Sanctions économiques anti-russes et montée des prix : qui sanctionne qui ?

Le 7 mars, Bruno Le Maire était sur les antennes de RMC pour répondre à Apolline de Malherbe sur la stratégie économique française dans le conflit russo-ukrainien.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que la bonne humeur n’était pas au rendez-vous sur le plateau.
 
Bien que se montrant rassurant, c’est le ton grave et la mine sérieuse que le locataire de Bercy prenait la parole, expliquant que les sanctions économiques, d’une ampleur sans précédent, pouvaient avoir des répercussions directes sur les prix, en particulier ceux de première nécessité: notre essence, notre facture d’électricité – information confirmée par la présidente d’Engie Catherine MacGregor, les invitant d’ores et déjà à baisser le chauffage -, les produits alimentaires etc… Cela montre la limite de la diplomatie des sanctions.
 

Des mesures inopérantes

Nous ne cesserons de le dire: les sanctions économiques, institutionnelles, diplomatiques, imposées par les pays de l’OTAN, n’ont l’air en rien d’enrayer l’avancée militaire de la Russie.
Même si la Bourse de Moscou a fermé et que le cours du rouble dévisse, il en est de même pour celui de l’euro. Bien que les places boursières européennes et américaines soient encore ouvertes, la plongée des cours donne une impression de récession économique imminente.
 
De plus, si les entreprises appliquent globalement les sanctions, certaines bénéficient encore de mesures d’exceptions tel que les géants de l’énergie, Total en premier lieu, encore présente sur le territoire russe, mais aussi une multitude d’entreprises agricoles, qui ne devraient guère goûter à un alourdissement des sanctions puisque la Russie est le premier partenaire étranger de la France dans ce domaine.
 
Aussi, M. Le Maire confirmait lui-même que la parole européenne n’était pas tant unie que cela face à la Russie. En effet, parce que la France produit du nucléaire, elle craint moins l’effet pervers des sanctions sur les questions énergétiques que l’Allemagne, dépendante a 42% du gaz russe, qui freine, de l’aveu du ministre, la poursuite des sanctions. Cet équilibre, déjà fragile, peut basculer à tout moment: les États-Unis ont décidé d’un embargo à l’encontre de la Russie.
 
 
En soi, cette pratique dont les américains sont décidément profondément attachés, aura peu d’impact: les relations économiques entre les deux pays sont déjà très limitées, hormis sur le spatial et éventuellement le nucléaire. On peut cependant comprendre que cet un message adressé aux Européens.
 

Des mesures contre-productives

Si l’Union Européenne bloquait toutes relations économiques avec la Fédération de Russie, les conséquences seraient dramatiques pour les travailleuses et travailleurs du Vieux Continent.
 
A la différence des étasuniens, dont les seules retombées sont surtout d’ordre diplomatique (on voit d’ailleurs un certain rapprochement entre États-Unis et Iran, ce qui paraît quand même vraiment ubuesque), la Russie est un pays exportateur vers l’Europe. Pour comprendre un rapport de force entre deux espaces, on peut commencer par regarder la balance commerciale entre les deux territoires.
 
Ici, l’équation est simple: la balance commerciale européenne est négative, l’Europe importe plus qu’elle n’exporte; au contraire de la Russie, qui, de surcroît, est l’un des principaux exportateurs vers l’Europe.
 
C’est bien simple: les mesures coercitives européennes sont contre-productives parce qu’elles nous coupent de denrées que nous allons chercher en Russie. Il s’agit même d’une véritable catastrophe, puisqu’il s’agit pour beaucoup, de produits de première nécessité. Quand on sait l’importance du pouvoir d’achat pour les Français, il y a de quoi être inquiété.
 

Des mesures mortifères

En plus d’être touché en amont, le contribuable européen est aussi touche en aval, puisque ces mesures, il faut bien que quelqu’un les paie. Le risque est ici double: le manque à gagner pour les entreprises risque d’être terrible, au point de craindre un problème de trésorerie, rendant impossible de payer (pour celles qui les paient) la contribution à la guerre.
 
De plus, il n’est pas certain que les ménages, déjà sévèrement touchés par l’augmentation des prix, voient d’un très bon œil l’augmentation de l’impôt. Disons que pour se faire réélire, ce n’est pas ce qu’il y a de plus sage, même si M. Le Maire a appelé à la participation de chacun dans les efforts de guerre. D’ailleurs, l’auteur de ces lignes se demande bien si ce message a une chance de passer, puisque des sacrifices, cela fait près de deux ans que nous en faisons. Il resterait bien l’option d’envoyer des chèques énergie à la population mais on parlerait de sommes bien plus élevées que ce que le gouvernement nous a habitué. C’est une option qu’a d’ores et déjà écarté M. Le Maire disant que l’État n’appliquera pas le “quoi qu’il en coûte”.
 
De son côté, le ministre de l’Économie se dit près à faire des concessions sur l’allègement des taxes perçus sur les revenus de l’essence – qui représentent la majorité du prix à la station – tout en militant surtout pour un découplage au niveau européen du prix du gaz et du nucléaire. Ces deux dernières options présentent chacune un obstacle.
 
D’abord, baisser le prix des taxes, en particulier sur l’énergie, quand celles ci servent pour partie à financer la rénovation du parc nucléaire français, c’est se condamner à investir moins – pour le long-terme rappelons le – par manque d’argent. Ensuite, si découplage il devait y avoir, rendrait encore plus difficile l’unité entre européens. Ce serait surtout dire adieu au projet européen, qui s’est fondé, rappelons le, à l’aide d’une alliance économique sur l’énergie.
 
Pour aller plus loin sur l’impact économique en Anjou:

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