8 mars : Huit femmes révolutionnaires à l’honneur
Pour la présente édition du 8-mars, journée internationale de lutte pour les droits des femmes, nous nous penchons sur le parcours de huit femmes révolutionnaires qui ont marqué leur époque par leur engagement. À travers leurs histoires, souvent méconnues y compris par leurs héritières, c’est l’Histoire des mouvements anarchiste, socialiste, communiste qui s’est écrite et qui demeure, encore aujourd’hui, animée d’une fougue implacable.
Cet article a initialement été rédigé en 2016 pour le blog Le Bilan. Nous le reproduisons ici.
Clara Zetkin, l’initiatrice
Née Clara Eissner en 1857, elle fréquente les milieux féministes et révolutionnaires de Leipzig, où elle rencontre le Russe en exil Ossip Zetkin, qui deviendra son compagnon et dont elle prendra le nom sans mariage. En 1878, elle obtient son diplôme de professeur en langues étrangères et adhère au SAP, nom d’alors du Parti social-démocrate d’Allemagne (SPD), qui est interdit la même année par les lois anti-socialistes du chancelier Otto Von Bismarck, interdisant toute association sociale-démocrate. Malgré la clandestinité contrainte, Clara Zetkin participe activement au journal du SPD, Der Sozialdemokrat, pour lequel elle restera correspondante lorsqu’elle rejoindra Paris, en 1882, après avoir été expulsée de Saxe. Avec Ossip, ils rencontrent Louise Michel, Laura Marx, Paul Lafargue et Jules Guesdes.
En 1889, elle participe à la préparation du congrès fondateur de la Deuxième internationale à Paris, peu après la mort de son compagnon. Elle y fait un exposé sur la place des femmes dans la lutte de classes, tandis que le travail des femmes tend à se développer. « Libérée de sa dépendance économique vis-à-vis de l’homme, la femme [qui travaille] est passée sous la domination économique du capitaliste, expose Clara Zetkin. D’esclave de son mari, elle est devenue l’esclave de son employeur. Elle n’avait fait que changer de maître. Elle a toutefois gagné au change : sur le plan économique, elle n’est plus un être inférieur subordonné à son mari, elle est son égale. (…) En marchant main dans la main avec le parti ouvrier socialiste, elles sont prêtes à partager toutes les peines et tous les sacrifices du combat, mais elles sont aussi fermement décidées à exiger après la victoire tous les droits qui leur reviennent. »
En 1891, Clara Zetkin retourne en Allemagne où elle fonde, l’année suivante, le journal Die Gleichheit (L’Égalité). L’adhésion à un parti politique est alors interdit aux femmes ; en 1893, sa première tentative d’organiser une conférence socialiste des femmes est empêchée par la police. A partir de 1900, la Conférence des femmes se réunit avant chaque congrès du SPD, où des déléguées seront envoyées après avoir été élues par la Conférence. En 1907, elle organise à Stuttgart la Première conférence internationale des femmes socialistes, qui fonde l’Internationale socialiste des femmes, dont Zetkin devient la présidente. La première revendication est l’obtention du droit de vote pour toutes les femmes. En août 1910, lors de la Deuxième conférence internationale des femmes socialistes à Copenhague, elle propose avec la Russe Alexandra Kollontaï l’instauration d’une « Journée internationale des femmes » ; la première est fixée au 19 mars 1911. Les années suivantes, la date sera fixée au 8 mars,
Sous l’égide de Clara Zetkin, l’Internationale des femmes socialistes est résolument pacifiste, opposée à la Première guerre mondiale qui est vue comme une guerre impérialiste. Elle lance un appel à la paix destiné spécifiquement aux femmes : « Où sont vos maris, vos fils ? Pourquoi doivent-ils s’entretuer et détruire avec eux tout ce qu’ils ont créé ? Qui bénéficie de ce cauchemar de sang ? Tout juste une poignée de profiteurs de guerre. Puisque les hommes ne peuvent plus parler, c’est à vous de le faire. Travailleuses de tous les pays en guerre, unissez-vous ! »
En 1915, Clara Zetkin organise la création, avec Rosa Luxembourg et Karl Liebknecht, de la Ligue spartakiste – qui donnera naissance en 1918 au Parti communiste allemand (KPD). La République de Weimar, proclamée en novembre 1918, autorise les femmes à voter et être élues ; Clara Zetkin sera élue députée du KPD de 1920 à 1933, année de son décès. Membre du bureau central du KPD jusqu’en 1924, membre du comité central de 1927 à 1929, et membre de la direction du Komintern de 1921 à 1933, elle restera active jusqu’à la fin de sa vie dans son combat pour le socialisme et contre le nazisme.
Louise Michel, la communarde
Née en 1830 en Haute-Marne d’une mère servante et d’un père inconnu, Louise Michel obtient en 1851 le diplôme d’institutrice, lui permettant d’exercer dans les écoles pour filles. Elle emménage à Paris en 1856 où elle fréquente les milieux républicains avant d’adhérer aux thèses de son contemporain et socialiste anarchiste Auguste Blanqui. En 1869, elle devient secrétaire de la Société démocratique de moralisation, prônant la solidarité avec les ouvrières. A la même époque, elle rencontre Jules Vallès, Eugène Varlin et Emile Eudes, blanquistes également.
En 1870, dans les ferments révolutionnaires d’une ville assiégée par la guerre franco-prussienne, Louise Michel crée une cantine pour ses élèves et milite contre l’arrestation de son ami Emile Eudes, par la IIIème République – alors nouvellement proclamée. Elle participe à la fondation du journal « Le cri du peuple » en février 1871, et prend une part active à la Commune de Paris, proclamée le 18 mars. Elle fonde le Comité de vigilance de Montmartre, étroitement lié à l’Association internationale des travailleurs (AIT), et endosse plusieurs rôles dans la guerre qui oppose Adolphe Thiers et les Versaillais aux Communards. A la fois soldat, ambulancière, dirigeante politique et enseignante, Louise Michel est l’une des grandes figures révolutionnaires de l’insurrection ouvrière. Elle mènera bataille de toutes ses forces jusqu’à son arrestation, le 24 mai, au cours de la terrible « Semaine sanglante » qui s’abat sur les insurgés parisiens.
Déportée sept ans en Nouvelle-Calédonie, Louise Michel trouve un nouveau souffle dans l’écriture de textes divers, allant des Légendes et chants de gestes canaques à sa pièce Nadine, en passant par La misère, roman qui revient sur les germes de la Commune. Anarchiste convaincue, mais attentive à l’indispensable union des socialistes d’alors, elle participe à la Ligue internationale des femmes révolutionnaires en 1882, puis au Congrès international socialiste des travailleurs et des chambres syndicales ouvrières en 1896. Rêvant de briser le capitalisme, Louise Michel entend également faire triompher l’égalité entre les sexes, s’opposant avec force au système prostitutionnel et à son « bétail humain, celui qui rapporte le plus ». « La question des femmes est inséparable de la question de l’humanité » ; « esclave est le prolétaire, esclave entre tous est la femme du prolétaire ».
Alexandra Kollontaï, la Commissaire du peuple
Alexandra Domoutovitch naît en 1872 à Saint-Pétersbourg. A l’âge de 17 ans, elle refuse un mariage arrangé, puis elle épouse à 20 ans un jeune officier dont elle prendra le nom l’année suivante. En 1896, elle part étudier l’économie politique à l’université de Zurich, où elle devient progressivement marxiste. Voyageant à travers l’Europe, elle se lie avec Lénine, alors exilé en Suisse, avec Rosa Luxembourg en Allemagne et avec Paul Lafargue en France. En 1902, elle adhère au Parti ouvrier social-démocrate de Russie (POSDR) ; l’année suivante, quand se produit la fracture entre bolchéviques et menchéviques, elle adhère aux seconds en raison de son rejet de l’action militarisée.
Tandis que la Première guerre mondiale se profile, Alexandra Kollontaï déclare en 1912 : « Le prolétariat russe, aux côtés de celui du monde entier, proteste contre toutes les guerres. C’est un fait bien connu que le prolétariat ne connaît aucune frontière nationale. Il ne reconnaît que deux « nations » dans le monde civilisé : les exploiteurs et les exploités. » En 1914, elle s’oppose à la guerre impérialiste et rejoint, pour cette raison, les bolchéviques. Elle participe à la Révolution d’octobre 1917 et devient en novembre Commissaire du peuple à l’Assistance publique, équivalent au ministère de la Santé. Elle est la première femme au monde à devenir ministre.
En 1919, elle crée le Zhenotdel, ministère russe consacré aux affaires féminines, qui restera sous son égide. Il a pour mission l’amélioration des conditions de vie des femmes dans la Russie soviétique, la lutte contre l’analphabétisme, l’éducation et la promotion des nouvelles lois sur le mariage et le travail. Parallèlement, Alexandra Kollontaï fait part de ses critiques sur la politique générale menée par le gouvernement soviétique. Elle fonde en 1920 une fraction interne au Parti, « l’Opposition ouvrière », pour plus d’autonomie dans les syndicats. En 1921, lors du passage à la NEP – la nouvelle politique économique – elle accuse Lénine d’être devenu un défenseur du capitalisme. En 1923, Alexandra Kollontaï devient chef de l’ambassade de l’Union soviétique en Norvège – elle est alors la première femme au monde à occuper le rôle d’ambassadeur. Ses missions diplomatiques la mèneront au Mexique puis en Suède. Elle renonce à ses fonctions en 1945 et termine sa vie à Moscou, où elle décède en 1952. Elle restera jusqu’à la fin de sa vie une communiste et une féministe convaincue, déclarant notamment que « la dictature du prolétariat ne peut être réalisée et maintenue qu’avec la participation énergique et active des travailleuses ».
Rosa Luxemburg, la spartakiste
Różalia Luksemburg est née en 1871 dans la partie orientale de la Pologne, alors sous contrôle de l’Empire russe, dans une famille juive bourgeoise. Elle témoigne très tôt d’un attrait pour le socialisme et le mouvement révolutionnaire, intégrant dès la sortie du lycée un groupe socialiste clandestin. En 1889, arrivée en Suisse, elle loue une chambre chez un vieux militant socialiste allemand recommandé par des amis, Karl Lübeck, chez qui elle découvre la presse du SPD. En 1893, elle fonde avec son compagnon Leo Jogiches la Social-Démocratie du Royaume de Pologne (SDKP), contre un Parti socialiste polonais, créé un an plus tôt, jugé nationaliste.
Pendant l’été 1898, Rosa Luxemburg se trouve impliquée dans la querelle réformiste qui éclate alors au sein de la social-démocratie allemande : le théoricien Eduard Bernstein remet en effet en cause l’orientation marxiste en préconisant l’abandon par la social-démocratie de sa ligne révolutionnaire et la transformation du SPD en un grand parti élargi aux classes moyennes. En septembre, Rosa Luxemburg publie en sept livraisons un long article, Réforme sociale ou révolution, qui réfute les thèses de Bernstein ; cet article érudit lui permet de gagner en notoriété et de devenir directeur honoraire du journal Sächsiche Arbeiterzeitung, honneur qui n’avait jamais été dévolu à une femme.
Désormais cadre reconnue pour sa compétence au sein du Parti social-démocrate d’Allemagne, elle travaille comme journaliste pour la presse socialiste, comme traductrice (elle parle yiddish, polonais, russe, allemand et français), et comme enseignante à l’école du SPD. Elle devient alors amie avec Clara Zetkin. Jusqu’au déclenchement de la Première Guerre mondiale, la renommée de Rosa Luxemburg ne cesse de croître dans les milieux politiques. Elle prend part à diverses polémiques au sein du SPD et de l’Internationale ouvrière : sa tendance à citer en exemple la révolution russe de 1905 indispose de nombreux dirigeants sociaux-démocrates allemands, qui craignent dans leur pays une situation comparable.
Rosa Luxemburg milite par ailleurs avec passion contre les risques de guerre en Europe. En septembre 1913, elle prononce à Francfort-sur-le-Main un discours enflammé dans lequel elle appelle les ouvriers allemands à ne pas prendre les armes contre des ouvriers d’autres nationalités. Cela lui vaut de passer, le 20 février 1914, en jugement pour « incitation publique à la désobéissance ». Elle se défend avec passion et éloquence, ce qui lui vaut une célébrité nationale, au-delà des milieux socialistes. Rosa Luxemburg est condamnée à un an de prison. Alors qu’elle attend l’issue de son procès en appel, elle prononce en mars 1914 un nouveau discours dans lequel elle accuse les militaires allemands de maltraiter les soldats : elle est cette fois poursuivie pour insulte à l’armée. Des milliers de témoignages arrivant pour soutenir ses propos, le procès est enterré. Durant les mois que durent les diverses procédures, Luxemburg continue de diffuser ses thèses et de militer ardemment contre la guerre. Elle forme avec plusieurs militants, dont Karl Liebknecht, Leo Jogiches et Clara Zetkin, le noyau de ce qui devient le Gruppe Internationale, puis par la suite la Ligue spartakiste : leur appel contre le vote des crédits de guerre, lancé à plus de trois cents dirigeants socialistes, reste quasiment sans réponse. Elle passera un an en prison, de février 1915 à février 1916, avant d’être à nouveau placée en détention administrative en juillet de la même année.
Depuis sa prison, elle suit avec attention les derniers développements du mouvement socialiste. Sur la Révolution d’octobre, qu’elle estime être « le fait le plus considérable de la guerre mondiale », elle voit dans le parti bolchévique « la force motrice » « à qui revient le mérite historique d’avoir proclamé dès le début et suivi avec une logique de fer la tactique qui seule pouvait sauver la démocratie et pousser la révolution en avant. Tout le pouvoir aux masses ouvrières et paysannes, tout le pouvoir aux soviets. »
La révolution allemande de novembre 1918 permet à Rosa Luxemburg de sortir de prison : une amnistie politique est prononcée le 6 novembre ; elle-même est libérée le 10 et regagne seule Berlin, alors que la ville est en pleine effervescence révolutionnaire. La Ligue spartakiste, menée notamment par Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht, prône une radicalisation de la révolution et l’accès au pouvoir des conseils d’ouvriers et de soldats apparus fin 1918 dans toute l’Allemagne à l’occasion de la révolte populaire, pour former une « République des conseils ». Le climat d’agitation révolutionnaire en Allemagne aboutit à la formation du Parti communiste d’Allemagne (KPD) : les spartakistes forment le parti lors d’un congrès tenu du 30 décembre 1918 au 1er janvier 1919.
Le 15 janvier 1919, alors que l’Allemagne est en pleine effervescence révolutionnaire, des militaires se présentent au domicile de Rosa Luxemburg pour l’arrêter. Alors que le véhicule a à peine parcouru cent mètres, Rosa Luxemburg est tuée d’une balle dans la tête par l’un des militaires, probablement le lieutenant Vogel qui commandait l’escorte. Son cadavre est jeté dans le Landwehrkanal. Un communiqué affirme ensuite qu’elle a été tuée par une foule de citoyens en colère. Karl Liebknecht, arrêté lui aussi, est également tué en sortant de l’hôtel Eden par l’escorte qui était censée l’emmener en prison.
Elena Stassova, la bolchévique
Elena Stassova naît en 1873 à Saint-Pétersbourg, dans une famille bourgeoise. Institutrice dans une école de jeunes filles, elle donne des cours le dimanche dans les quartiers ouvriers ; elle s’intéresse progressivement au marxisme avant d’adhérer, en 1898, au Parti ouvrier social-démocrate de Russie (POSDR) de Lénine. Elle y prend rapidement des responsabilités, gérant les détails matériels, recherchant des locaux pour des réunions, abritant des militants, imprimant des tracts et distribuant des journaux.
Au début des années 1900, elle est emprisonnée pour avoir diffusé des œuvres hostiles au gouvernement, puis sort de prison quelques mois plus tard avec l’aide de son père, avocat renommé. Arrêtée en Georgie en juin 1912, elle est ensuite déportée dans le gouvernement du Ienisseï, où les conditions sont relativement sévères. Elle reste en Sibérie jusqu’en 1916, date à laquelle, malade, elle obtient du pouvoir tsariste de venir se soigner à Saint-Pétersbourg. Membre du comité central, elle joue un rôle capital dans l’organisation du Parti en 1917 ; elle gère les comptes financiers, enregistre les camarades qui sortent de la clandestinité, et coordonne l’action des cellules ouvrières dans les usines et les ateliers. Elle est alors en contact permanent avec Lénine et pilote de près l’organisation structurelle du Parti bolchévique durant la Révolution d’octobre.
Secrétaire du Parti à partir de mars 1919, elle fait passer le nombre de permanents sous ses ordres de moins d’une centaine à plus de 600 en l’espace de deux années. Elle met au point le fichier des militants et passera la main, en 1922, au nouveau secrétaire général, Joseph Staline – une fonction alors considérée, à tort, comme secondaire car technique par les autres responsables du Parti, dont Trotski. En 1921, Stassova est envoyée en Allemagne pour contrôler les prises de position du KPD lors de la révolution spartakiste, et restera dans le pays sous un faux nom jusque 1926.
Présidente du Secours rouge international à sa création en 1922, elle assure cette direction jusque 1937, côtoyant régulièrement Clara Zetkin, qui œuvre à ses côtés. Dernière action avant sa retraite politique, Stassova intervient en août 1932 à Amsterdam au Congrès mondial de lutte contre la guerre impérialiste, manifestation pacifiste lancée par Romain Rolland et Henri Barbusse qui sert de tribune aux communistes soviétiques. Elle a ensuite, durant les années 1950 et 1960, publié plusieurs livres de souvenirs, tous consacrés à la défense des vieux bolchéviques malmenés sous Staline. Dernière représentante des fondateurs du POSDR, elle mourut à 93 ans, le 31 décembre 1966, à Moscou.
Marie-Claude Vaillant-Couturier, la résistante
Marie-Claude Vogel naît en 1912 à Paris dans un milieu bourgeois et artistique. Après être devenue reporter-photographe pour le magazine Vu, que son père a fondé, elle adhère à la Jeunesse communiste en 1934 et participe à la fondation, en 1936, de l’Union des jeunes filles de France, organisation féminine attachée au Parti communiste français. Elle épouse en 1937 Paul Vaillant-Couturier, député communiste et rédacteur en chef de l’Humanité, dont elle gardera le nom, et qui mourra la même année.
Elle devient reporter photographe pour l’Humanité et sera contrainte de changer d’activités à l’interdiction du journal par les autorités françaises en septembre 1939. En 1940, elle s’engage dans la Résistance et participe à l’édition de plusieurs publications clandestines. En outre, elle assure la liaison entre la résistance civile et militaire. Elle est arrêtée le 9 février 1942 par la police pétainiste, reste enfermée en France jusqu’au 24 janvier 1943, date où elle est déportée à Auschwitz-Birkenau avec un convoi de 230 femmes résistantes, qui entonnent la Marseillaise à l’entrée dans le camp. De ce convoi, seules 49 femmes reviendront après-guerre.
Les nazis lui tatouent le numéro 31.685 sur le bras, numéro que Marie-Claude Vaillant-Couturier gardera à son transfert au camp de Ravensbrück en août 1944. Au départ des nazis le 28 avril 1945, puis après la libération du camp par l’Armée rouge le 30 avril, elle décide de rester sur place, administrant le camp avec la médecin Adélaïde Hautval. Elle s’occupe des malades intransportables jusqu’à ce qu’ils soient tous identifiés et rapatriés ; elle ne rentrera en France que le 25 juin 1945.
Elle est élue aux deux Assemblées constituantes en 1945 et 1946, ainsi que députée PCF de la Seine de 1946 à 1958, puis de 1962 à 1967. En 1946 également, elle est élue secrétaire générale de la Fédération démocratique internationale des femmes, et participe au procès de Nuremberg comme témoin. Elle maintiendra jusqu’à la fin de sa vie son engagement communiste, devenant en 1979 vice-présidente de l’Union des femmes françaises – devenue depuis Femmes solidaires – militant au Mouvement de la paix, et prenant en 1990 la présidence de la Fondation pour la mémoire de la déportation, avant de décéder le 11 décembre 1996.
Angela Davis, la Black Panther
Angela Davis est née en 1944 dans une famille afro-américaine habitant l’Alabama, alors que les lois américaines imposaient toujours la ségrégation raciale dans le Sud des États-Unis. Durant sa jeunesse, Davis est profondément marquée par son expérience du racisme, des humiliations de la ségrégation raciale et du climat de violence qui règne dans son environnement quotidien. Ses deux parents possèdent une expérience militante : à l’école secondaire, sa mère a participé à des mouvements antiracistes ; ils sont par ailleurs tous les deux membres de la National Association for the Advancement of Colored People (NAACP).
Elle fréquente l’école primaire de Birmingham réservée aux Noirs. Abritée dans des bâtiments vétustes, elle est moins bien dotée financièrement que l’école réservée aux Blancs. Davis note toutefois que la ségrégation avait aussi pour effet de laisser aux enseignants noirs une marge de liberté qui leur permettait d’orienter le contenu de leur enseignement dans un sens qui favorisait l’émergence d’une identité spécifiquement noire.
A quatorze ans, elle arrive à New York où elle est logée chez le révérend William Howard Melish. Pasteur de la plus grande église épiscopale de Brooklyn dans les années 1950, il avait perdu ses fonctions au terme d’un long bras de fer avec sa hiérarchie à cause de ses prises de position contre le maccarthysme et son affiliation à la Soviet-American Friendship Organization (Organisation de l’amitié américano-soviétique). Elle lit le Manifeste du parti communiste qui la conduit « à replacer les problèmes du peuple noir dans le contexte plus large d’un mouvement de la classe ouvrière ».
En 1965, alors qu’elle étudie à l’université Branders dans le Massachussetts où elle était l’une des trois étudiantes noires de première année, Angela Davis décide de partir étudier la philosophie à Francfort. En Allemagne, elle côtoie des étudiants allemands membres de l’Union socialiste allemande des étudiants, participe à des manifestations contre l’intervention militaire américaine au Viêt Nam ou contre la projection du film documentaire italien pro-colonisation Africa Addio et visite régulièrement Berlin-Est. Pendant son séjour en Allemagne, le mouvement de libération des Noirs connaît de profondes évolutions et tend à se radicaliser dans le sillage du slogan Black Power. Frustrée de ne pouvoir participer à l’effervescence militante qui semble régner dans son pays, elle décide de rentrer aux États-Unis à l’issue de sa deuxième année en Allemagne.
À son arrivée à San Diego, elle est privée de tout contact au sein du mouvement noir californien et adhère en désespoir de cause à l’organisation radicale des étudiants du campus dont l’action se tourne principalement vers la lutte contre la guerre du Viêt Nam. Elle subit à cette occasion sa première arrestation à la suite d’une distribution de tracts. Souhaitant s’impliquer dans une action spécifique à destination des Noirs, elle travaille à organiser un conseil des étudiants noirs de l’université de San Diego, jusqu’alors inexistant. Le marxisme constitue un des éléments centraux de son positionnement : elle pense que la lutte de libération des Noirs doit s’insérer dans le mouvement révolutionnaire dont le socialisme constitue l’horizon. Elle finit par adhérer en 1968 au Che-Lumumba Club, une section du Parti communiste des États-Unis d’Amérique réservée aux Noirs. Elle rejoindra aussi le Black Panther Party dont la position révolutionnaire se caractérise par un égal refus de l’intégrationnisme et du séparatisme.
Son adhésion au parti communiste américain et au mouvement des Black Panthers lui vaut d’être surveillée par le FBI. Elle enseigne en 1969 à l’UCLA — l’université de Californie à Los Angeles — mais en est renvoyée à cause de son activisme politique. Elle s’investit dans le comité de soutien aux Frères de Soledad, trois prisonniers noirs américains accusés d’avoir assassiné un gardien en représailles de l’assassinat d’un de leur codétenu. Elle est accusée d’avoir organisé une prise d’otages dans un tribunal dont l’issue a été meurtrière : Jonathan Jackson, le jeune frère de George Jackson, le juge et deux autres prisonniers sont tués après que la police a ouvert le feu sur leur véhicule. Après deux semaines de cavale, elle est arrêtée dans un hôtel, puis emprisonnée pendant seize mois à New York, où elle entame une grève de la faim, puis en Californie, dans le comté de Marin puis à San José, avant d’être jugée et acquittée.
Dès sa sortie de prison en 1972, Angela Davis se met à publier. Ses essais autant que ses discours véhéments en font l’une des intellectuelles radicales les plus connues de l’époque : la paix au Viêt Nam, l’antiracisme, le féminisme constituent son credo. En 1980 et en 1984, Angela Davis se présente aux élections présidentielles américaines comme candidate à la vice-présidence aux côtés du leader du Parti communiste des États-Unis (CPUSA), Gus Hall. Aujourd’hui, Angela Davis est professeure d’« histoire de la prise de conscience » à l’université de Californie (campus de Santa Cruz). Elle a fait campagne contre la guerre en Irak. Elle a rejoint le « Comité international de soutien aux victimes vietnamiennes de l’agent orange et au procès de New York » (CIS) conduit par André Bouny et lutte contre l’industrie carcérale et la peine de mort aux États-Unis et dans le monde.
Mariela Castro, la Cubaine
Mariela Castro Espin, née en 1962 à La Havane, a réussi à s’émanciper de son héritage familial. Nièce de Fidel Castro, leader historique de la Révolution cubaine et fille de Raùl Castro, actuel Président de Cuba, Mariela Castro a gagné une renommée internationale, non pas grâce à son patronyme, mais grâce à son action en faveur du droit à la diversité sexuelle.
Directrice du Centre national d’éducation sexuelle (CENESEX) à Cuba, licenciée en Psychologie et en Pédagogie, titulaire d’un Master en Sexualité, Mariela Castro a fait sienne la cause des homosexuels, bisexuels, lesbiennes et transsexuels, et a permis à ces communautés de sortir de la marginalité à laquelle la société les avait cantonnées.
L’action du CENESEX a été couronnée de succès. Depuis 2007, une journée contre l’homophobie est célébrée chaque 17 mai à Cuba. Les opérations de changement de sexe sont entièrement prises en charge par l’État. L’homophobie a sensiblement reculé même si elle est toujours persistante dans certains secteurs. Enfin, les institutions tels que le Parti Communiste de Cuba ou le Ministre de la Culture sont désormais des alliés de premier ordre dans la lutte en faveur des droits pour tous.
Mariela Castro ressemble à sa mère Vilma Espin. Elle a hérité, à la fois, de sa beauté naturelle et de son caractère. En effet, elle méprise souverainement la langue de bois et n’hésite aucunement à pointer du doigt les injustices commises par le passé à Cuba, ni à dénoncer les obstacles institutionnels encore présents au sein de la société. Son franc-parler ne fait pas l’unanimité au sein du pouvoir cubain, notamment auprès du secteur le plus conservateur. Mais, comme elle se plait à le répéter, chaque fois que le Président Raûl Castro reçoit une plainte à son sujet, sa réponse reste invariablement la même : « Si tu as quelque chose à dire à propos de ma fille, va la voir directement. » A ce jour, personne n’a osé.
Cet article s’appuie sur le travail fourni par Wikipedia et sur le livre de Salim Lamrani Cuba : Parole à la défense !