Unir et vaincre: le stade germinal du fascisme (2/3)

Signaux faibles et signaux forts

Comme d’autres structures capitalistes, le fascisme est un mouvement réel des choses dont on peut détecter des signaux faibles et forts.

Les signaux faibles : radicalisme et radicalité

La propagande bourgeoise, à savoir les groupes médiatiques ainsi que les réseaux sociaux, font état, non sans une certaine hystérie méprisable, de relations sociales toujours plus violentes.

Des concepts prêts à penser sont par la suite repris dans les discours du quotidien, justifiant le désamour de la chose publique.

Le populisme, terme fourre-tout et usité à outrance sans avoir fait l’objet d’une seule définition juste, en est un exemple flagrant puisqu’il semble que l’on est toujours le populiste de quelqu’un d’autre.

Le prisme du web

D’une part, Internet en général et les réseaux sociaux en particulier, comme toute évolution technique et technologique, peuvent permettre en partie l’émancipation mais dans la mesure où ce sont les entrepreneurs capitalistes qui détiennent les sites, nous ne serons que leurs produits.

Youtube, Instagram ou Twitch, par le contenu qu’ils proposent, sont des drogues populaires, et ont leur responsabilité dans la diffusion de discours extrémistes polluant la bande passante comme les pensées.

Le symptôme de la décomposition du mouvement social

En parallèle, les mouvances autonomes et gauchistes font régulièrement la une des quotidiens bourgeois. Ils sont le symptôme d’une décomposition toujours plus avancée du mouvement social qui est bien incapable de régler le problème et se trouve même obligé d’intégrer certains de ces agitateurs tant ils donnent des leçons d’organisation aux institutions ouvrières.

En cela, le terme de gauchisme, défini comme une maladie infantile est exact tant les actions de ces « néo-groupes » aux « idéologies nouvelles » sont puériles.

Que l’on ne s’étonne pas, en conséquence, de trouver des justifications politiques prêtes à l’emploi pour renforcer l’arsenal sécuritaire, policier et judiciaire.

Les flammes de la résignation

La vigueur des méthodes gauchistes naît des flammes de la résignation. Nous entendons çà et là qu’aller en manifestation “ne sert plus à rien” alors qu’il n’a jamais été question de changer le système en allant manifester. On ne peut faire passer une tortue pour un lièvre : la manifestation est la représentation concrète des masses en lutte sur un sujet particulier. Ce n’est qu’un moyen d’action, tout comme l’est la grève ou une simple pétition.

Envisager celles-ci comme des fins en soi par des slogans toujours plus courts et certes bien pensés n’aboutira à rien de plus que de faire passer tous les militants pour une bande d’énergumènes incultes, se complaisant dans leur pouvoir de nuisance.

La place des religions en France

Les multiples clivages autour de la laïcité sont un autre symbole des délires frénétiques qui matricent les débats : au-delà des vives tensions qui empêchent la discussion sereine, le sujet révèle une politique de répression féroce de l’appareil d’État sur les travailleurs qui seraient issues de minorités fantasmées. Ainsi, là où il devrait y avoir l’égalité, la loi est brandie pour légitimer l’exclusion.

La place des religions en France est un sujet fertile au développement du fascisme. Désormais, les débats évacuent presque systématiquement la lutte des classes au profit du choc des cultures.

Il se trouve qu’au delà des batailles de chapelles, les fondamentalistes s’accordent sur le souhait d’imposer un modèle de société rétrograde ne remettant surtout pas en question l’exploitation capitaliste. La différence entre l’islam présenté comme radical et l’Action Française tient ainsi dans un mouchoir de poche. Ça ne choque personne de les retrouver, main dans la main, à la Manif pour Tous.

Fausse radicalité

Sous les discours prétendument radicaux et hétéroclites, on est en droit de se demander où se trouve la radicalité dans les œuvres de chacun.

Les illustrations précédentes montrent que quiconque prétend avoir la formule pour sortir la société de la crise se dit radical, interrogeant le sens même de la radicalité.

Si tout le monde est radical, plus personne ne l’est. La radicalité s’exprime par sa capacité à modifier le rapport de force plutôt que par la force des convictions.

Nous soupçonnons que ce radicalisme est le symptôme de la revanche de la classe moyenne – entendue comme cette multitude de ménages qui jouissent de biens de consommation dont ils sont les propriétaires – qui, malgré le discours largement établi, n’est qu’une vision de l’esprit et non une réelle catégorie sociale effective.

Supposons qu’Untel soit de la classe moyenne parce qu’il est propriétaire d’une maison et d’une start-up. S’il doit payer son crédit à la banque qui a hypothéqué sur la maison et l’entreprise, alors Untel n’est pas le propriétaire réel de son moyen de production. Il n’est donc pas un bourgeois, il est un travailleur mais certainement pas dans la moyenne et ce bien qu’il soit fier d’être “son propre patron”.

Tant qu’il n’agit pas comme un producteur de richesse, la colère qu’il pourra exprimer sous des formes diverses et variées aura un impact limité sur l’évolution du rapport de force, il ne sera par conséquent pas radical.

Les signaux forts : la banalité de la terreur

Quand ce que nous venons de décrire devient une réalité concrète, il ne faut pas s’étonner que surgissent des groupuscules factieux, certes marginaux mais toujours bien organisés.

Même s’il en existe à gauche et peuvent être affligeants à certains égards, le danger vient surtout du camp de la bourgeoisie.

Quand cette dernière organise – ou laisse faire dans le meilleur des cas – les nazillons, le vrai risque ne vient pas d’un parti dédiabolisé qui a connu une évolution cosmétique de son nom (nous parlons bien entendu du Rassemblement National).

Ce dernier ne représente que le pont entre les puissants et des milices dont l’impunité ne fait qu’indiquer l’ambiance de l’époque.

L’individu fasciste

On ne voulait pas laisser les fachos dans nos stades, ils y sont entrés. On s’est dit qu’il fallait les mettre hors de nos rues, aujourd’hui ils ont des bars associatifs tandis que les syndicalistes et autres militants du mouvement social, paient un lourd tribut pour la participation à une action collective, considérés comme des terroristes.

Pour autant, le fascisme n’est pas uniquement représenté par des individus dangereux. Ils profitent d’un écosystème qui favorise leur émergence.

Une bureaucratie kafkaïenne

L’administration s’est transformée en une bureaucratie impersonnelle donnant des ordres toujours plus incohérents aux travailleurs de la fonction publique, qui doivent porter la responsabilité de personnes irresponsables mais catapultés chefs uniquement parce qu’ils sont diplômés d’une « grande école ».

On achète le consentement de ces salariés par des primes pendant que leur salaire n’augmente pas, sapant toute unité de classe et renforçant un esprit de corps moyenâgeux. Malgré les martingales médiatiques, il est faux d’affirmer que les fonctionnaires français sont des privilégiés.

Il est cependant aisé de comprendre l’aigreur des travailleurs qui aujourd’hui ne voient pas en quoi les agents rendent un quelconque service au public.

La ruine de la Sécu

Même la Sécurité Sociale, fière conquête ouvrière, ressemble à un champ de bataille d’éléments de langages technocratiques pour obtenir une aide ou assistance financière.

Il est loin le temps où la Sécu incarnait la solidarité de classe par la socialisation de la richesse produite quand on voit les rentes misérables de nos vieux, tandis que nos jeunes n’ont même pas accès à l’assistance publique.

On peut être fier de ce qu’a été la Sécu mais il faut comprendre aujourd’hui que même si celle-ci devait disparaître, cela ferait bien longtemps qu’elle n’appartiendrait plus aux travailleurs.

Pas depuis que le patronat « cogère » les caisses. Qui dit d’ailleurs cogestion dit toujours gestion au profit de ce dernier et donc in fine à la bourgeoisie.

La prétention bourgeoise

C’est là tout le nœud du problème qui serre la gorge des travailleurs. Il existe une prétention malsaine de la bourgeoisie à s’occuper de tout même quand elle ne le peut pas.

Des lobbys comme Bilderberg sont autant des chimères pour complotistes frustrés qu’un véritable instrument capable de mettre la pression sur des gouvernants qui prêtent volontiers l’oreille à ces capitaines d’industrie qui les composent.

L’État est définitivement l’outil des puissants et les gouvernements n’en ont l’usufruit que de manière temporaire.

S’ils veulent garder l’illusion du pouvoir, les politiciens se doivent de céder aux directives, la légitimité des urnes ne pesant pas lourd face au pouvoir de l’argent.

L’appareil d’État désossé

Il ne reste donc à l’appareil d’État que ses fonctions régaliennes, toujours plus renforcées par la course à la réforme qu’entreprennent les divers gouvernements depuis le mandat de M. Sarkozy.

Ce qu’il reste de l’État social est l’engagement courageux des travailleurs de la fonction publique.

Malgré les discours nostalgiques, les services publics accouchés des luttes sont tellement inopérants que leur privatisation peut se faire dans le silence que rien n’y changerait.

Au début de l’arbitraire

Pour autant, la crise du Covid-19 a rappelé à tous que l’ambition bourgeoise est démesurée mais rien ne semble arrêter ni sa mégalomanie ni sa prétention à rester la classe dominante. C’est ici que commence l’arbitraire.

Il y a à peine un siècle, cela passait par des guerres nationales après l’échec d’interventions coloniales. Pas besoin d’être un génie pour tirer une telle analogie avec ce que nous vivons, quand on voit le bourbier dans lequel les puissances impérialistes se trouvent en Afrique subsaharienne ou dans le Moyen-Orient. Chaque puissance impérialiste a cherché à faire valoir ses intérêts dans des régions du monde toujours plus éloignées de leur métropole, au risque de faire naître des rivalités entre ces premières, tendant toujours un peu plus la situation internationale.

On peut certes répondre que comparer n’est pas raisonner mais nous affirmons que les mêmes reflux historiques entraînent les mêmes réactions, c’est d’ailleurs le but de l’étude des faits passés. Avec la pandémie, nous venons de rentrer dans le XXIe siècle et pourtant les conditions objectives semblent réunies pour revenir à un état barbare des rapports de force où seule la violence peut arbitrer ceux-ci.

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