Retraites: quel choix de société ?

Le gouvernement a décidé de repousser l’âge légal de départ à la retraite par l’intermédiaire d’un projet de loi de financement de la sécurité sociale rectificatif (PLFSSR). Son ambition: sauver le système par répartition à l’aide d’une “réforme paramétrique”. 

Le système de retraites, mis en place avec la Sécurité Sociale à la sortie de la seconde guerre mondiale, correspond à un choix de société. Pour autant, le pouvoir en place y répond avec un dispositif plus technique que politique. C’est cette vision qui est à l’origine de la colère populaire.  

Depuis le mois de janvier, l’heure est à la mobilisation sociale contre la réforme des retraites. Cela n’est une nouvelle pour personne. Tout le monde connaît très bien le contenu de cette réforme et chacun sait pourquoi il décide – ou non – de battre le pavé.

Pour autant, s’il y a bien une chose qui est bien absente du débat public et c’est pourtant la problématique que pose la Macronie en prétextant qu’elle cherche à sauver notre système par répartition, c’est le choix de société qui y correspond.

Au-delà de la question du vieillissement relatif de la population, ainsi que de l’allongement de l’espérance de vie, la retraite n’est pas une idée ancienne.

Le système par répartition, justement, est même une ambition unique dans le monde, issue du programme du Conseil National de la Résistance, et mis en place avec la Sécurité Sociale.

Du principe communiste de la Sécurité Sociale à l’intervention de la démocratie libérale

Dès sa naissance, la Sécurité Sociale sera la cible des critiques, en particulier issues des élites économiques, qui n’ont jamais réellement supporté l’expropriation d’un pan entier de la richesse nationale. Avec l’avènement de la Ve République, elles vont se transformer en attaques.

Dès 1967, sous le mandat de M. Charles de Gaulle, on impose la parité entre capital et travail dans la gestion du principal acteur de la protection sociale en France.

C’était l’ouverture de la boîte de Pandore: déjà dans le principe, puisque la Sécurité Sociale est censée être gérée par les salariés eux-mêmes, par l’intermédiaire des syndicats.

Avec la multiplication de ces derniers, il s’est d’ailleurs avéré que le patronat est devenu le principal acteur de la Sécurité Sociale.

Durant la présidence de M. François Mitterrand et plus précisément en 1991, l’Etat met en place la Contribution Sociale Généralisée (CSG) et intervient, dorénavant, dans les affaires de la Sécu.

C’est ainsi que le parlement, émanation de la démocratie libérale – dont les principes politiques sont opposés à ceux de la sécurité sociale – décide du budget de la Sécurité Sociale.

Les Français ne sont pas dupes

A la lumière de ces éléments, on comprend d’où vient le sempiternel débat sur le système des retraites, alors qu’il est apparu comme une poussée d’acné en 1995, avec la réforme de la Sécurité Sociale promue sous le gouvernement Juppé, et qui coûtera à la droite sa majorité en 1997.

C’est bel et bien l’action politicienne qui est le principal responsable depuis 30 ans, réformes après réformes, de la colère des Français, au même titre qu’elle est la première responsable du déficit de la sécurité sociale.

Le gouvernement aura donc beau faire toute la pédagogie du monde, il est clair que les Français ne sont pas dupes.

On pourrait éventuellement estimer qu’ils ne seraient pas au fait que ce qui se joue, c’est une des expressions les plus limpides de la lutte des classes mais même en faisant preuve du mépris le plus crasse, on remarque très bien que la population a mis en minorité la fameuse expression de la majorité.

Même au sein de l’électorat Macron, 40% des gens sont contre la mobilisation !

Quand faudra-t-il arrêter la grève ?

Cette séquence est historiquement frappante: il y a bien longtemps qu’on n’a pas vu le débat confisqué par le mouvement social, dont les manifestations pacifistes tranchent avec les pitoyables images du débat parlementaire.

A ce titre, l’organisation politique qui saura le mieux incarner ce mécontentement aura un avantage certain lors des prochaines échéances électorales.

Ainsi, en toutes hypothèses, il est dans l’intérêt des travailleurs que le mouvement dure et se durcisse, tout simplement parce qu’il n’est pas dans l’intérêt des travailleurs que la réforme se décide à l’assemblée nationale. C’était déjà le cas avant mais ça l’est d’autant plus maintenant.

En cas de pourrissement de la situation et si la résignation prenait le pas, c’est bel et bien le Rassemblement National, qui serait considéré comme le premier opposant à la réforme. Soyons clair, le parti représenté par Mme Le Pen a bien compris qu’il gagnerait plus à être dans l’opposition dans une réforme victorieuse pour le gouvernement que victorieuse pour les travailleurs.

Pour autant, le cas de figure inverse ne signifierait pas le retour des jours heureux, bien au contraire.

Dans le contexte actuel, il est de bon ton de rappeler la formule croustillante de M. Maurice Thorez: “il faut savoir arrêter la grève dès qu’on a obtenu satisfaction.”

J’invite le lecteur de ces lignes à s’arrêter trente secondes, de réfléchir à ceci: est-ce que le simple retrait de la réforme des retraites serait satisfaisant ?

Sans vouloir appeler romantiquement au grand soir, il semble tout de même évident que l’on ne joue pas que le retrait de la réforme des retraites.

Alors que nous nous faisions les spectateurs de l’évolution du rapport de force durant la dernière séquence électorale, c’est bel et bien à sa recomposition à laquelle on assiste, le statu quo paraît relativement illusoire car souhaitable pour personne.

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