Belle-Beillingrad

C’est assez fou à croire dans une ville aussi bourgeoise qu’Angers mais son université publique est pauvre. Tellement qu’elle risque la cessation de paiement.

S’il y a, pourtant, un endroit qui favorise la réussite de ses étudiants, c’est bien l’Université d’Angers (UA). Un bachelier sur deux y obtient sa licence.

Le problème ne date pas d’hier. Par contre, il met en lumière une situation devenue trop grave pour être tûe: l’austérité budgétaire, imposée depuis au moins un quart de siècle dans l’Enseignement Supérieur et la Recherche (ESR), a saboté de manière durable le potentiel scientifique du pays.

N’en déplaise aux députés socialistes, qui n’ont — dans leur écrasante majorité — pas voté la censure du gouvernement, malgré une avalanche de 49-3. Malgré, surtout, les déclarations d’intention socialistes, qui ont assuré qu’ils censurent tout gouvernement utilisant cet arsenal législatif.

Ce n’est, pourtant, pas le budget prévu par François Bayrou pour 2025 qui va améliorer la situation des universités, de leurs enseignants, chercheurs et étudiants. Loin s’en faut.

Guillaume Gellé, président de France Universités (anciennement connue sous le nom de Conférence des Présidents d’Université, NDR), qui n’est pas un organisme adhérent au programme du Nouveau Front Populaire, tire lui-même la sonnette d’alarme.

Au grand dam de l’auteur de cet article, quand on parle de mobilisation étudiante, la lumière vient souvent de Bretagne. Particulièrement de l’université de Rennes II, première à appeler, depuis le 23 janvier, à la mobilisation nationale.

Après Lille, Paris, Nantes, Brest ou encore Bordeaux, Angers rejoint la liste des universités mobilisées, fidèle à son histoire récente et passée.

Pour l’anecdote: tandis que les petits bourgeois sorbonnards barricadaient, en mai 1968, le Quartier Latin, les étudiants et lycéens angevins se mobilisaient pour une université publique, marquant ainsi le début d’une conscience syndicale étudiante forte.

Sortir la mobilisation des amphi

Si elle reste encore dans l’ombre de ses voisines bretonnes (Nantes, Rennes II), Angers, via son Assemblée Générale (AG), faite au campus de Lettres, Langues et Sciences Humaines (LLSH), situé dans le quartier ouvrier de Belle-Beille (nord-ouest de la ville) a réussi à rassembler près de 250 étudiantes et étudiants, curieux des suites de la mobilisation.

Belle-Beille, c’est, justement, l’épicentre de la mobilisation de Mai 68, par l’intermédiaire des ouvrières et ouvriers de Bull, fantôme d’un passé révolu.

Dans le sillon de l’Assemblée (ou Union, selon des considérations dorénavant oubliées) Générale d’Angers de l’Union Nationale des Étudiants de France (UGEAC-UNEF ou UNEF Angers), la problématique de l’AG est double: comment massifier chez les étudiants et comment alerter la population en général ?

A part les jaunes de la Fédération Étudiantes des Associations Angevines (Fé2A), toutes les organisations étudiantes, syndicales comme politiques s’accordent sur l’urgence de la situation.

Effectivement, étaient présentes l’UNEF et la Fé2A, donc. Mais aussi, l’Union Étudiante (UE), le Nouveau Parti Anticapitaliste-Révolutionnaires (NPA-R) et la structure Belle-Beille En Lutte, dont nous vous invitons à suivre le contenu.

Nous avons, d’ailleurs, remarqué que le représentant de la Fé2A parle de “pragmatisme” pour revenir “à la table des négociations”. Quelle ironie ! Entendre quelqu’un de si jeune et éloquent parler comme un manager de la politique de 85 ans…

Une situation devenue trop grave pour être cachée

La situation de l’université est tellement critique, que sa conséquence concrète, c’est l’impossibilité pour l’administration, nouvellement élue, de recruter des nouveaux professeurs.

Ceci implique, d’un côté la multiplication des heures supplémentaires pour les professeurs déjà en place, de l’autre, le recrutement d’un personnel précaire et hautement malléable, sur des bases non prévues par le statut du fonctionnaire.

Pour celles et ceux qui ne connaissent pas le folklore étudiant, l’AG est toujours un moment hors du temps, où l’on vote sur les conditions de vote, où l’on s’écharpe sur si oui ou non, il faut appeler à la révolution estudiante bref, où l’on montre toute l’étendue de sa connaissance de la doxa militante.

Hors l’intervention lunaire du camarade de la Fé2A, il y a pourtant un consensus global que le temps de la négociation est passé.

Personne ici ne veut, d’ailleurs, blâmer l’inaction de la présidence de l’UA mais regrette plutôt son incapacité à faire entendre sa voix. Ce n’est pas de sa faute, c’est celle de politiciens plus soucieux de l’inquiétude des marchés financiers que des citoyens.

Ce n’est pas un hasard. La situation s’est enkystée. L’endettement de l’université est devenu structurel, aggravant toujours plus les conditions de travail du personnel et d’études des usagers.

Un manque de réflexes militants

Tout n’est pas parfait non plus, loin s’en faut. Celles et ceux qui sont intervenus à l’AG restent des militants aguerris à l’art oratoire, laissant malheureusement peu de places à leurs camarades de promotion qui, par manque de légitimité, n’ont pas eu, selon moi, le temps de parole suffisant pour exprimer leurs inquiétudes.

Nous espérons que ce n’est que partie remise, surtout si les étudiantes et étudiants en lutte réussissent à faire sortir leur revendication des murs délabrés d’LLSH.

Au lecteur empreint de paternalisme, qu’il ne se trompe pas ! Les cadres de la mobilisation sont des camarades expérimentés et très largement compétents pour la mener. Cela fait déjà plusieurs années que cette génération alerte sur l’état catastrophique de l’UA.

Ce qui change (et ceci n’est pas pour nous déplaire), c’est la tendresse dont font preuve les militants entre eux.

Par le passé, on a pu voir des luttes étudiantes tuées dans l’œuf par la division. Les camarades étant, parfois, plus violents entre eux qu’avec leur adversaire de classe.

Ce sera, d’ailleurs, ce point, qui conclura notre démonstration. Les étudiants sont l’avenir de notre nation, c’est évident. Ils sont aussi la main-d’œuvre d’aujourd’hui, essentielle mais jamais reconnue. La population active se doit, pour le moins, de faire preuve de solidarité. Il en va de la santé de tous les services publics, pas uniquement celui de l’ESR.

Au mieux, il est dans son intérêt de rejoindre les étudiantes et étudiants en lutte. Le temps de la négociation est bel et bien passé, il est l’heure d’exprimer nos revendications par le rapport de force.

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