Unir et vaincre: les germes du fascisme (1/3)
Stade du capitalisme en faillite
Le fascisme ne se borne ni à un parti ni à une idéologie. Le Rassemblement National n’en a pas le monopole, le mandat d’Emmanuel Macron le prouve.
Le duel entre M. Macron et Mme Le Pen au second tour de l’élection présidentielle de 2017 fut le résultat de deux visions produites par un même corps social, l’une « progressiste », l’autre « conservatrice ». Bien qu’ils ne partagent pas les mêmes opinions, ils représentent toujours les mêmes intérêts.
Ce qui les distingue se fait par une application concrète d’un programme plus ou moins violent envers les travailleurs mais ce qui les réunit est cette volonté féroce de mater toute forme d’organisation de ceux-ci contre un système en crise : le capitalisme.
Ce débat ne représentant aucun caractère de classe évident, la question d’élire son seigneur pouvait légitimement se poser. Bien qu’une frange massive des travailleurs, en particulier dans les banlieues ouvrières, se soit mobilisée, c’est bien l’abstention qui fut le premier parti de France.
L’échec de l’économie de marché
L’économie de marché, en tant que matrice sociale, politique et culturelle, en plus d’affronter une conjoncture défavorable, souffre de déficits et de contradictions structurels chroniques.
On peut même se demander si ce mode de production est capable d’organiser la vie de milliards d’êtres humains, au XXIe siècle.
Les crises cycliques peinent à se résorber et le leadership qu’avaient les traditionnelles puissances impérialistes, états-uniennes et européennes en premier lieu, sur le monde est aujourd’hui clairement contesté, notamment par la République populaire de Chine.
Le dernier pilier du système
Aussi définissons-nous le fascisme comme le stade du capitalisme en faillite. Celui-ci est le dernier pilier d’un système qui se passe du consentement général au prix de la force et de la violence.
Tandis que la bourgeoisie a déboursé des milliards pour des conquêtes lunaires : des « occupations militaires » à celle de l’espace, les travailleurs, tout comme la planète, n’ont jamais été autant réduits à de vulgaires biens de production voire de consommation.
La rupture du contrat social
Les restrictions des libertés rappellent que ce que nous considérons comme telles ne sont que le fruit d’un rapport de force entre le Capital d’une part, représenté par la bourgeoisie et tous ses valets (groupes médiatiques, politiciens, idéologues) et le Travail d’autre part, incarné par les travailleurs et le mouvement social, c’est à dire par ces premiers organisés et en lutte.
La lutte des classes s’est tendue à un point où le contrat social qui unissait les citoyens français est rompu. Pour autant, les corps intermédiaires de la classe opprimée semblent tout à fait inefficaces pour organiser la colère des gens. Pire encore, le désamour semble réel entre les travailleurs et leurs organisations, inutile d’écouter les médias bourgeois pour le constater.
Cette lutte s’est d’ailleurs transformée en guerre au gré des reculs sociaux orchestrés par les politiciens qui ont profité aux seuls intérêts capitalistes depuis au moins un demi-siècle. L’explication vient de deux facteurs.
Facteur exogène
Le premier est exogène avec la multiplicité des structures de production rendant les formes de travail toujours plus singulières voire à la carte, à mesure que le capitalisme s’est étendu sur la surface du globe, tissant une toile dont le cœur est clairement les États-Unis d’Amérique. Par ailleurs, il semble que l’individualisation des forces productives aille de pair avec la tendance du Capital à se déployer dans le monde.
La fin de l’Histoire tant clamée par les idéologues ne s’est pourtant jamais constatée et les foyers de contestation sont toujours aussi nombreux à chaque coin de la planète.
Comment expliquer que les travailleurs français et du vieux continent soient à ce point tétanisés ? S’agit-il d’une exception ? Ou d’un échec de la mobilisation ? Ou autre chose ?
Facteur endogène
Cela vient d’un second facteur et c’est celui qui nous intéresse dans cette présente brochure : la disparition de l’idéal socialiste en Europe au tournant du siècle dernier a effacé tout objectif révolutionnaire, condition première des conquêtes sociales.
Les partis, syndicats et associations, laissés à eux-mêmes après la disparition d’un mouvement mondial n’ont plus aucun modèle auquel se référer. Ils ont été incapables, malgré leurs vœux pieux, d’en ériger un nouveau, se transformant en force gestionnaire du système en place avec plus ou moins de radicalité.
En réaction, les mouvances gauchistes et autonomes qui rêvent de s’émanciper de la tutelle des « vieux partis » ne servent que d’idiots utiles en se mettant en spectacle dans une société toujours plus friande d’images télégéniques et de mots d’ordres grossiers sur fonds de violences propices au buzz.
La décadence de la pensée libérale
Il semble que les crises cycliques du capitalisme connaissent un aboutissement avec la pandémie du coronavirus, qui est le symbole de l’échec de l’économie de marché et de sa croissance heureuse par une concurrence pure et parfaite.
C’est aussi la preuve de la décadence de la pensée libérale traditionnelle qui, dans les hauts lieux du savoir comme de la communication, sont tout juste capables de constater les drames auxquels nous sommes confrontés mais sont toujours dépassés par l’évolution des rapports de production et des changements sociaux qu’ils opèrent.
L’État contre le contrat social
Face à cela, les États, en tant qu’appareils détenant le monopole de la violence légitime au service de la classe dominante et du contrat social que cette dernière a elle-même imposé se tournent contre celui-ci.
En France, on ne compte plus les scandales que provoquent les répressions du mouvement social et des travailleurs en général. On peut d’ailleurs affirmer que les gardiens de la paix se sont transformés en forces de l’ordre établi.
Le fascisme est un mouvement historique
Nous nommons ceci le fascisme, dans la mesure où ce qui est défini se fait en cohérence avec des exemples historiques bien précis, en particulier ceux de l’Italie, de l’Allemagne et de l’Espagne des années 1930.
Nous attirons l’attention du lecteur sur un point précis: la comparaison doit se faire à l’aide d’indicateurs précis que nous développerons et non pas par la succession d’événements tous plus sordides les uns que les autres.
En effet, ces régimes sont les conséquences de crises économiques et sociales. Elles annoncent la guerre et la chute des civilisations qui n’ont de modernes et développées que le nom tant leur déchéance est aussi pitoyable que spectaculaire.