la loi du marché.

Le projet a été présenté une première fois par la direction d’EDF en juin 2019 puis mis en suspens à cause de la crise sanitaire et est revenu dans le carton du gouvernement en novembre dernier. Le projet Hercule prévoit de séparer l’entreprise en trois entités distinctes :

  • La première « EDF BLEU » serait sous le contrôle de l’État. Elle a pour fonction de prendre en charge la production et le transport de l’électricité lié au nucléaire. Évidemment, elle aurait dans sa comptabilité la dette chiffrée à 42 milliards.
  • La deuxième « EDF AZUR » serait elle aussi sous le contrôle public. Elle s’occuperait des barrages. Elle ne serait pas une entreprise mais une quasi-régie.
  • La troisième « EDF VERT » s’occuperait de la vente de l’électricité y compris renouvelable. Cette dernière serait mise en concurrence. Par ailleurs, celle-ci pourrait acheter l’électricité sur le marché c’est-à-dire aux concurrents ou aux autres branches d’EDF. Ainsi, cette EDF sera rentable, débarrassée de toute la dette et privatisée à 35%.

Cette approche déconnecte : d’une part la production de l’électricité qui nécessite un investissement massif (production entretien du parc historique). Au-delà de la sécurité, aucun investisseur ne financerait une centrale nucléaire car le coût de la construction est un gouffre financier. Sans oublier que certaines centrales nucléaires vieillissent et nécessitent des investissements colossaux pour les rénovations.

D’autre part, en séparant en trois sociétés distinctes, on priverait la société d’une manne financière générée par la vente de l’électricité tant aux particuliers qu’aux entreprises pour la transférer dans la poche d’actionnaires privés. Dans une période de transition écologique où la France cherche à produire l’électricité de demain, le choix du gouvernement de mettre sur table ce projet a pour conséquence une mise en difficulté de l’outil de production pouvant potentiellement mettre le pays à l’arrêt et plus vraisemblablement le rendre plus dépendant de la production de ses voisins bien moins propres en termes d’émission de CO2 tout faisant reposer l’intégralité des coûts d’entretien et de rénovation sur les seuls contribuables lesquels ne manqueront pas de se faire prélever une seconde taxe privé au moment de régler leurs factures mensuelles.

Pour le gouvernement, il est nécessaire de donner à EDF les moyens dont elle a besoin. Le ministre de l’économie Bruno Le Maire affirme: « aujourd’hui, EDF va dans le mur si nous ne sommes pas capables de lui donner les moyens d’investir. Ma responsabilité de ministre de l’économie, c’est de donner à EDF les moyens de se développer et de rester l’une des plus grandes entreprises énergéticiennes de la planète ». Derrière cette jolie tirade, le gouvernement espère à avoir des garanties auprès de la commission européenne :

  • Ne pas avoir à privatiser les barrages d’EDF AZUR. Sous le statut quasi-régie, le gouvernement espère garder les barrages sous la bannière publique.
  • Fin avec l’ARENH et ses 42 euros/Mwh.
  • Autorisation de construction de réacteurs EPR (des nouvelles centrales nucléaires).

Ces demandes permettent  avant tout à EDF d’être compétitif dans le cadre du traité européen. Il contraint la France à brader ses biens publics à la hauteur de 35% de ses actifs supplémentaires afin de permettre de garder une entreprise sous le giron tricolore. Les traités européens et le jeu politique nous privent de toute information. Un parc historique construit par le contribuable ne peut se permettre d’être privatisé. La souveraineté énergétique doit être au-dessus de la spéculation. Prétendant défendre l’intérêt général, l’État gestionnaire se trouve à privilégier les géants du privé au nom de la pseudo performance du marché une fois que les biens communs bradés, il ne reste plus à l’État de servir de garant en cas de défaillance : privatiser les profits, nationaliser les pertes, l’éternelle histoire. Un dogme qui prive l’État de tout levier.

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