Comment la pression des banques pourrait détruire des centaines de milliers de TPE
C’est une bataille de premier plan dans la guerre financière qui va se jouer dans les prochaines semaines.
Les grandes banques privées feraient pression pour récupérer les dizaines de milliards d’euros de prêts garantis par l’État (PGE) accordés aux entreprises de toutes tailles et activités depuis le début de la crise sanitaire, et ce malgré la possibilité de n’entamer le remboursement des crédits qu’au mois de mars 2022.
Près de 700.000 entreprises concernées
Les premiers PGE ont été accordés le 25 mars 2020, une dizaine de jours après la mise en place du premier confinement interdisant strictement l’ouverture des commerces dits non-essentiels.
Depuis cette date, ce sont 134 milliards d’euros qui ont été empruntés par 659.000 entreprises dont 90% de très petites entreprises (TPE), soit des structures de moins de dix employés, selon les chiffres relevés par la Tribune issus du rapport publié début mars 2021 par France Stratégie et l’Inspection générale des finances.
Il est toujours possible, jusqu’en juin 2021, pour toute entreprise de contracter un prêt garanti par l’État ; le nombre d’entreprises ayant recours à l’emprunt et le montant global de ce dernier pourraient donc s’élever dans les prochains mois.
Absence délibérée d’information
Le patron de l’Union des entreprises de proximité (U2P), cité aujourd’hui par BFM Business, « s’inquiète » du manque de visibilité des entreprises et notamment d’un « manque de communication » de la part des agences bancaires, dont certaines « se priveraient de dire [à leurs clients] qu’ils peuvent commencer à rembourser leur prêt dans un an s’ils le souhaitent« .
Il s’agit ici d’une absence volontaire d’information des banques auprès de leurs clients professionnels, parmi lesquels certains ne s’y retrouvent plus dans les déclarations contradictoires de l’exécutif macroniste.
En effet, ce n’est qu’en janvier dernier que le gouvernement français a autorisé les entreprises concernées par les PGE à débuter le remboursement du crédit bancaire en mars 2022, soit un an après la date initialement prévue, et toujours pour une durée maximale de cinq ans de traites.
L’étau des banques se resserre
Selon « une autre source patronale » toujours citée par BFM Business, des conseillers bancaires « mettent même la pression pour demander à leurs clients d’accélérer les remboursements, faute de quoi ils menacent de supprimer certaines lignes de crédits« .
Le droit de vie ou de mort des banques sur les entreprises, tel qu’analysé par l’économiste et ancien directeur adjoint de la Banque de France Denis Durand, par ailleurs intervenant dans notre premier documentaire Un Pognon de Dingue, s’annonce plus puissant que jamais en plein cœur de la tempête sanitaire.
Sauvées en 2008, les banques crachent dans la soupe
Grands bénéficiaires du plan public de sauvetage du système bancaire en 2008, suite au krach financier provoqué par la crise des subprimes et la chute de Lehman Brothers, les géants de la bancassurance se frottent les mains et voient dans la crise du coronavirus une occasion en or pour s’accaparer le beurre et l’argent du beurre.
En se défaussant de toutes responsabilités dans le tsunami économique lié à la pandémie mondiale, s’abattant particulièrement sur la France, les grandes banques affirment leurs pouvoirs alors même que c’est la ponction de l’État sur l’économie réelle – notamment avec la hausse de la TVA à 20% – qui leur a permis, il y a moins de quinze ans, de se remettre sur pieds.
Un rapport de forces défavorable… sans solidarité populaire
Dans toute relation entre un client et un fournisseur, il est question de rapport de forces. Cela se constate sur le marché du travail, entre demandeurs et décideurs des offres d’emplois, tout comme sur celui de l’argent entre le grand nombre de clients qui ont objectivement besoin de trésorerie pour ne pas s’écrouler et les quelques-uns qui détiennent les leviers du financement.
Si les banques privées se permettent une telle pression sur l’économie réelle, loin de tout esprit de solidarité et d’entraide fabriqué de toutes pièces pour leurs spots publicitaires, c’est parce qu’elles en ont les moyens. Elles n’ont eu à subir que très légèrement l’épreuve infernale de la crise du coronavirus, se défaussant de l’immense majorité des indemnités sous leur casquette d’assureurs, et n’accordant que des emprunts garantis par l’État où elles devraient forcément être gagnantes au final : soit l’entreprise se relève et rembourse, soit elle s’effondre et l’argent public payera.
Sans surprise, Macron allié des banques
Travailleurs et responsables de petites structures de production doivent donc, pour changer la donne, faire bloc face à l’assaut de l’industrie bancaire, placer cette dernière face à ses responsabilités et ôter ainsi l’épée de Damoclès au-dessus de leurs têtes. Et cela particulièrement parce que le gouvernement français ne penche pas en leur faveur.
Avec de timides encouragements à l’adresse des banques, le gouvernement macroniste dissimule mal son positionnement en faveur de la finance, contre l’activité socialement utile et l’emploi. Derrière les banques et les marchés financiers, des hommes à la tête de monstrueux capitaux sont en ligne directe avec l’Élysée pour s’assurer que l’exécutif politique exécute leurs ordres. Le président Macron leur doit beaucoup, les médias détenus par les milliardaires ayant activement appuyé sa campagne en 2017 et promouvant aujourd’hui un mortifère duel et vrai duo avec Madame Le Pen.
Les banques exercent une rétention d’informations et une pression sur les petites entreprises en toute impunité, alors même que l’État est engagé avec l’argent public dans le dossier des PGE. Pour respirer à nouveau, il faudra du temps – afin de garantir à toutes les petites entreprises de ne pas avoir à rembourser dès aujourd’hui indûment les emprunts – et du pragmatisme, quitte à annuler une partie de la dette Covid rendue caduque par son ampleur et ses circonstances exceptionnelles.