L’obsolescence programmée du Président Macron

En politique, Emmanuel Macron se classe dans la catégorie des étoiles filantes : une irruption pratiquement instantanée dans le jeu politicien, atteignant très tôt son zénith, qu’il peut quitter aussi soudainement. Son jeune âge et les promesses d’enrichissement personnel lui permettront de se reclasser sans encombre une fois prise sa retraite politique.

L’arme de la publicité

Inconnu jusqu’alors, Macron a été nommé ministre de l’Économie en août 2014 par le Président François Hollande et le Premier ministre Manuel Valls, ces deux têtes de l’exécutif concentrant tellement le feu des critiques et la colère populaire qu’aucune n’a pu finalement se soumettre aux suffrages des Français en 2017.

Cette impopularité si forte pour le gouvernement Hollande-Valls laissait difficilement présager qu’un de ses membres puisse se faire élire à l’Élysée. C’était sans compter les formidables capacités de la grande bourgeoisie, cette classe des ultra-riches, de nous vendre un homme politique comme un produit de consommation courante, grâce à son arme la plus puissante : la publicité.

Macron nous a été vendu comme le dernier iPhone accompagné d’un certain lifestyle, d’un certain état d’esprit pseudo-moderne et cool, et les citoyens français se sont laissés berner ; mais l’actuel Président de la République a désormais des comptes à rendre à ceux qui l’ont placardé en unes de leurs journaux des mois durant, vantant son jeune âge, son couple atypique, sa fraîcheur.

Liquider l’État social

Ainsi Macron est en service commandé pour le compte de ses commanditaires, comme un corrompu sert les intérêts de ses corrupteurs. Et sa mission est claire : démanteler complètement ce qu’il restait, ce qu’il reste de l’État social en France. En deux mots, détruire les conquis sociaux, comme l’artisan de la Sécurité sociale Ambroise Croizat nous invitait à nommer les acquis des travailleurs.

Pour comprendre l’enjeu de la mission du Président Macron, il nous faut revenir à la genèse de l’Etat social français.

Après-Guerre, ce sont moins les augmentations de salaires que le développement des services publics qui ont transformé la vie des travailleurs. Plutôt que de payer une assurance privée pour faire face, par exemple, à la maladie qui écarte momentanément du travail, c’est la société toute entière qui prend en charge ce risque, socialisé parmi d’autres par la Sécu. Les PTT, les principales banques, la SNCF, Renault, EDF-GDF sont autant d’entreprises nationalisées et transformées en services publics, financés par la cotisation de tous pour répondre aux besoins sociaux de chacun… en tendant à la gratuité d’accès.

Ces services de qualité proposés à bas coûts aux usagers ont préservé des marchés entiers de la prédation capitaliste. Ils ont remplacé les factures bien plus lourdes des opérateurs privés car ponctionnées par le capital sous forme de plus-value. C’est grâce à l’accès effectif à ces services que les travailleurs, en bonne santé et avec des risques réduits, donc avec une crainte diminuée par la mère de toutes les sécurités – avoir un toit au-dessus de sa tête et à manger dans la gamelle – ces générations de travailleurs donc ont permis un essor inédit de la valeur ajoutée en France, durant les Trente Glorieuses qui ont pris fin sous feu Giscard d’Estaing, un septennat théâtre d’offensives multiples du grand patronat contre les travailleurs avec les premières délocalisations massives.

La mission inavouée d’Emmanuel Macron est de liquider jusqu’au dernier les services publics et les branches de la Sécurité sociale. Bien sûr cela lui permet de baisser sur un salaire l’ensemble des cotisations, y compris patronales, d’une centaine d’euros pour augmenter le salaire net de quelques dizaines d’euros. Voilà une vaste supercherie : le salaire total, immédiat et socialisé, diminue, tandis que sur le net sont désormais ponctionnées les factures des opérateurs privés ayant remplacé, dans les télécoms ou l’énergie notamment, le service public. Ainsi la proportion des dépenses contraintes, incompressibles augmente sur un salaire en stagnation, laissant toujours moins de pouvoir d’achat, de marge de manœuvre à la majorité des travailleurs de France.

Des mannes et des garanties financières

Parce que derrière ce démantèlement des services publics se trouvent de véritables mannes financières, matières à spéculation pour les monopoles capitalistes, qui n’en attendent pas moins de celui qu’ils ont placé à l’Élysée, ce dernier ira jusqu’au bout de son service commandé quitte à sombrer définitivement, avec son Premier ministre l’antipathique Jean Castex, dans les enquêtes d’opinion.

Macron sait qu’il peut laisser la place à la droite, menée par un Xavier Bertrand, une Valérie Pécresse ou un Édouard Philippe, et être particulièrement bien considéré par la classe capitaliste. Il garderait même cette considération s’il devient le Président qui aura pavé la voie du pouvoir politique à l’extrême-droite faussement populaire et authentiquement réactionnaire, Le Pen, Maréchal ou Villiers. Si l’un de ces nationalistes était amené à prendre le pouvoir, cela n’effrayerait pas le moins du monde les ultra-riches vivant, transitant ou profitant de notre pays, au contraire : les forces réactionnaires, nostalgiques d’un passé révolu davantage fantasmé que réel, vont ménager les grands bourgeois tout en augmentant la pression sur les plus exploités, notamment les travailleurs immigrés, servant de bouc émissaire dont le sacrifice résoudrait, nous font croire les nationalistes bourgeois, les problèmes rencontrés par les travailleurs français.

Ainsi Emmanuel Macron, élu sur la promesse d’un “nouveau monde”, d’un vent de fraîcheur porteur de changements dans la vie des gens, pourrait laisser la place à ce qu’il y a – du point de vue des intérêts populaires – de pire, tout comme Outre-Atlantique le principal bilan politique de Barack Obama aura été de faire élire Donald Trump.

Le produit d’une époque

Plus que tout, monsieur Macron sait qu’il pourra être recasé, en cas d’échec à la présidentielle ou de non-candidature à sa réélection, et ce à moins de 45 ans, comme conférencier, influenceur majeur, administrateur d’une grande entreprise, pour finalement (ré)intégrer le monde des hommes d’affaires qui en ont aujourd’hui fait leur champion. A peine à la moitié d’une carrière, qui se poursuit chez la classe dominante à un âge bien plus avancé qu’une carrière d’ouvrier ou d’employé, la différence d’espérance de vie aidant, Macron sera arrosé d’argent par le capital, quelle que soit la suite de la vie politique française, proportionnellement à la quantité d’argent dont il aura arrosé le capital durant son séjour à l’Élysée.

Finalement, Emmanuel Macron est le produit d’une époque et sa fraîcheur apparaît déjà gâtée par la multitude d’affaires judiciaires poursuivant, telles des casseroles accrochées, ses ministres et collaborateurs. L’homme et son mouvement politique La République En Marche, qui auront cumulé les scandales politiques, financiers et sanitaires, paraîtront bientôt aussi datés que Giscard aujourd’hui. Une modernité dont l’obsolescence, la péremption, la dépréciation surviendront aussi certainement qu’après la nuit le soleil se lève et aussi rapidement qu’une météorite traverse le ciel.

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