Emmanuel Macron vient de se suicider politiquement : voici pourquoi

Le Président de la République, au soir du dimanche 9 juin, a pris tout le monde de court en annonçant la dissolution de l’Assemblée nationale. Tout le monde : ses adversaires politiques, mais aussi ses propres ministres, ses propres députés, ses propres soutiens.

Le Premier ministre Gabriel Attal lui-même s’est opposé à la dissolution, qui revenait à accéder à la demande du Rassemblement National (RN) le jour où l’extrême-droite était à son firmament depuis 80 ans. Il a proposé à Emmanuel Macron de se servir de lui comme d’un « fusible ». Le voilà à devoir mener une campagne qu’il n’a pas choisie et dans laquelle son chef s’ingère en permanence.

Comme nous le verrons par une analyse rigoureuse du bilan des deux dernières années et des rapports de force actualisés, le pari risqué de M. Macron est d’ores et déjà perdu et le pôle politique qu’il incarne, déjà mort. Au soir du 7 juillet, il n’y aura donc pas trois blocs comme en 2022 dans l’hémicycle, mais seulement deux.

Les coulisses de la dissolution

Selon ce qui nous est rapporté par les médias autorisés, ayant leurs entrées dans les salons dorés, c’est à l’intérieur d’un cénacle extrêmement réduit que le chef de l’État a pris cette décision le 9 juin.

Bruno Roger-Petit, ancien journaliste au Monde et actuel conseiller de M. Macron, l’aurait convaincu en lui garantissant que prendre de vitesse les autres forces politiques permettrait de convoquer, une énième fois, le duel entre la Macronie et le RN. Le Président a alors misé sur la division de la gauche.

Sans verser dans les théories complotistes, nous pouvons également présumer que le dîner de gala donné au soir du samedi 8 juin 2024 à l’Élysée, autour d’Emmanuel Macron et du président des États-Unis d’Amérique Joe Biden, en compagnie de nombreux représentants de la grande bourgeoisie industrielle et financière, n’est pas pour rien dans la décision prise dimanche soir.

Bernard Arnault, l’homme le plus riche du monde et proche de M. Macron, et d’autres milliardaires présents à ce fameux dîner ont pu souffler à l’oreille du chef de l’État leur position de toujours : « Plutôt Hitler que le Front Populaire ». En d’autres termes : prenons de court la gauche pour qu’elle ne s’unisse pas, essayons de revigorer le bloc centriste et si d’aventure l’extrême-droite nationaliste venait à gouverner demain, nous nous en accommoderons et vous garderons, cher Emmanuel, une place au chaud parmi les plus importants des conseils d’administration et des cercles de pouvoirs capitalistes français, européens ou mondiaux.

Le pari du chaos

Précisons les implications de la dissolution de l’Assemblée nationale. Le Président de la République a volontairement choisi le chaos. Il faut un minimum de vingt jours et un maximum de six semaines entre la convocation de nouvelles législatives et la tenue effective du scrutin. Emmanuel Macron a opté pour vingt-et-un jours entre le 9 juin et le premier tour du 30 juin.

De surcroît, entre l’annonce et le dépôt des candidatures dans les 577 circonscriptions françaises, de l’hexagone et des territoires d’Outre-Mer, il y aura eu moins de sept jours. Les préfectures départementales recueilleront les noms et étiquettes des candidats au plus tard dimanche 16 juin.

Prendre de court ses adversaires politiques était un pari risqué mais potentiellement tenable. M. Macron a voulu l’éclatement d’une droite républicaine nettement plus faible, au scrutin européen du 9 juin, que le total extrême-droite du RN et de Reconquête avec qui de nombreuses idées régaliennes sont partagées. Il l’a obtenu avec le psychodrame du parti Les Républicains (LR) et de celui qui en est, à l’heure où ces lignes sont écrites, toujours officiellement le président, Éric Ciotti qui a franchi le Rubicon.

Si l’initiative de M. Ciotti n’a pas emporté d’autres figures majeures de la famille historiquement gaulliste, et a tourné au ridicule et à l’inélégance les plus complets, elle instille le doute dans l’électorat de droite et peut renforcer le RN, qui s’enorgueillit par ailleurs du ralliement de Marion Maréchal et autres cadres du parti Reconquête d’Éric Zemmour.

Macron a sous-estimé la gauche

Par contre, la partie la plus importante du pari d’Emmanuel Macron était, sur les conseils de M. Roger-Petit, la division de la gauche et le ralliement des sociaux-démocrates à la bannière de la « Majorité présidentielle ».

Cela a lamentablement échoué, en atteste l’accord signé hier soir jeudi 13 juin par de nombreuses organisations politiques, au premier rang desquelles la France insoumise (LFI), le Parti socialiste (PS), le Parti communiste français (PCF), les Écologistes (nouveau nom d’EELV), et le Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA) mais également Génération-s (parti lancé par Benoît Hamon), L’Engagement (structure lancée par Arnaud Montebourg) et le MRC (historiquement proche de Jean-Pierre Chevènement).

Persuadé d’être brillant mais dénué de la moindre culture politique, le chef de l’État a sous-estimé la réaction naturelle de la gauche qui est de s’unir, en mettant momentanément de côté les différences importantes sur les discours et les programmes de ses composantes, pour résister à la submersion fasciste.

Toute son histoire, de 1848 à 2024 en passant par 1934, la gauche a su être à la hauteur des enjeux dans les moments les plus critiques, où l’on voit poindre l’arrivée au pouvoir de la droite la plus nationaliste, réactionnaire et anti-populaire qui soit. Ce n’est pas, comme le prétendent les militants d’extrême-droite, pour un « plat de lentilles » ou pour « sauver leurs sièges » que les dirigeants de gauche s’allient, mais pour éviter au peuple français l’expérience du pire dont les partis progressistes et républicains restent marqués.

L’ignorance grave de ce qu’il reste de la Macronie

L’union de la gauche par la signature d’un accord de gouvernement et d’une répartition des circonscriptions sous la bannière du nouveau Front populaire n’est pas le seul échec de M. Macron.

Le Président de la République a une inconscience totale du rejet, si ce n’est de la haine viscérale, que la grande majorité des Français éprouvent à son égard. C’est le symptôme d’un manque flagrant d’intelligence humaine, dont la valeur repose surtout sur l’aptitude à comprendre la situation sociale et à faire preuve d’empathie pour des personnes qui, par définition, ont des parcours et des regards différents du nôtre.

Il a cru pouvoir se placer en seule force capable de vaincre l’extrême-droite ; voyant la gauche s’unir, M. Macron a alors prétendu, lors de sa conférence de presse mercredi 12 juin, tenue pendant près de deux heures devant un parterre de journalistes, rester le seul pôle de stabilité, de raison et de modération face aux « deux extrêmes ». Il n’a d’ailleurs pas hésité à diffamer la gauche en l’accusant d’antisémitisme, sans le moindre fondement ni judiciaire, ni factuel mais avec le concours des médias aux ordres.

Incarner ce pôle de stabilité et de modération, Emmanuel Macron, ses plus proches lieutenants et celles et ceux qui courent à nouveau sous les couleurs de la prétendue « Majorité présidentielle » pour le scrutin du 30 juin en sont sérieusement convaincus.

Ils ignorent alors deux choses : ils n’incarnent ni l’un, ni l’autre et la conclusion est sans appel.

Politique fiscale extrême

La première, et peut-être la plus grave, de leurs ignorances concerne les blessures infligées aux Français par leur propre politique. L’action gouvernementale, depuis sept ans, n’a absolument rien de modéré. Ultra-libérale sur le plan économique, elle consiste à réduire aveuglément la dépense publique après avoir baissé radicalement les recettes publiques par la multiplication des cadeaux fiscaux aux (très) grandes fortunes et aux principales entreprises financières et industrielles.

En réduisant drastiquement les moyens des services publics dépendant de l’État ou des collectivités, et en asséchant financièrement la Sécurité sociale par les exonérations massives de cotisations sociales et patronales, les gouvernements macronistes n’ont pas seulement laissé exploser les inégalités économiques entre Français : ils ont opéré un affaiblissement systématique de la puissance publique et de ses institutions, qui suscitent plus que jamais un rejet fort chez la population.

Les impôts sont maintenus (TVA) voire augmentés (taxes sur l’essence, les cigarettes…) pour ce qui concerne la consommation populaire, tandis que les ultra-riches profitent de l’évasion fiscale – que l’exécutif, autour d’Emmanuel Macron et de Bruno Le Maire, ne considère même plus comme illégale mais comme un simple mécanisme d’optimisation légitime. Cette politique de réduction systématique des recettes et des dépenses a naturellement conduit au déséquilibre budgétaire et à la détérioration de la note de la solvabilité de la France par l’agence Standard & Poor’s le mois dernier.

Politique d’emploi extrême

Cette politique économique profondément inégalitaire permet aux derniers des macronistes, comme Gabriel Attal, de se vanter d’avoir amélioré la compétitivité et l’attractivité de la France vis-à-vis des grandes fortunes et des entreprises multinationales et d’avoir fait baisser le chômage « comme jamais » avec « deux millions d’emplois » créés en cinq ans.

Concentrons-nous sur ce dernier point : la prétendue baisse du chômage et l’augmentation des emplois. Il restait, en avril 2024 selon les derniers chiffres rendus publics par l’administration française le 28 mai dernier, 5.368.000 demandeurs d’emploi inscrits à France Travail dans les catégories A, B, C ; exclusion faite des autres catégories de chômeurs et de Mayotte, territoire français où le chômage est tellement élevé qu’il n’est pas présent dans les statistiques nationales officielles.

Les conseillers France Travail sont les premiers à admettre que dans les quartiers où se concentrent les plus importantes poches de privés d’emploi légal, avec des taux de chômage dépassant allégrement les deux chiffres, jamais les offres d’emploi n’ont été si peu nombreuses qu’aujourd’hui. Les faits contredisent intégralement la propagande patronale, qui ne cesse de relayer les lamentations des employeurs incapables d’employer.

Politique sociale extrême

Si le nombre de personnes en emploi a certainement augmenté depuis cinq ans, il semble évident au vu de la morosité économique de la France, comptablement mesurée par le produit intérieur brut (PIB), que les objectifs poursuivis – et atteints, à les croire – par les dirigeants de la Macronie ne sont certainement pas les bons.

Non seulement le PIB stagne lamentablement et les recettes fiscales ou les cotisations ne rentrent plus malgré un mouvement massif de retour (ou de maintien) à l’emploi, mais surtout l’épanouissement professionnel des travailleuses et des travailleurs est au point mort. La « start-up nation » vendue par M. Macron profite, sans surprise, aux enfants de la bourgeoisie tandis que les conditions de travail se dégradent pour l’écrasante majorité des forces vives du pays, sans oublier la précarisation des salariés et auto-entrepreneurs du fait de revenus du travail qui n’augmentent pas malgré une inflation monumentale.

Personne, se trouvant au contact du terrain et des préoccupations populaires, ne peut sérieusement considérer que la situation économique et sociale s’est améliorée depuis cinq ans. Pour les ministres et députés-candidats, derniers soutiens d’Emmanuel Macron, les chiffres sur leurs tableurs sont peut-être encourageants, mais pour les classes populaires, les classes exploitées et opprimées de France, la situation est désespérante.

Cela est sans compter la concurrence, pour les employés et les jeunes volontaires en service civique, que représenteront demain – au plus tard à partir du 1er janvier 2025, dans tous les départements – les bataillons de bénéficiaires du Revenu de solidarité active (RSA) obligés d’exercer « au moins quinze heures d’activités hebdomadaires » en échange de… rien d’autre que le RSA qu’ils ont déjà, et qui plafonne à 635,71 euros par personne, presque deux fois en-dessous du seuil de pauvreté monétaire.

Politique de retraites extrême

Et ce n’est pas la condamnation à travailler deux ans de plus avant de faire valoir son droit à la retraite, imposée de force contre l’avis des Français, des organisations syndicales représentatives des salariés et des parlementaires, au printemps 2023, qui améliore la situation et la projection dans l’avenir vécues par les salariés et petits entrepreneurs, ni même qui assainit la situation financière de notre modèle social, pour reprendre les termes employés par les défenseurs de cette réforme brutale.

En effet, le Conseil d’orientation des retraites (COR), qui publie régulièrement un audit financier des déficits et des projections pour le système de solidarité nationale entre actifs et anciens, vient de publier en juin 2024 un nouveau rapport alarmant pour l’équilibre budgétaire de notre système de retraites par répartition. Notons, d’ailleurs, que la direction du COR a été récemment remaniée par… le gouvernement macroniste.

L’extrême souscrit à cette politique économique

La réforme violente de MM. Macron, Dussopt et Attal n’a rien réglé sur le plan budgétaire, ces mêmes messieurs ont donc menti ; quant à ceux qui, hier encore, se faisaient fort de prendre la défense des classes laborieuses en soutenant le mouvement de protestation contre la retraite à 64 ans, et en promettant l’abrogation de cette loi injuste, leur opportunisme vient d’apparaître au grand jour.

En guise de cadeau d’accueil de M. Ciotti et de Mme Maréchal, ou d’annonce visant à rassurer les marchés financiers et la grande bourgeoisie qui les tient, Jordan Bardella, chef de file du RN et aspirant-Premier ministre vient de confirmer, ces dernières heures, qu’il maintiendrait l’âge légal minimum de départ à la retraite à 64 ans. Ce faisant, il se dédit par rapport à l’ensemble des promesses tenues devant les électeurs encore jusqu’aux élections européennes du 9 juin, et il montre son vrai visage : celui d’un fervent défenseur de l’ordre établi capitaliste, au programme économique plus proche de celui de M. Le Maire que d’aucun autre.

Politique sécuritaire extrême

Sur le régalien, autrement dit ce qui relève du système nerveux de l’État – sécurité intérieure, défense, justice – là non plus, la Macronie peut difficilement se faire passer pour un quelconque gage de modération.

La loi Sécurité globale faisant immédiatement suite aux confinements de la crise Covid, l’application de l’intelligence artificielle aux images de vidéosurveillance pour les Jeux Olympiques de Paris 2024, l’encadrement des jeunes par l’armée dans le cadre du Service national universel (SNU), la loi Immigration de Gérald Darmanin dont l’adoption, à la fin de l’année civile 2023, a permis à Marine Le Pen et M. Bardella de revendiquer une « victoire idéologique », sont autant d’exemples de la proximité programmatique entre la très relative Majorité présidentielle de Renaissance (ex-LREM), du Modem, d’Horizons (le parti d’Édouard Philippe et de notre cher Christophe Béchu) et l’opposition factice du Rassemblement National.

Politique militaire extrême

Les députés RN, obnubilés par la respectabilité qu’ils devaient démontrer pour faire oublier les parcours, à la fois historique de ce parti d’extrême-droite directement engendré par les derniers militants de l’Algérie française proches de l’OAS (organisation armée secrète, mouvement terroriste ayant attenté à la vie du Général De Gaulle), à la fois personnels de chacun de ses dirigeants, ont souvent voté comme un seul homme en faveur des mesures et réformes macronistes.

Les lois de programmation budgétaire de l’Intérieur et de la Justice, présentées par le gouvernement d’Emmanuel Macron dans un contexte d’austérité, ont été votées par le RN dans l’hémicycle parlementaire. La loi de programmation militaire, prévoyant une augmentation jamais vue depuis soixante ans pour le budget des Armées, qui atteint 413,3 milliards d’euros sur les sept prochaines années, a été votée par le RN dans l’hémicycle parlementaire.

Annonces extrêmes

Conscient qu’il ne peut plus convaincre sur sa gauche après s’être autant compromis avec l’extrême-droite, Emmanuel Macron n’a annoncé, mercredi 12 juin en guise de lancement de campagne législative et de présentation d’un « nouveau » programme de gouvernement, que des mesures se rapprochant toujours un peu plus des revendications de la droite extrême.

SNU obligatoire pour tous les jeunes de 16 ans, justice plus dure et plus expéditive pour les mineurs, réduction de l’immigration illégale, mise en place à l’école de contrats avec les parents d’élèves, maintien de la réforme au 1er juillet de l’assurance chômage visant à réduire encore plus les maigres droits des personnes privées d’emploi, sont autant de signaux envoyés à l’électorat de droite.

Le reste des annonces relève de l’anecdotique, comme l’interdiction du téléphone portable aux moins de 11 ans et l’interdiction des réseaux sociaux aux moins de 15 ans, mesures dont on pourrait démontrer le caractère inapplicable et risible si l’on n’avait que ça à faire.

La bordélisation par la Macronie

La deuxième chose ignorée par les derniers des Mohicans macronistes, nous y venons enfin, est que l’actuel chef de l’État, ainsi que les quelques partis et personnalités qui le soutiennent encore, ne peuvent plus prétendre à incarner la moindre stabilité dans notre pays.

Élu en 2017 sur la promesse de faire reculer le Front National, réélu en 2022 sur la promesse de réconcilier les Français, Emmanuel Macron n’aura fait que bordéliser le pays et amener au chaos, renforçant d’autant plus les forces ennemies de la République et divisant toujours davantage notre peuple, au point de creuser un fossé devenu béant entre lui et les concitoyens qui ont accepté de lui confier les rênes de la France.

Le conflictualisation de la vie politique et la « bordélisation » est mise, par le chef de l’État, sur le dos des oppositions parlementaires, particulièrement de gauche, qui n’ont pas su « travailler avec » le gouvernement en place. La division et l’équilibre des rapports de forces à l’Assemblée nationale donnaient une chambre basse du Parlement français divisée en trois blocs : la gauche initialement NUPES, le RN ayant fait son entrée fracassante avec des dizaines de députés en juin 2022 et le pseudo-centre macroniste qui n’a eu de cesse de faire les yeux doux à l’extrême-droite.

Programmes communs

Nous l’avons vu, c’est le RN qui a permis l’adoption des grands textes budgétaires régaliens de la Macronie tandis que M. Bardella vient de contredire toutes les promesses économiques qui différenciaient son parti d’un Bercy dirigé par Bruno Le Maire.

Profitons-en pour ajouter que l’actuel ministre de l’Économie, depuis sept ans et pour encore quelques jours, et le Rassemblement National, sont d’accord sur le moyen d’augmenter le pouvoir d’achat des Français : en baissant le salaire brut, donc en supprimant massivement des cotisations garantissant la solidarité nationale par la Sécurité sociale, pour éventuellement permettre au patronat, selon ses humeurs, d’augmenter le salaire net de ses employés.

Quelques euros versés en plus sur le compte en banque et beaucoup d’euros à payer en plus chaque mois à des assurances privées venant remplacer ce que faisait la Sécu, telle est leur proposition commune formulée aux travailleurs (et surtout aux employeurs) de France.

Une seule vraie opposition

Par contre, toutes les mesures qui rassemblent la gauche parlementaire autour de marqueurs forts d’opposition à la politique gouvernementale, comme le rétablissement de l’Impôt de solidarité sur la fortune (ISF), l’augmentation du SMIC et l’indexation des salaires sur l’inflation, ont été balayées grâce à l’alliance des macronistes et des nationalistes, Renaissance et RN votant main dans la main contre ces propositions de loi et d’amendements.

Les (très) rares fois où les groupes de gauche à l’Assemblée nationale, ou au Sénat, ont voté pour des propositions émanant de la Macronie, il s’avère que ces propositions avaient initialement été présentées… par des parlementaires de gauche. C’est notamment le cas de l’inscription, dans la Constitution, du droit à l’interruption volontaire de grossesse (IVG).

Ce bilan de la vie parlementaire des deux dernières années établi, nous en arrivons à notre conclusion pour le moins réfléchie. Si, aux législatives de 2022, l’Assemblée nationale était divisée en trois blocs, aucun n’ayant de majorité absolue, la donne sera radicalement différente en 2024.

L’effondrement du bloc central

Il y a deux ans, les députés macronistes se sont fait élire sur la promesse de combattre les idées d’extrême-droite et de l’empêcher d’accéder au pouvoir. Chacun peut mesurer le décalage gigantesque entre cette promesse et la réalité dans laquelle nous nous retrouvons.

Plus personne ne croit les soutiens du Président de la République capables d’empêcher une majorité d’extrême-droite de s’imposer aux législatives et de contrecarrer la mise en place d’un gouvernement radicalement nationaliste et autoritaire.

Le bloc central ayant failli sur l’unique promesse claire qui avait poussé ses électeurs à glisser un bulletin dans l’urne en sa faveur, il va naturellement s’effondrer, et lourdement.

A l’issue des législatives des 30 juin et 7 juillet 2024, il y aura deux blocs largement dominants : le nouveau Front populaire et le Rassemblement National. Quant à savoir lequel des deux aura la majorité et pourra imposer son gouvernement, ses ministres et son programme, nous ne pouvons pas le prédire mais ce sera l’un ou l’autre.

En dissolvant l’Assemblée nationale le 9 juin et en perdant définitivement, le 13 juin, son pari d’avoir une gauche divisée, Emmanuel Macron vient tout simplement de signer son arrêt de mort politique.

Front populaire ou extrême-droite

Le clivage centre / extrême-droite, dont nous avons vu combien il était factice tant les différences sur le régalien et l’économique étaient infimes dans les idéologies de ces mouvements respectifs, vient de laisser place à l’opposition naturelle et historique entre la gauche rassemblée, non seulement politiquement, mais également syndicalement et dans le tissu associatif qui fait tenir la solidarité populaire, et la droite nationaliste qui entend détruire ce qu’il reste justement de cette solidarité populaire, ainsi que des gardes-fous républicains garantissant, entre autres, l’État de droit par une justice indépendante et l’organisation d’élections relativement sincères.

Sans encore s’en rendre compte tout à fait, et quoi que disent les sondages d’ici au 30 juin, M. Macron et ses derniers soutiens sont tout simplement hors-jeu pour prétendre encore diriger la France, en 2027 comme dès 2024.

Les Français sont donc confrontés au choix de société le plus clivant et par conséquent, le plus important qu’ils n’aient jamais eu l’occasion de trancher depuis la Seconde Guerre mondiale. Nous ne pouvons qu’inviter chacune et chacun à s’informer autant que faire se peut afin de voter dans les conditions les plus éclairées possibles, alors que nous sommes, plus que jamais, à la croisée des chemins.

Quant à Emmanuel Macron, il restera comme celui qui aura cohabité avec le RN ou avec le Front populaire. Une fois qu’il aura pris conscience de la nullité des chances de victoire de son camp pour ces législatives anticipées, il fera alors tout pour privilégier l’extrême-droite à la gauche ; après tout, pour les corrupteurs milliardaires du chef de l’État, il vaut mieux des classes exploitées déchirées et réprimées plutôt qu’unies vers des victoires populaires.

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