Derrière les mots : Décryptage sémantique de l’allocution de Macron du 28 octobre

A travers ses deux aspects dominants, nous analyserons le discours du Président de la République prononcé le mercredi 28 octobre 2020, que vous retrouverez en intégralité en fin d’article.

Cette allocution s’est articulée autour de cinq paragraphes :

« Quelle est à cette heure la situation de notre épidémie ? »
« Quels sont nos objectifs ? »
« Quelles sont dès lors les stratégies possibles pour arriver à ces objectifs ? »
« Quelle est donc aujourd’hui la bonne stratégie à retenir ? »
« Quelles seront les règles de cette nouvelle étape ? »

Nous n’étudierons pas ces paragraphes déséquilibrés – le dernier est de loin le plus long – les uns après les autres, mais examinerons les deux piliers soutenant l’ensemble du discours présidentiel : le facteur émotionnel et la confusion des sujets.

La corde sensible exploitée au maximum

Après avoir rappelé les chiffres de la veille – « près de 3000 personnes en réanimation, soit la moitié des capacités nationales », Emmanuel Macron tient ce constat : « Nous avons pris des mesures. Elles étaient déjà difficiles et je sais qu’elles ont été perçues comme telles par beaucoup d’entre vous. Elles étaient indispensables et elles ont souvent été contestées parce qu’elles ne faisaient pas plaisir. »

C’est un procédé par lequel Macron retourne le mécontentement populaire et la contestation rationnelle en conséquences d’un sentiment : les mesures « ne faisaient pas plaisir ». Ce qui nous amène au premier aspect dominant de l’allocution : jouer la corde sensible, aller sur le terrain de l’affect et du ressenti personnel, pour que chaque Français s’identifie au Président et se sente solidaire de ses paroles.

« Avons-nous tout bien fait ? », poursuit le chef de l’État. « Non, et je l’ai dit il y a quinze jours, on peut toujours s’améliorer, mais nous avons fait tout notre possible et je crois profondément que notre stratégie était, compte tenu des informations qui étaient les nôtres, la bonne. » Nouveau mélange, mais du point de vue de l’action gouvernementale cette fois, de la prise de décision rationnelle avec la sensibilité propre à chaque être humain. Un faux mea culpa, sur la base du principe intangible qu’« on peut toujours s’améliorer », tout en affirmant avec aplomb que « notre stratégie était la bonne ».

« Nous aurions collectivement sans doute dû davantage respecter les gestes barrière en particulier au sein de la famille ou avec les amis qui sont les lieux où nous nous sommes le plus contaminé. Faut-il nous le reprocher maintenant ? »

Là encore, il s’agit pour Macron que le téléspectateur s’identifie à lui, à mesure qu’il appuie sur l’émotion partagée. Quelques secondes plus tard, le constat se mêle à nouveau à l’affectif : « Si nous ne donnons pas aujourd’hui un coup de frein brutal aux contaminations, les médecins devront alors choisir, ici entre un patient atteint du COVID et une personne victime d’un accident de la route, là entre deux malades du COVID. Ce qui, compte tenu des valeurs qui sont le nôtres, de ce qu’est la France, de ce que nous sommes, est inacceptable. »

C’est en exposant la première des différentes stratégies possibles pour parvenir à l’objectif de « protéger » « les plus fragiles », « nos soignants », « les plus modestes » et « l’économie », que Macron va avoir les mots les plus marquants sur ce registre émotionnel :

« Nous pourrions – certains le préconisent – ne rien faire, assumer de laisser le virus circuler. C’est ce qu’on appelle la recherche de « l’immunité collective » c’est-à-dire lorsque 50, 60% de la population a été contaminée.

Le Conseil Scientifique a évalué les conséquences d’une telle option.

Elles sont implacables : à très court terme cela signifie le tri entre les patients à l’hôpital. Et d’ici quelques mois c’est
au moins 400 000 morts supplémentaires à déplorer. »

Et de poursuivre : « Jamais la France n’adoptera cette stratégie. Jamais nous ne laisserons mourir des centaines de milliers de nos citoyens, ce ne sont pas nos valeurs, ça n’est pas non plus notre intérêt. »

Le summum de l’émoi est atteint avec cet épouvantail – réel ou supposé, ce n’est pas le sujet ici – de centaines de milliers de morts supplémentaires, qui ferait monter le bilan total à un demi-million de décès dus au COVID en France. Évidemment, personne n’est d’accord avec l’idée de « laisser mourir » 400.000 personnes, et ce refus évident forme une grosse ficelle pour que le spectateur donne son assentiment au discours du Président, non seulement à cet instant précis, mais à l’ensemble des propos tenus.

A des niveaux légèrement inférieurs, Macron poursuivra son discours avec des récurrences sur cet aspect « sensible », notamment quand il demande aux Français « moins de réunions avec la famille, avec les amis, même si c’est un crève-cœur ».

Toujours afin d’arracher l’accord tacite ou explicite de son locuteur, le Président entame la conclusion de son discours par ces mots :

« Mes chers compatriotes, nous avons tous été surpris par l’accélération soudaine de l’épidémie. Tous. Si je sais la lassitude, cette impression « d’un jour sans fin » qui tous nous gagne, nous devons, quoiqu’il arrive, rester unis et solidaires, et ne pas céder au poison de la division.

Cette période est difficile en cela qu’elle éprouve notre résilience et notre unité. Mais elle est un révélateur de ce que nous sommes. Des femmes et des hommes liés les uns aux autres. Très peu de générations auront eu comme la nôtre autant de défis ensemble. »

C’est ici un moyen de faire adhérer, non seulement au discours, mais également aux actes de l’exécutif français, et de se sentir solidaire du gouvernement ; le cas contraire reviendrait à « céder au poison de la division ». Ce qui nous amène logiquement au deuxième aspect dominant.

La confusion totale et volontaire entre « je », « nous » et « vous »

Tout au long de son discours, Emmanuel Macron va créer et nourrir une confusion volontaire entre « je », lui-même, « nous » les gouvernants et « vous » les gouvernés. Nous allons reprendre sous ce nouvel angle d’approche certains extraits déjà vus et d’autres intéressants à étudier.

« Mes chers compatriotes, » commence tout d’abord le chef de l’État, « La dernière fois que je me suis adressé à vous au sujet de la pandémie qui nous frappe, j’avais fixé un délai – une dizaine de jours – pour juger de l’efficacité des choix faits et décider de l’opportunité de mesures nouvelles.

Nous y sommes. » Jusque-là, séparation claire et nette entre le « je » présidentiel, le « vous » citoyens et le « nous » tous ensemble. Maintenant que les pièces que sont ces mots ont été placées, Macron va petit à petit les faire s’enchevêtrer dans un tour de passe-passe pour que le « nous » et le « vous » soit de plus en plus flou.

« Nous avons pris des mesures. Elles étaient déjà difficiles et je sais qu’elles ont été perçues comme telles par beaucoup d’entre vous. » L’embrouille commence. Le « nous » tous ensemble est devenu le « nous » gouvernants. La confusion atteint un degré bien plus élevé l’instant suivant :

« Avons-nous tout bien fait ? Non, et je l’ai dit il y a quinze jours, on peut toujours s’améliorer, mais nous avons fait tout notre possible et je crois profondément que notre stratégie était, compte tenu des informations qui étaient les nôtres, la bonne. […] Nous aurions collectivement sans doute du davantage respecter les gestes barrière en particulier au sein de la famille ou avec les amis qui sont les lieux où nous nous sommes le plus contaminés. Faut-il nous le reprocher maintenant ?»

L’effet d’optique est total. Pendant qu’il fait un faux mea culpa, il rejette tout à coup la faute sur le « nous » qui aurions « du davantage respecter les gestes barrière » et qui « nous sommes contaminés », en fait un « vous » masqué, avec le « nous » qui ne mérite pas les « reproche[s] maintenant », en réalité le « nous » des gouvernants. La conséquence sémantique est simple : si le Français doit reprocher la situation actuelle, c’est à lui-même avant toute critique du gouvernement.

« Si nous ne donnons pas aujourd’hui un coup de frein brutal aux contaminations », continue Macron, « les médecins devront alors choisir, ici entre un patient atteint du COVID et une personne victime d’un accident de la route, là entre deux malades du COVID. Ce qui, compte tenu des valeurs qui sont les nôtres, de ce qu’est la France, de ce que nous sommes, est inacceptable. » Même effet de manche, même résultat que le paragraphe précédemment étudié.

Concernant les soignants, « Nous leur devons de prendre toutes les précautions pour limiter la propagation du virus. Si nous ne le faisons pas pour nous, pour nos proches, faisons-le pour eux ». Le « nous » semble ici exclure le Président et le gouvernement, déjà irréprochables contrairement au « nous » des gouvernés coupables de manque de vigilance, de relâchement.

Sur la protection des uns et des autres, Macron finit par « Enfin, il nous faut protéger notre économie. Je ne crois pas à l’opposition entre santé et économie que certains voudraient instaurer. » Le mot « certains » est tout à fait excluant ici : ceux qui voient une « opposition entre santé et économie » n’appartiennent définitivement pas au « je », ni surtout au « nous », ce seraient en quelque sorte des séparatistes du registre sanitaire.

Pourtant, le gouvernement a déjà démontré, dans le passé et jusqu’aujourd’hui inclus, qu’il privilégiait le profit capitaliste à toute autre chose. Ce que le chef de l’État contredit avec aplomb : « Sans jamais perdre de le vue un principe intangible : pour nous, rien n’est plus important que la vie humaine. » Le « nous » des Français, pour qui la vie humaine est plus importante que tout, semble évident, mais il se mêle ici au « nous » le gouvernement, qui se range cette fois derrière l’avis évident et légitime des citoyens.

La suite du discours est du même tonneau : « Jamais nous ne laisserons mourir des centaines de milliers de nos citoyens, ce ne sont pas nos valeurs, ça n’est pas non plus notre intérêt » mêlant ici « intérêt » ultralibéral et capitaliste avec l’« intérêt » général et populaire ; « nous avons appris de nos insuffisances, de nos manques durant la première vague » ; « par rapport à mars-avril, nous avons progressé ».

Un éclair de sincérité apparaît au moment du discours où une énième évidence est énoncée pour introduire un principe nouveau : « L’économie ne doit ni s’arrêter, ni s’effondrer ! Je vous invite donc, dans la mesure des possibilités de chacun, à participer de cet effort en travaillant.» Voici donc le confinement où tout est interdit mais où travailler est obligatoire – derrière « l’invitation » de Macron, se trouvent les exigences de la classe capitaliste qui ne fera pas de cadeau aux déserteurs.

Plus tard, le Président formule ainsi sa notion des responsabilités en cette période inédite.

« Nous avons aussi besoin du sens des responsabilités de chacun et de l’esprit citoyen de tous. Restez au maximum chez vous. Respectez les règles.

Une fois encore je vous le dis, la réussite dépend du civisme de chacune et chacun d’entre nous.»

« Respectez les règles » car « nous [en] avons besoin » : voilà qui pourrait résumer toutes les invitations, toutes les injonctions, toute la politique du Président Macron. Plus loin, plus tard, il poursuit :

« Nous avons tous été surpris par l’accélération soudaine de l’épidémie. Tous. » Tous ? Pas tout à fait, quand on prend en compte les cris d’alarme des soignants lancés depuis des mois, qui alertaient sur le manque de préparation, le manque de moyens humains et matériels, la mauvaise organisation des hôpitaux.

La fin de l’allocution du chef de l’État est un bijou en la matière de confusion entre « je », « nous » et vous ». La voici :

« Mais j’ai confiance en vous. Confiance en notre capacité à surmonter cette épreuve. Nous devons tenir, chacun à notre place, dans la transparence, le débat, dans la détermination pour appliquer les règles que nous nous fixons et en nous serrant les coudes. A nouveau, nous nous relèverons. Si nous sommes unis, et nous serons unis. Nous avons besoin des uns des autres, nous sommes une nation unie et solidaire et c’est à cette condition que nous y arriverons. Nous sommes la France. Je compte sur chacun d’entre vous, je serai là, nous serons là, et nous y arriverons tous ensemble. »

Dans cet épilogue, le « nous » désigne tour à tour le gouvernement, les citoyens et l’ensemble de la nation française. Le diamant se situant certainement dans ce groupe nominal : « les règles que nous nous fixons ». Le premier « nous » désigne le gouvernement, le second « nous » les Français.

A quoi sert une telle confusion ? Essentiellement à brouiller les cartes des responsabilités, qui sont inversées : le gouvernement faisant tout ce qui est possible et souhaitable, respectant les règles fixées par « nous », ce seraient « certains » Français malveillants qui se rendraient responsables d’une dégradation de la situation sanitaire – et certainement pas Macron lui-même, exempt de tout reproche, qui trouve génial et juste d’imposer un confinement où tout est interdit, tout en « invitant » les Français à se rendre au travail, tout en leur demandant de « rester au maximum » chez eux.

L’évocation du « débat » est vite masquée par l’ensemble d’injonctions d’être « unis ». Il serait « irresponsable » de remettre en question la justesse des règles « que nous nous fixons », puisque nous sommes tous associés à cette prise de décision.

En filigrane, dans les propos de Macron, dont on retient de prime abord surtout l’aspect affectif et émotionnel, le refus des « 400.000 morts supplémentaires », le désordre sémantique sert un ordre qui ne dit pas son nom, qui est même réfuté par le Président lui-même : l’ordre capitaliste qui place bien le profit individuel d’une infime classe au-dessus de la vie humaine des travailleurs, sommés de jouer à la roulette russe quand, à cinquante ans ou plus, ils sont cordialement « invités » à travailler, alors que toutes les statistiques à disposition montrent la multiplication des foyers épidémiques au travail et à l’école. Par l’imbroglio entre « nous » et « vous », Emmanuel Macron tente d’affirmer que seule la voie qu’il a tracée est valable ; mais avec ce semi-confinement brutal, il finira par répondre de ses propres responsabilités quand le recul nécessaire à l’analyse de la séquence sera rendu possible.

L’intégralité de l’allocution présidentielle du 28 octobre 2020

Françaises, Français,

Mes chers compatriotes,

La dernière fois que je me suis adressé à vous au sujet de la pandémie qui nous frappe, j’avais fixé un délai – une dizaine de jours – pour juger de l’efficacité des choix faits et décider de l’opportunité de mesures nouvelles.

Nous y sommes.

Et si les efforts consentis ont été utiles, la lucidité commande d’admettre que cela ne suffit pas, cela ne suffit plus.

Quelle est à cette heure la situation de notre épidémie ?

Le virus circule en France à une vitesse que même les prévisions les plus pessimistes n’avaient pas anticipée.

Le nombre de contaminations rapporté à la population a doublé en moins de deux semaines.

Hier, 527 de nos compatriotes sont décédées du COVID-19. Hier, nous avons dénombré près de 3000 personnes en réanimation, soit plus de la moitié des capacités nationales.

A la différence de la première vague, l’ensemble des régions se trouvent aujourd’hui au seuil d’alerte. Dans de nombreux endroits, pour prendre en charge les patients COVID-19, nous avons commencé à déprogrammer des opérations du cœur ou du cancer – parfois les mêmes qui avaient dû être décalées au printemps.

Nous avons pris des mesures. Elles étaient déjà difficiles et je sais qu’elles ont été perçues comme telles par beaucoup d’entre vous. Elles étaient indispensables et elles ont souvent été contestées parce qu’elles ne faisaient pas plaisir. Elles se révèlent toutefois insuffisantes pour endiguer une vague qui aujourd’hui touche toute l’Europe.

Notre stratégie a été définie dès l’été, c’était de vivre avec le virus. Il s’agissait de maîtriser sa circulation en nous appuyant sur nos capacités pour « tester, alerter, protéger », sur les gestes barrières, sur la protection des plus fragiles et des mesures de ralentissement de l’épidémie territorialisées, au plus près du terrain. C’est ce que nous avons fait depuis le mois d’août.

Avons-nous tout bien fait ? Non, et je l’ai dit il y a quinze jours, on peut toujours s’améliorer, mais nous avons fait tout notre possible et je crois profondément que notre stratégie était, compte tenu des informations qui étaient les nôtres, la bonne. Elle fut d’ailleurs celle de tous les pays européens. Nous aurions pu aller plus vite, au début sur les tests, mais depuis plusieurs semaines nous sommes un des pays d’Europe qui teste le plus. Nous aurions collectivement sans doute dû davantage respecter les gestes barrière en particulier au sein de la famille ou avec les amis qui sont les lieux où nous nous sommes le plus contaminé. Faut-il nous le reprocher maintenant ?

Mais surtout il faut reconnaître que, comme tous nos voisins, nous sommes submergés par l’accélération soudaine de l’épidémie, par un virus qui semble gagner en force à mesure que l’hiver approche, que les températures baissent. Une fois encore, il faut avoir beaucoup d’humilité.

Nous sommes tous, en Europe, surpris par l’évolution du virus. Certains pays, comme l’Espagne, l’Irlande, les Pays-Bas, ont pris plus tôt des mesures plus dures que les nôtres. Pourtant, tous, nous en sommes au même point : débordés par une deuxième vague qui, nous le savons désormais, sera, sans doute, plus dure et plus meurtrière que la première.

A ce stade, nous savons que quoi que nous fassions, près de 9000 patients seront en réanimation à la mi-novembre, soit la quasi-totalité des capacités françaises. Nous nous organisons bien sûr pour y faire face, rouvrir des lits supplémentaires et nous allons faire le maximum d’efforts tous ensemble, mais ce n’est pas suffisant.

Si nous ne donnons pas aujourd’hui, un coup de frein brutal aux contaminations, nos hôpitaux seront très vite saturés sans que nous ayons, cette fois, la possibilité de transférer beaucoup de patients d’une région à une autre parce que le virus est partout.

Si nous ne donnons pas aujourd’hui un coup de frein brutal aux contaminations, les médecins devront alors choisir, ici entre un patient atteint du COVID et une personne victime d’un accident de la route, là entre deux malades du COVID. Ce qui, compte tenu des valeurs qui sont le nôtres, de ce qu’est la France, de ce que nous sommes, est inacceptable.

Dans ce contexte, ma responsabilité est de protéger tous les Français. Et en dépit des polémiques, en dépit de la difficulté des décisions à prendre, je l’assume pleinement devant vous ce soir.

Quels sont nos objectifs ?

D’abord, c’est le premier, protéger les plus âgés, les plus fragiles, celles et ceux qui sont atteint de diabète, d’obésité, d’hypertension, de maladies chroniques et qui sont les premières victimes du COVID-19.

L’âge est le facteur prépondérant. 85% des malades décédés ont plus de 70 ans.

Notre deuxième objectif c’est de protéger les plus jeunes.

Je l’ai déjà dit, si le virus tue les plus âgés, il tue aussi, même si c’est plus rare, les plus jeunes.

Aujourd’hui, au moment où je vous parle, 35% des personnes en réanimation ont moins de 65 ans. Il touche donc sous des formes graves, toutes les générations.

Et nous ne savons pas dire aujourd’hui quelles sont les séquelles à long terme. Perte d’odorat, perte de goût, difficultés respiratoires : contracter ce virus, n’est jamais anodin, même lorsqu’on a 20 ans.

Troisième objectif c’est de protéger nos soignants qui, à l’hôpital, dans les structures médico-sociales, en ville, ont déjà beaucoup donné durant le printemps. Ils ont ensuite dû redoubler d’activité durant l’été pour rattraper les actes reportés au printemps et, malgré la fatigue, ils font face aujourd’hui à cette montée soudaine des urgences.

Nous leur devons de prendre toutes les précautions pour limiter la propagation du virus. Si nous ne le faisons pas pour nous, pour nos proches, faisons-le pour eux.

Il s’agit troisièmement de protéger les plus modestes qui, parce qu’ils vivent dans des lieux plus exigus, parce qu’ils occupent des emplois précaires, sont les plus touchés par le virus sur le plan sanitaire, mais ce sont aussi les plus touchés par les conséquences économiques et sociales de la crise.

Enfin, il nous faut protéger notre économie.

Je ne crois pas à l’opposition entre santé et économie que certains voudraient instaurer.

Il n’y a pas d’économie prospère dans une situation sanitaire dégradée avec un virus qui circule activement. Et, je vous le dis très clairement, il n’y a pas non plus, de système de santé qui tient s’il n’y a pas une économie forte pour le financer.

C’est donc un juste équilibre qu’il nous faut sans cesse rechercher.

Sans jamais perdre de le vue un principe intangible : pour nous, rien n’est plus important que la vie humaine.

Quelles sont dès lors les stratégies possibles pour arriver à ces objectifs ?

Nous pourrions – certains le préconisent – ne rien faire, assumer de laisser le virus circuler. C’est ce qu’on appelle la recherche de « l’immunité collective » c’est-à-dire lorsque 50, 60% de la population a été contaminée.

Le Conseil Scientifique a évalué les conséquences d’une telle option.

Elles sont implacables : à très court terme cela signifie le tri entre les patients à l’hôpital. Et d’ici quelques mois c’est au moins 400 000 morts supplémentaires à déplorer.

Jamais la France n’adoptera cette stratégie. Jamais nous ne laisserons mourir des centaines de milliers de nos citoyens, ce ne sont pas nos valeurs, ça n’est pas non plus notre intérêt.

Une deuxième voie serait de confiner les seules personnes à risque. Cette voie n’est pas non plus au moment où je vous parle utilisable.

D’abord elle suppose une discussion éthique.

D’une part nos aînés comme les personnes vulnérables, ont souvent besoin d’une assistance extérieure pour leurs soins, leur ménage, la livraison de leurs repas – certains vivent aussi avec leurs proches, leurs enfants, souvent par manque de moyens. Et donc créer une forme de bulle autour d’une génération, de certaines personnes, comme une barrière entre les générations, n’est pas réaliste et à ce stade insuffisant.

D’autre part le virus se développe et développe des formes graves chez les plus jeunes. Et donc, confiner les seules personnes âgées, est inefficace : parce que le virus circulerait toujours trop vite et sous des formes graves dans le reste de la population. Et donc nous ne pourrions pas protéger nos soignants, nos urgences et même à terme nos aînés avec cette stratégie.

Elle peut être pertinente mais elle n’est pas suffisante.

Nous pourrions également faire le pari de tout miser sur la stratégie du « Tester, alerter, protéger. »

Après tout, nous réalisons 1.9 million de tests par semaine, nous sommes l’un des meilleurs pays d’Europe en la matière. Et, grâce au travail remarquable de l’Assurance maladie, des Agences Régionales de Santé, 100 000 appels sont passés chaque jour pour identifier les cas contact et briser les chaînes de contamination.

Mais si ce système peut être efficace avec quelques milliers de cas par jour, nous avons aujourd’hui entre 40 000 et 50 000 contaminations quotidiennes dépistées, sans doute en réalité le double. Ce système n’est plus efficace, et d’ailleurs aucun pays européen ne le retient plus aujourd’hui.

Quant à la piste de l’augmentation de nos capacités de réanimation que certains évoquent comme une piste qui nous permettrait de ne pas prendre des mesures difficiles aujourd’hui. Je vais vous dire très clairement, nous sommes en train de le faire mais là non plus ce n’est pas une bonne réponse.

Nous avons les stocks de médicaments, les respirateurs, les masques, les blouses et les gants, tout le matériel nécessaire parce que nous avons appris de nos insuffisances, de nos manques durant la première vague.

Nous avons aussi formé près de 7000 infirmiers et médecins pour pouvoir travailler en réanimation et nous avons aussi repoussé nos capacités qui sont passées de 5000 lits avant la première vague à 6000 aujourd’hui, nous allons les porter au-delà de 10 000 lits en réanimation. Un effort colossal a été fait de formation, d’investissement. Mais il n’est pas suffisant face à cette vague

Nous agissons aussi sur le moyen terme : le Ségur de la santé qui correspond à 8 milliards par an investis dans l’hôpital et notre santé permettra de renforcer l’attractivité des métiers.

Mais il faut cinq ans pour former un infirmier-réanimateur, dix ans pour former un anesthésiste. Il n’y a pas de solution magique, ce n’est pas en quelques mois que nous pourrons créer véritablement une capacité totalement différente. Nous ne pourrons pas non, compte tenu que les autres pays européens sont saturés, faire appel à une main d’œuvre étrangère à court terme.

Du reste, quand bien même nous pourrions ouvrir beaucoup plus de lits et malgré l’effort de doublement que nous avons réussi qui peut sérieusement vouloir que des milliers de nos compatriotes passent des semaines en réanimation avec les séquelles que cela implique sur le plan médical ?

Quelle est donc aujourd’hui la bonne stratégie à retenir ?

Confiner les plus âgés, les plus vulnérables, tester, alerter, protéger, augmenter les lits de réanimation : aucune de ces solutions n’est suffisante l’état actuel. Il faut donc aller plus loin.

Après avoir consulté les scientifiques, dialogué avec les forces politiques, économiques et sociales, après avoir échangé aussi avec nos partenaires européens, et pesé le pour et le contre, j’ai décidé qu’il fallait retrouver à partir de vendredi le confinement qui a stoppé le virus.

Tout le territoire national est concerné, avec des adaptations pour les seuls départements et territoires d’outre-mer.

Mais parce que nous avons appris des événements du printemps, ce confinement sera adapté sur trois points principaux :

– les écoles resteront ouvertes,

– le travail pourra continuer,

– les EPHAD et maisons de retraite pourront être visités.

Quelles seront les règles de cette nouvelle étape ?

Le Gouvernement les détaillera demain lors d’une conférence de presse. Il y a d’abord ce qui ne changera pas par rapport à ce que nous avons vécu au printemps.

Comme au printemps, vous pourrez sortir de chez vous uniquement pour travailler, vous rendre à un rendez-vous médical, pour porter assistance à un proche, pour faire vos courses essentielles ou prendre l’air à proximité de votre domicile. C’est donc le retour de l’attestation.

Comme au printemps, les réunions privées en dehors du strict noyau familial seront donc exclues, les rassemblements publics seront interdits, et vous ne pourrez pas vous déplacer d’une région à l’autre, à l’exception des retours de vacances de la Toussaint, et donc il y aura une tolérance durant ce week-end de retour pour que chacune et chacun puisse revenir de son lieu de vacances, pour que les familles puissent s’organiser.

Les commerces qui ont été définis au printemps comme non essentiels, les établissements recevant du public, notamment les bars et restaurants, seront fermés.

Comme au printemps, le « quoiqu’il en coûte », cette réponse économique parmi les plus protectrices du monde se poursuivra. Elle sera même plus importante qu’en mars pour nos petites entreprises fermées administrativement avec la prise en charge jusqu’à 10 000 euros par mois de leurs pertes en chiffres d’affaires. Les salariés et les employeurs qui ne peuvent pas travailler continueront quant à eux à bénéficier du chômage partiel. Et nous complèterons par des mesures de trésorerie pour les charges et les loyers des prochaines semaines et un plan spécial sera fait pour les indépendants, les commerçants les très petites et moyennes entreprises qui je sais, redoutent plus que tout la crise.

Par rapport à mars-avril, nous avons progressé. C’est pourquoi certaines règles vont évoluer.

D’abord, nos enfants ne sauraient être durablement privés d’instruction, d’éducation, de contact avec le système scolaire. Trop de conséquences, trop de dégâts, en particulier pour les plus modestes. Les crèches, les écoles, les collèges et les lycées demeureront donc ouverts avec des protocoles sanitaires renforcés. Les facultés et établissements d’enseignement supérieur assureront à l’inverse des cours en ligne.

Partout où c’est possible, le télétravail sera à nouveau généralisé. Mais, et c’est une seconde différence par rapport au printemps, l’activité continuera avec plus d’intensité. Les guichets des services publics resteront ouverts. Les usines, les exploitations agricoles, les Bâtiments et Travaux Publics continueront de fonctionner.

L’économie ne doit ni s’arrêter, ni s’effondrer ! Je vous invite donc, dans la mesure des possibilités de chacun, à participer de cet effort en travaillant, en soutenant les entreprises qui, proches de chez vous, ont innové à travers des commandes à distance, la vente à emporter ou la livraison à domicile. Le Gouvernement accompagnera les TPE/PME comme les artisans qui entreprendront des démarches de numérisation.

Nos frontières intérieures à l’espace européen demeureront ouvertes et sauf, exception, les frontières extérieures resteront fermées. Bien évidemment, les Français de l’Etranger resteront libres de regagner le territoire. Dans les ports et les aéroports pour les déplacements internationaux, des tests rapides obligatoires seront déployés pour toutes les arrivées. Aucun voyageur ne doit pouvoir entrer sur le territoire européen sans qu’on soit certain qu’il n’est pas porteur du virus.

Enfin, pour éviter que ne se nouent des drames humains où des personnes en fin de vie se retrouvent totalement isolées, les visites en maison de retraite ou en EHPAD seront cette fois autorisées dans le strict respect des règles sanitaires. Je souhaite aussi que les personnes en situation de handicap puissent bénéficier des souplesses dont elles sont besoin. Quant aux cimetières, en cette période marquée par la Toussaint, ils demeureront ouverts, et je veux que nous puissions continuer à enterrer dignement nos proches.

Ce nouveau confinement ne réussira que par la mobilisation de tous et chacun à son rôle à jouer.

Aux personnes à risque, aux plus vulnérables, aux personnes âgées de plus de 70 ans, je demande une vigilance accrue. Moins de réunions avec la famille, avec les amis, même si c’est un crève-cœur. Et le respect de la distanciation physique, y compris au domicile, le port du masque systématique lorsqu’on se trouve à l’intérieur en présence d’une autre personne, même un proche, un enfant ou un petit enfant. C’est très important pour vous.

Les soignants à l’hôpital, jouent évidement dans ce contexte un rôle essentiel, mais nous avons besoin des médecins de ville, des infirmiers, des pharmaciens, de tous les acteurs du médicosocial, de tous les professionnels de santé de ville pour assurer une prise en charge précoce des patients dès les premiers symptômes pour éviter que ne se développent des formes complexes.

Nous avons besoin de nos élus, nos maires ont joué un rôle essentiel et je les salue. Maires, présidents et présidentes d’intercommunalités, de métropoles, élus de terrain, nous allons avoir besoin de vous de manière encore accrue, pour proposer et aller plus loin en matière de prévention mobiliser nos associations pour accompagner les personnes les plus isolées, les moins bien informées et assurer la bonne application des mesures prises. Que ce soit près de nos jeunes dans le temps périscolaire ou pour accompagner les personnes les plus vulnérables ou les plus âgées.

Nous avons besoin des forces de sécurité intérieure pour garantir l’application des mesures, de nos forces de sécurité civile pour déployer les plateformes de test et aller au contact de la population.

Nous avons aussi besoin du sens des responsabilité de chacun et de l’esprit citoyen de tous. Restez au maximum chez vous. Respectez les règles.

Une fois encore je vous le dis, la réussite dépend du civisme de chacune et chacun d’entre nous.

Comment cette nouvelle étape va-t-elle se dérouler dans le temps ?

Chaque heure compte. L’ensemble de ces mesures entreront donc en application au plus vite. Elles le seront dans la nuit de jeudi à vendredi, et seront appliquer a minima jusqu’au 1er décembre.

Dès demain, un débat suivi d’un vote se tiendra au Parlement. Dès demain le Gouvernement détaillera toutes ces mesures, nous devons nous honorer de cette transparence et du fait que ces décisions difficiles se passent dans un cadre démocratique, où toutes les oppositions peuvent s’exprimer.

Dès demain également, je participerai à un Conseil européen pour coordonner les réponses sanitaires des différents pays de l’Union.

Tous les quinze jours, nous ferons le point sur l’évolution de l’épidémie et déciderons, le cas échéant, de mesures complémentaires. Et nous évoluerons alors si nous pouvons alléger certaines contraintes en particulier sur les commerces. Je sais que beaucoup de commerçants espéraient ne pas fermer. Je sais que pour les commerces de centre-ville je demande un très gros effort. Tenons-le avec beaucoup de rigueur pendant 15 jours. Si d’ici 15 jours nous maitrisons mieux la situation nous pourrons alors réévaluer les choses et espérer ouvrir certains commerces, en particulier dans cette période si importante avant les fêtes de noël. Nous verrons si nous pourrons cultiver l’espoir de célébrer en famille ce moment si précieux de Noël et des fêtes de fin d’année.

Notre objectif à terme est simple : réduire très fortement les contaminations – de 40 0000 contaminations par jour à 5000, ralentir significativement le rythme des entrées à l’hôpital et en réanimation.

Et ce n’est qu’alors que nous pourrons redéployer une stratégie « Tester, Alerter, Protéger » renouvelée, complétée. C’est pourquoi durant ces semaines nous allons aussi produire des efforts massifs pour mettre en place beaucoup plus de plateformes de test à travers des innovations et une nouvelle organisation. Nous devons collectivement déployer beaucoup plus massivement l’application TOUSANTICOVID, qui sera un instrument de la sortie de cette phase de confinement. Tests en 30 minutes, meilleurs traçage, isolement plus efficace des personnes positives qui est un sujet sur lequel nous devons encore réfléchir. Une fois le pic épidémique passé tous ces outils doivent nous permettre demain de tenir jusqu’au vaccin, à l’été, nous disent les scientifiques.

Mes chers compatriotes, nous avons tous été surpris par l’accélération soudaine de l’épidémie. Tous. Si je sais la lassitude, cette impression « d’un jour sans fin » qui tous nous gagne, nous devons, quoiqu’il arrive, rester unis et solidaires, et ne pas céder au poison de la division.

Cette période est difficile en cela qu’elle éprouve notre résilience et notre unité. Mais elle est un révélateur de ce que nous sommes. Des femmes et des hommes liés les uns aux autres. Très peu de génération auront eu comme la nôtre autant de défis ensemble. Cette pandémie historique, les crises internationales, le terrorisme, les divisions de la société et une crise économique et sociale sans précédent liée à la première vague. Mais j’ai confiance en vous. Confiance en notre capacité à surmonter cette épreuve. Nous devons tenir, chacun à notre place, dans la transparence, le débat, dans la détermination pour appliquer les règles que nous nous fixons et en nous serrant les coudes. A nouveau, nous nous relèverons. Si nous sommes unis, et nous seront unis. Nous avons besoin des uns des autres, nous sommes une nation unie et solidaire et c’est à cette condition que nous y arriverons. Nous sommes la France. Je compte sur chacun d’entre vous, je serai là, nous serons là, et nous y arriverons tous ensemble.

Vive la République.

Vive la France.

4 réflexions sur “Derrière les mots : Décryptage sémantique de l’allocution de Macron du 28 octobre

  • 29 octobre 2020 à 16h50
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    Cet odieux personnage aurait dû continuer le théâtre.
    Ce gouvernement n’est plus crédible.
    Tout est manipulation ,propagande ,le COVID est devenu l’arbre qui cache la forêt
    Incompétence, copinage ruineront ce pays,les riches empochent toujours plus,les artisans ruinés n’auront droit à Rien

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    • 29 octobre 2020 à 22h05
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      Présentez vous à la prochaine présidence, messieurs les gros malins ! C’est si facile de prôner l’incompétence du gouvernement (quel qu’il soit), et de ricaner dans son coin. Commencez par évaluer votre propre compétence !

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      • 25 novembre 2020 à 19h46
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        IL EST FORT POSSIBLE DE FAIRE MIEUX si le but est de proteger les citoyens mais macron protege des banques et des milliardiaires qui debordent déjà des plus colossales fortunes donc essayer de sauver du fric pour des individus qui en sont gavés . normal qu il n y arrive pas. quand le bocal est plein ca ne peut que deborder

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    • 30 octobre 2020 à 0h31
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      Tout à fait d’accord avec vous. Ce personnage parle comme un robot et à la place du cœur préfigure un coffre fort. Les discours sont son point le plus fort et les conséquences les plus destructrices pour la nation et le peuples. Bien sûr au profit de la petite minorité des gens les plus riches de notre pays. Mais cependant, il n’empêchera pas la majorité des citoyens de se rendre compte de ce qu’il fait à la France et aux peuple. Il devra un jour, lui et son gvt rendre des comptes.

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