Poutine ou la conséquence du mal
Si on devait résumer la préoccupation de l’agenda médiatique français à propos du conflit russo-ukrainien, cela tiendrait en une question : Est-ce que Vladimir Poutine est un homme d’État inconscient ?
Pragmatisme poutinien
Avant d’émettre un quelconque jugement, il faut tout de même admettre que les images qui nous parviennent sont de nature à glacer le sang. Il est donc humain de se demander si le président russe est fou.
Le problème, c’est que Vladimir Poutine, malgré sa réputation méritée d’autocrate, apparaît sur la scène internationale comme un homme d’État pragmatique. Gardons en mémoire que M. Poutine n’est quand même pas le dernier des impérialistes.
S’il est capable d’intervenir au Moyen-Orient et apparaît comme un partenaire fiable, l’armée russe est déjà intervenue à l’intérieur de ses propres frontières (Tchétchénie) ou contre un voisin (Géorgie).
Les accords de Minsk ont été trahis
Ainsi, la “Russie de Poutine” comme on l’appelle, n’en est pas à son coup d’essai et comme elle est déjà intervenue sur tous les terrains il n’y aurait, à priori, aucune raison qu’elle soit incapable de le faire sur le sol européen.
Tout ce qui se passe n’est finalement qu’une suite logique d’événements, qui mettent à mal la thèse de la folie de M. Poutine.
Rappelons tout d’abord que les accords de Minsk n’ont jamais été respectés, par aucune des parties. Ensuite, n’oublions pas le dilemme à l’origine des tensions en Ukraine: rejoindre l’Union Européenne ou l’union douanière russe. Il est impossible de ne pas choisir et choisir l’un se fait forcément au détriment de l’intérêt de l’autre. Ce choix est même devenu urgent quand on sait aujourd’hui l’état exsangue de chacune des deux économies avec la pandémie.
Par ailleurs, il faut prendre en considération le rapport de force que possède a l’heure actuelle le président de la Fédération de Russie: comme le rappelle MM. Richard et Robert dans le Monde Diplomatique de Mars 2022: “[la banque centrale russe] a accumulé des réserves considérables (…) Pour décourager toute attaque contre sa monnaie. A partir de 2018, elle se débarrasse massivement des bons du Trésor américains“. En d’autres termes, la Russie a amassé un trésor de guerre et s’est protégée du mieux possible des prévisibles sanctions que les pays membres de l’OTAN allaient lui infliger.
En position de force
De plus, comme nous l’avons dit, l’intervention de l’armée russe en Syrie a plutôt rendu populaire le personnage de Vladimir Poutine à l’international. Tant et si bien qu’on pourrait se demander si l’image du président russe développée en boucle sur nos médias est partagée dans les continents africains, asiatiques et latino-américains.
Le calendrier électoral aux États-Unis, en France et en Allemagne représente une aubaine dans la stratégie militaire russe: la période d’incertitude politique que présentent les élections fragilise potentiellement et peut désorganiser les appareils d’États des pays de l’OTAN.
Comme si cela ne suffisait pas, la Russie est présidente du Conseil de Sécurité de l’ONU, l’organe suprême de la suprême instance supranationale. Elle est, pour paraphraser Sun Tzu, “en position d’invincibilité“.
L’impérialisme moderne n’est pas le retour à l’ère soviétique
L’OTAN s’est construite dans la hantise de l’invasion soviétique en Europe. Ce qu’elle a craint, cela s’est produit avec Vladimir Poutine, dont le modèle politique restera toujours plus proche des États-Unis d’Amérique que de l’Union Soviétique.
La Russie, en tant que puissance impérialiste des plus modernes, ne fait ni plus ni moins que de reproduire ce que les Étasuniens, Britanniques, Allemands ou Français n’ont cessé d’appliquer aux quatre coins du monde – parfois même en Europe – depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale.
Elle met en lumière l’échec de la stratégie militaire en Europe de l’OTAN qui n’a pas réussi à préserver la paix. Pour justifier son action, il est probable qu’elle n’ait guère le choix que d’apporter une réponse au moins équivalente à l’agression russe en Ukraine. En fait, Vladimir Poutine est surtout le produit de son propre environnement, que l’Europe, en tête, a développé.