L’option “Ni Macron Ni Le Pen” le 24 avril est séduisante, mais elle est irréelle, illusoire, imaginaire – en un mot elle n’existe pas

C’est une petite musique qui se fait entendre des classes exploitées des cités et des villages jusqu’aux mouvements étudiants petits-bourgeois parisiens : ni Macron, ni Le Pen. Ce choix semble être le plus juste, du moins pour quiconque a su mesurer à travers la mémoire des anciens ou la rencontre avec des cultures étrangères les dégâts dont est capable l’extrême-droite, après tout le mal provoqué par Monsieur Macron ces cinq dernières années. Il n’en demeure pas moins qu’il est totalement imaginaire.

Ce sera ni les deux, ni aucun

Le principe même du second tour de l’élection présidentielle, de surcroît présentée au suffrage universel des citoyens français, est de départager les deux candidats arrivés en tête du premier tour dans le cas, tellement probable qu’il n’en a jamais été autrement depuis 1965, où aucun n’a obtenu plus de la moitié des voix.

Si le résultat du premier tour ne nous plaît pas, rien ne nous oblige à aller voter au second tour – par contre, beaucoup sont interdits de droit de vote du fait d’une nationalité étrangère ou de perte des droits civiques, quand bien même les premiers habiteraient en France depuis des décennies tout en y payant l’intégralité de leurs impôts, et les seconds auraient purgé leur peine au regard de la société. Mais que rien ne nous oblige à voter au second tour n’empêchera pas l’un ou l’autre des deux candidats de rester ou d’accéder à l’Élysée.

De plus, et nous ne pouvons que le déplorer, le vote blanc n’étant pas comptabilisé et un coup de théâtre du type inconstitutionnalité du scrutin étant exclu, le second tour aura bien lieu dimanche 24 avril et il en ressortira, quels que soient les niveaux d’abstention, de votes nuls et de votes blancs, une ou un vainqueur.

Macron rempilera pour cinq ans…

Ne pas choisir, c’est donc laisser les autres choisir pour nous. Choisir d’une part qui accédera à la magistrature suprême, au rang de chef d’État et chef des Armées ; choisir d’autre part à quel niveau sera son ou sa concurrent(e), niveau qui conditionnera sa capacité à incarner plus que tout autre l’opposition au Président ou à la Présidente qui aura recueilli la majorité des suffrages exprimés.

Certains, conscients que l’extrême-droite est un danger, estiment qu’il n’est pas utile d’apporter leurs voix à Monsieur Macron, considérant que celui-ci est assuré de l’emporter comme en 2017, et que finalement quel que soit le score de Madame Le Pen, son pouvoir de nuisance sera égal. Si elle fait moins de 34% des voix, comme il y a cinq ans, ou plus de 48%, l’échiquier politique sera radicalement différent et les possibilités pour une autre politique, sociale, écologiste, solidaire de susciter l’intérêt et l’aspiration populaire et de prendre forme s’en trouveront considérablement modifiées, aussi bien quantitativement que qualitativement.

…ou Le Pen installera son QG à l’Élysée

Dans le cas contraire, celui où Madame Le Pen est élue dimanche soir, elle et son équipe s’emploieront à s’attaquer aux obstacles qui l’empêcheraient d’exercer totalement son autorité, notamment en transformant le pouvoir législatif par un référendum institutionnel. Les libertés qu’elles prendraient avec la Constitution et l’esprit même de la République seraient à mesure de la distance les séparant de leur possibilité de s’arroger les pleins pouvoirs.

Avec Monsieur Macron, nous savons à quoi nous attendre : la guerre de classe qui s’accentue, l’impératif de profit primant sur tout le reste, les travailleurs et la nature bafoués par les lois du marché. Avec Madame Le Pen, l’avenir est amplement plus incertain, si ce n’est que tout ce que nous redoutons d’un second mandat de l’actuel Président se déroulerait sous son mandat, auquel il faudrait ajouter la guerre entre Français et étrangers sur le sol national, la guerre contre l’immigration qu’elle soit “légale” ou “illégale“, et une politique étrangère non moins basée sur l’impérialisme bleu-blanc-rouge que chez les ultralibéraux mais avec une instabilité et une imprévisibilité que n’envieraient pas Messieurs Poutine et Trump.

Toujours le nationalisme a conduit à la guerre en y menant progressivement, par étapes, un peuple se sentant lésé et dépourvu de ce qui faisait la richesse d’autrefois, passant d’un régime relativement démocratique à un régime clairement autoritaire, d’une République à un État impérial ou inféodé à un Empire, pour finir par jeter toutes les forces vives, tous les fruits de la nation dans un conflit meurtrier et suicidaire – ainsi il en fut de Napoléon Bonaparte, de son neveu Napoléon III comme de Philippe Pétain et Pierre Laval, pour ne prendre que l’époque contemporaine postérieure à la Révolution française.

Ainsi, bien des structures qui apparaissent aujourd’hui comme des entraves au progrès humain, les géants numériques GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft) ou l’Union Européenne technocratique et ultralibérale, sans bouger d’un iota dans leur politique, verraient la situation pourrir sur pied en France à un point tel qu’elles pourraient devenir des alliées objectives d’une Résistance face à ce nationalisme nouvelle génération mais déjà maintes fois éprouvé par le passé.

Le 24 avril, les choses seront tranchées – et pas en faveur d’un “Ni-Ni”

Il ne s’agit pas d’adhérer à une personne, à un parti ainsi qu’à leur vision de la France, mais d’assumer un choix qui de toutes façons sera fait par celles et ceux qui se déplaceront pour mettre dans l’urne autre chose qu’un bulletin blanc ou nul.

Si les étudiants petits-bourgeois parisiens n’ont pas grand chose à craindre d’une arrivée au pouvoir de l’extrême-droite, c’est une autre paire de manches pour les classes exploitées qui se retrouveraient en première ligne de toutes les guerres qu’entend provoquer le capitalisme sous sa forme politique la plus violente qui ait jamais existé.

Ne pas choisir, quand on est conscient du danger représenté par l’extrême-droite, c’est choisir de laisser Le Pen grimper dans les pourcentages, de la laisser devenir a minima la première opposante à Monsieur Macron médiatiquement et politiquement pendant les cinq prochaines années, voire de lui laisser les clés de l’Élysée pour une durée indéterminée.

Bien sûr, choisir a contrario implique de se salir les mains, de s’attirer les foudres, les injures, les caricatures et les moqueries de tout ou partie de son entourage. Mais si la politique n’est pas un jeu, elle en vaut bien la chandelle.

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