Réforme des retraites: que retenir de son passage à l’Assemblée Nationale ?

C’est une première dans l’Histoire: avec la réforme des retraites, un projet de loi ne sera pas débattu dans son intégralité par l’Assemblée Nationale avant qu’il passe aux mains du Sénat, le débat se finissant à samedi minuit. 

Ce qui ressortira de la chambre haute sera d’autant plus important alors que l’article 2 de la réforme des retraites, celui sur “l’indexation sénior”, a été rejeté en première lecture. 

Ce qui reste un coup d’éclat n’est néanmoins pas une surprise, puisque ce dispositif était largement critiqué par Les Républicains, les principaux alliés de la majorité présidentielle dans la bataille parlementaire mais restent toujours favorables au report de l’âge légal vers la retraite de 62 à 64 ans.

En définitive, l’obstruction parlementaire de la NUPES, n’a ni permis de battre en brèche les convictions sur la réforme des retraites ni fait gagner du temps au mouvement social. Pour autant, cela a tout de même eu le mérite d’apporter un symbole dans la bataille sociale, qui est, au-delà du combat parlementaire, le réel focus de cette séquence politique. 

Quoiqu’il advienne, la bataille sociale contre la réforme des retraites en 2023, fera date et ceci à plus d’un titre.

Mais ce qui se joue, c’est bel et bien l’achèvement de la recomposition du rapport de force, entamé avec la crise sanitaire il y a trois ans et approfondi lors de la dernière élection législative.

La perception que l’on se fait de la retraite ne peut se penser que si l’on intègre la mutation du rapport au travail dans l’Occident capitaliste, où l’on constate tout de même que les masses laborieuses refusent de plus en plus l’idée d’être aux ordres d’un patron en échange d’un salaire.

La question ne réside pas tant dans la prise en charge de nos anciens, rentiers de leur classe et qui participent activement à l’équilibre de nos civilisations.

Cette perspective, bien qu’elle soit le ciment de notre système de retraite, n’est pas forcément la seule chose qui anime dans les rangs des salariés, même si l’attachement pour l’institution fondé dans le sillage de la Libération est sincère.

Cela, le gouvernement le partage. D’ailleurs, c’est pourquoi il justifie sa réforme, afin de sauver notre système par répartition.

Pour autant, concrètement, ce qui est demandé, c’est de travailler un peu plus longtemps pour supporter ce fameux système. Et la réponse est on ne peut plus claire: les travailleurs sont vent debout contre une telle mesure. La simple perspective de travailler plus longtemps, dans un environnement de travail devenu honni par des millions de femmes et d’hommes paraît comme insupportable.

En réponse, l’exécutif y répond de manière tout à fait courageuse dans un régime démocratique: faire fi des protestations des électeurs.

Il faudrait d’ailleurs être de mauvaise foi pour ne pas voir qu’il y a littéralement tous types de profils dans les cortèges…

Ainsi, le triste spectacle qu’on appelle débat parlementaire, en plus de donner une mauvaise image de la représentation nationale, alors que les manifestations se font dans la bonne humeur, montre bien que la situation est intenable en l’état.

Si la Ve République devait assurer une stabilité institutionnelle, on peut affirmer qu’en 2023, la vieille dame est fatiguée est n’est plus capable d’assurer sa mission première.

Il semble que le gouvernement voulait cet affrontement social, dans l’optique de casser, dès le début du nouveau mandat présidentiel, toute velléité de contestation populaire.

La réponse du mouvement social était à la hauteur de l’arrogance du pari. L’étonnante vitalité des cortèges va de pair avec l’incroyable clairvoyance d’une intersyndicale unie – phénomène assez rare pour être souligné – dont l’exemplarité est à applaudir.

Mais nous le savons, une fois repassé à la table des négociations, les syndicats retourneront à leur chapelle, y compris parce que les centrales n’ont pas la même opinion sur les retraites et si concertation il devait avoir, elle devra être permise avec un mandat politique clair et renouvelé du Parlement.

De ce fait, on comprend que M. Macron n’a guère le choix que de dissoudre l’Assemblée nationale s’il veut espérer gouverner dans les années à venir. Évidemment, on suppose que l’Elysée anticipe un tel scénario mais il faut être clair, plus on s’obstine à vouloir passer cette réforme, en dépit de toute forme de logique politique et au risque de l’inconstitutionnalité, plus il existe le risque de ne pas maîtriser les conséquences électorales à venir.

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