La résurrection de John Rockefeller

Légendes…

 

…Dorée

 

Que dire sur John Rockefeller ? Un tour sur sa page Wikipedia montre que cet homme traîne une réputation que la postérité a su entretenir. 

Élevé dans la foi baptiste, il considère sa richesse “comme un cadeau de Dieu”. 

Il fait partie des hommes les plus riches de l’Histoire, à la fortune personnelle estimée entre 350 et 400 milliards de $, faisant passer Jeff Bezos pour un nain industriel.

Figure du parti républicain d’Abraham Lincoln (dont les deux familles étaient unies par les liens du mariage), il est un généreux philanthrope, participant, entre autres, à la fondation de l’illustre université de Chicago.

 

***

 

Comme Rockefeller, Elon Musk est immensément riche, peut-être pas autant que son aîné, mais assez pour être l’homme le plus fortuné au monde en 2022, devant justement M. Bezos.  

Bien qu’il vienne d’une famille aisée, “l’homme qui invente le futur” a souffert par le passé d’une relation tendue avec son père, qui lui coupe les vivres alors qu’il décide de partir étudier à l’étranger. 

Son parcours dans le milieu de la tech est celui d’un petit entrepreneur comme les autres qui va multiplier les initiatives avant de trouver le bon cheval de bataille, à savoir le service de paiement en ligne. L’origine de sa fortune proviendrait de la vente de son service X.com à Paypal 

Sa popularité n’est plus à prouver, cela va sans dire: il dit ce qu’il pense sur les réseaux sociaux, il est la figure de la conquête spatiale américaine via son entreprise SpaceX, il serait la source d’inspiration du Tony Stark des Disney. 

 

…Noire

 

Mais avec le rachat de Twitter, Musk révèle une autre facette de sa personnalité: capitaine d’industrie rapace, les méthodes qu’il a développées pour acquérir l’oiseau bleu sont tout  autant opaques que techniques.

De plus, à regarder de plus près ce que dit M. Musk sur ce même réseau social, on est en droit de se demander si au nom de la bataille pour la liberté d’expression on ne tolère pas la banalisation de discours au mieux réactionnaires, au pire rétrogrades. Même s’il garde pour lui une image de troll assez proche de sa communauté (quand même un peu plus de 86 millions d’abonnés)

 

***

 

De là à le traîter de “baron voleur” tel M. Rockefeller, il y a un pas que nous ne franchirons pas.

Celui-ci est tout de même directement impliqué dans la tragique conclusion du mouvement des mineurs du Colorado entre 1913 et 1914, considérée comme la plus longue grève de l’histoire de l’Etat mais aussi comme la plus meurtrière faisant trente morts. M. Rockefeller a en effet engagé des hommes de main qui furent intégrés à la garde nationale pour perpétrer le massacre. 

 

Le symbole de leur temps

 

Du Gilded Age…

 

Si M. Rockefeller est traité de baron voleur, il est surtout à l’image de la plupart des capitaines d’industrie qui seront le fer de lance de la conquête étasunienne du territoire américain à la fin du XIXe siècle, faisant des profits considérables sur chaque partie du pays qui est annexé à l’ouest. 

Il est, autant par sa position de leader sur le marché du pétrole que par son action philanthropique, un acteur majeur des nouvelles ambitions internationales américaines au début du XXe siècle. Son action à l’international peut d’ailleurs être vu comme pionnière dans le soft power américain. 

D’ailleurs, si la Standard Oil finit désossée par les pouvoirs publics américains en 1911 après avoir été explicitement visée par le Sherman Anti-Trust Act, il aura divisé son empire industriel en de multiples filiales aujourd’hui encore en activité. De plus, la manière dont il aura pensé l’industrie à son échelle macroéconomique fait de lui un des plus grands promoteurs du libéralisme américain, à l’instar d’Henry Ford. 

 

…Au metaverse

 

Aujourd’hui, les perspectives de conquête pour le marché ont considérablement changé d’échelle. On ne parle plus d’agrandir la surface de son territoire sur le globe, puisque les frontières n’ont pas d’extension physique possible.

Cependant, les frontières de l’espace dépassant l’entendement humain, on peut comprendre l’attention que porte à la conquête spatiale, porter un industriel capitaliste de la trempe d’Elon Musk.

Avec le rachat de Twitter, il semble que l’entrepreneur parte à l’assaut d’un nouveau terrain: celui du metaverse, conception largement popularisée par son concurrent Mark Zuckerberg, et qui consiste en une société totalement connectée par l’outil numérique. Là encore, il s’appuie sur ce qui se fait de mieux en terme de recherche scientifique, en cherchant à mettre à profit les technologies issues de la physique quantique, proposant un monde aux horizons virtuellement inégalés. 

 

La renaissance de l’impérialisme

 

Le capitalisme sans État

 

A sa façon, Elon Musk est devenu lui aussi une figure des ambitions étasuniennes, extrêmement soluble dans la vision de l’État de M. Donald Trump: un capitalisme sans Etat, où principes du marché opèrent comme les seules règles du contrat social. D’une certaine manière, il met en pratique la vision de Friedrich Hayek.

La position qu’il défend sur les libertés individuelles, ultra permissives, fait de lui un des plus illustres libertariens, comme beaucoup d’autres champions de la Silicon Valley.

 

La quintessence du capitalisme

 

Difficile de ne pas faire entrer l’acquisition de Twitter par M. Musk en résonance avec le cœur de notre actualité, à savoir la réélection de M. Macron ainsi que le conflit en Ukraine. Parce que M. Musk est un acteur majeur de la finance internationale et qu’il est l’un des plus puissants oligarques au monde, il n’est pas anodin que son achat se fasse en cette période conflictuelle.

Le caractère rapace, agressif, violent de cette acquisition, bien que confinée entre les murs névrosés de Wall Street, révèle la quintessence du capitalisme, celle-ci à un nom: l’impérialisme.

Malgré son image “cool” et sa supposée action contre le réchauffement climatique, disons les choses, M. Musk n’a pas intérêt à ce que le système, qui exploite humains et ressources naturelles, change d’un pouce. Il est même l’un des principaux protagonistes d’un monde qui, malgré l’urgence, évolue de manière brutale… 

Les ruines de Ludlow au lendemain du massacre (1914). Crédits photos: Wikipedia

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *