Pourquoi les médias dominants prennent un plaisir malsain à fabriquer une anxiété de masse
La course à l’exclusivité, au sensationnalisme, à l’audimat pousse les médias dominants, que nous pouvons résumer comme étant ceux aux mains des quelques milliardaires – Patrick Drahi, Vincent Bolloré, Martin Bouygues, Xavier Niel, Bernard Arnault – qui détiennent l’essentiel des titres de presse (au sens large) français, à fabriquer et nourrir une anxiété de masse parmi le public.
Comment ne pas être touché dans son cœur par les images et les paroles de celles et ceux qui vivent la guerre, en Ukraine particulièrement, si ce n’est en vivant en ermite coupé de toute information du reste du monde et partant, de tout battage médiatique ?
Bien sûr faut-il s’indigner, se révolter, s’engager contre la guerre – en Ukraine comme ailleurs – et le pacifisme conséquent implique de ne pas participer, si ce n’est d’empêcher, le surarmement mondial et la prolifération de matériels et moyens militaires pour un objectif de priorité absolue dans la période : la désescalade.
Néanmoins, l’horreur d’une guerre ne justifie pas les pratiques décidées, du moins lourdement incitées, par les propriétaires-actionnaires, présidents-dirigeants et cadres-éditorialistes des chaînes de télévision, stations de radio, journaux nationaux ou régionaux et canaux numériques d’information.
Le phénomène n’est certes pas nouveau. Le terrorisme au XXIème siècle, la pandémie de Covid-19 et aujourd’hui la guerre en Ukraine forment néanmoins un processus s’amplifiant avec le temps. Dans la course à l’audimat qui confine à la course au pire, les discours et les images doivent frapper les esprits le plus violemment possible – et les producteurs de ces discours et ces images finissent par prendre un plaisir pervers à frapper les esprits violemment.
Le 11 septembre 2001, une séquence volée et devenue virale montrait David Pujadas se réjouir de la frappe des tours jumelles du World Trade Center. Vingt ans après, les choses ont changé : elles ont empiré.
Déverser des discours irrationnels et spéculatifs sur les pires hypothèses envisageables, diffuser en boucle des images sensationnelles comme la préparation d’un cocktail molotov, des bâtiments éventrés par les bombardements, l’arrivée des chars étrangers ou les victimes – parfois très, très jeunes – alitées à l’hôpital et marquées dans leur chair par la guerre : tout ceci a une finalité.
Provoquer la peur en permanence, car c’est bien là le sentiment dominant qui est recherché par les médias dominants, participe à la fabrication du consentement, comme l’explique depuis plusieurs décennies le révolutionnaire étasunien Noam Chomsky.
Il s’agit de créer les conditions pour que les classes populaires, cibles privilégiées des médias de masse, consentent à des actes a priori insensés et inacceptables, de la part d’un État qui n’agit jamais dans leur intérêt.
Cela a des conséquences : l’ambiance de peur permanente crée un climat, sur le terrain, de suspicion permanente, de haine banalisée, à l’égard de ceux qui sont amalgamés comme responsables ou complices d’une tragédie, quand bien même le seul point commun de cette population avec les authentiques responsables et complices se limite à une origine géographique ou la connotation étrangère d’un nom de famille, en aucun cas à des vues politiques et géostratégiques partagées.
Ces conséquences, particulièrement dévastatrices dans l’esprit de tous ceux qui composent le peuple travailleur de notre pays, ne sont que des dommages collatéraux d’une entreprise bien plus large. La fabrication du consentement dans un contexte de guerre favorise les jusqu’aux-boutistes, les va-t-en-guerre, les pratiques martiales à l’international et à l’intérieur de nos frontières.
En interdisant Russia Today et Sputnik, l’Union Européenne en général et l’État français en particulier n’ont absolument pas mis fin à la propagande de guerre ; ils l’ont rendue unilatérale.