Présidentielle : « On ne peut pas attendre cinq ans » est un argument nul et non avenu

L’argument selon lequel « On ne peut pas se permettre d’attendre cinq ans » est nul et non avenu.

Évidemment que la classe ouvrière de France ne peut pas attendre cinq ans. Toutes les fins de mois, toutes les réformes politiques, tous les accords économiques ou sociaux issus de négociations sans forces à faire valoir pour elle, toutes les attaques, toutes les menaces qui pèsent sur son quotidien et le lendemain de ses enfants – tout cela est déjà là.

À qui s’adresse-t-on quand on prétend « ne pas pouvoir attendre cinq ans » ? À la classe ouvrière dans son ensemble ou à sa frange la plus conscientisée, déjà convaincue et mobilisée ?

La question elle est vite répondue comme dirait l’autre. Dès lors galvaniser ses troupes se fait au détriment d’un discours audible, intelligible pour l’ensemble de son camp.

Pour la classe ouvrière, il n’est pas difficile d’imaginer ce que serait un second mandat Macron ; ce ne serait que la continuité subie depuis un demi-siècle, autant dire toute une vie, en termes de régressions sociales. Il lui est par contre difficile d’envisager un avenir meilleur.

Celui-ci existe pourtant à condition qu’elle existe, elle la classe ouvrière, en tant que force sociale. Pour cela, il faut plus que des journées d’action saute-mouton et bien davantage que des élections présidentielles saute-mouton. Cela demande un travail patient de construction de la solidarité, démonstration pratique la plus efficace que ses membres partagent des intérêts communs plus importants que leurs intérêts particuliers ; et que c’est en s’unissant qu’ils feront triompher ces intérêts.

C’est en opposant la solidarité de classe des travailleurs à la solidarité de classe des bourgeois que les premiers développent leurs forces, que le rapport de force bascule en défaveur des seconds, et que ces derniers se retrouvent contraints de mettre de côté leurs projets, voire de revenir à un état antérieur d’une législation qui a épousé la progression des forces bourgeoises depuis un demi-siècle.

Bien entendu les moyens de créer cette solidarité sont nombreux et les voies qui y mènent peuvent s’ouvrir à partir de nombre de situations. La campagne présidentielle est d’ordinaire le moment de politisation le plus fort des périodes électorales – et qui dit politisation dit nécessairement irruption, à des degrés divers, de la classe ouvrière sur le terrain politique étant donné que ce dernier est déjà occupé, saturé par les classes supérieures, c’est-à-dire la grande bourgeoisie et ses valets au sein des institutions publiques et privées.

D’ordinaire car la campagne de 2022 ne ressemble à aucune autre par sa faiblesse, son manque d’ancrage et le fatalisme qui a gagné le peuple français en général et ses composantes populaires en particulier. La pandémie et la guerre sont passées par là.

Et même lorsque l’ordinaire se produit, une campagne présidentielle reste un processus de politisation moindre que celui observé dans le cadre de grands mouvements sociaux, de grandes grèves victorieuses. Certes il faut avoir à peu près 35 ans pour en avoir connu au niveau national, interprofessionnel et en avoir mesuré, dès l’époque, l’élan extraordinaire que cela fut pour la classe ouvrière. Même quand il ne s’agissait plus, pour elle, de gagner des droits mais d’en conserver.

Investissons le terrain des luttes. C’est un poncif mais il a, dans les pratiques éprouvées, un corollaire qui n’en est pas un : investissons le terrain de la solidarité de classe. Sous toutes ses formes : alimentaire, matérielle, éducative, culturelle, internationaliste. Même un ouvrier pense d’abord à ce qu’il a dans son assiette avant de penser au reste du monde, de surcroît lorsqu’elle est vide – alors il ne pense plus à rien d’autre, l’être humain est fait ainsi.

Ne nous berçons pas d’illusions et de grâce, ne berçons pas d’illusions la classe ouvrière. Quoi qu’il advienne dans cette élection, demain sera rude. Attendre cinq ans ? Et pourquoi pas la Saint-Glinglin ? Par contre, ne tout voir que par le prisme des élections, comme alpha et oméga de la transformation sociale, en voilà une vision qui produit des illusions.

Non seulement les élections n’ont pas joué un rôle hégémonique dans les conquis sociaux du XXème siècle, mais elles n’y ont même joué qu’un rôle mineur. Gardons tous cela à l’esprit.

« Ne pas se permettre d’attendre cinq ans » est un slogan usé, abusé par les partis écologistes qui ne se rendent pas compte qu’ils ne pourront que repeindre en vert la façade du capitalisme. Que les militants du socialisme réel le reprenne à leur compte les discréditerait.

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