Face au tsunami des émeutes, le naufrage politique

Parce qu’on aurait tendance à oublier qu’à l’origine des émeutes, il y a un gamin de 17 ans qui s’est fait tuer, nous aimerions commencer par donner la parole aux premiers concernés et en particulier à la grand-mère de Nahel, qui déclare le 2 juillet 2023: “les gens qui sont en train de casser, je leur dis: arrêtez. Qu’ils ne cassent pas les vitrines, qu’ils ne cassent pas les écoles, pas les bus. Arrêtez, c’est des mamans qui prennent les bus, c’est des mamans qui marchent dehors ! […] On veut que ces jeunes-là restent tranquilles. Nahel, il est mort. Ma fille avait un seul enfant, elle est perdue, c’est fini, ma fille n’a plus de vie. Et moi, ils m’ont fait perdre ma fille et mon petit-fils.” [1]

Nous pourrions, dans le sillage de l’éditorial de M. Jean-François Bouthors au Courrier de l’Ouest (édition d’Angers, NDR) du 6 juillet 2023, appeler désespérément à “un urgent besoin d’humanité” mais il semble que ce principe élémentaire dans le pays des droits de l’homme ait été enterré par nos premiers représentants.

Parce que les premiers responsables, ceux qui mettent de l’huile sur le feu, plus que les médias dominants, qui, finalement, ne font finalement que leur travail, tout nauséabond soit-il, ce sont celles et ceux qui représentent les citoyens, à savoir notre personnel politique.

Attention, il n’est pas question ici d’excuser les violences commises sur des élus, majoritairement celles et ceux qui vivent au quotidien avec leur concitoyen. Ils sont doublement victimes: victimes d’une position guère enviable, victimes concrètes des violences. Eux-mêmes sont lâchés dans l’arène par leur responsable, ceux qui s’écharpent sur les plateaux avec des discours tous plus délétères les uns que les autres. 

Dans cet article, aucun bon point ne sera distribué.

Mais commençons par parler du premier responsable, à savoir M. Macron, qui a eu le toupet de déclarer lors d’un déplacement à Pau: “qui avait prévu ce qu’il allait se passer ?”

Sans vouloir paraphraser le film mais y’a t-il un pilote dans l’avion ? Comment ne peut-il pas comprendre qu’après quarante ans de logique libérale, la situation est plus prévisible que surprenante ? Aurait-il oublié que le pays s’est déjà embrasé en mars, lorsque sa première ministre MME. Elisabeth Borne a recouru au 49-3, lors de la séquence des retraites ?

Ce sont à ces questions qu’on pourrait trouver une tentative de réponse auprès des Républicains, dans le sillon de son chef, M. Eric Ciotti. Le président du parti situé rue Vaugirard fait de son mieux pour sortir la force historique de la droite de l’arc républicain et autant le dire de suite, il le fait très bien. 

Quand on voit le président du groupe au Sénat, M. Retailleau, expliquer qu’il existe “un lien entre émeutes et immigration”, on ne peut qu’admirer la finesse de l’analyse du sociologue, tout en s’émerveillant sur cette méthode qui consiste à se prostituer pour singer la posture de l’extrême-droite.

Il faut dire que cette dernière pourrait organiser des séminaires au pays basque tant elle surfe sur les événements. 

Sa tactique est simple et tient sur deux jambes: être la courroie de transmission des syndicats de la police, qui, rappelons-le, ont abandonné l’action syndicale pour partir en guerre, et être au contact de la population par un militantisme vigoureux. Sauf que dans ce cas précis, on ne distribue pas des tracts mais des coups de matraques.      

S’il y a bien un camp politique qui divague, cela reste la gauche, qui dans son ensemble, coule comme le radeau de la méduse. 

Non seulement les positionnements particuliers sont inaudibles, entre La France Insoumise qui fait office de repoussoir facile et les communistes qui aiment jouer aux idiots utiles. Prenons l’exemple de M. Léon Deffontaines, récemment intronisé chef de file aux élections européennes et qui, dans sa toute première intervention publique, se la joue comme Jacques Chirac en opposant les “jeunesses” entre elles.

Pour autant, le pire se situe ailleurs: les initiatives unitaires sont rares, c’est sûr que c’est plus facile de régler ses comptes sur le dos du cadavre d’un gamin que de travailler à une réponse concrète mais quand elles existent, autant dire qu’elles ne répondent pas du tout à l’exigence du moment. 

Nous en voulons pour preuve un communiqué de presse signé par la plupart des organisations politiques présentes sur la scène angevine, qui est par ailleurs passé inaperçu.

Communiqué de presse unitaire de la gauche angevine.

Ne soyons pas trop bienveillants, ce n’est pas non plus comme si l’état de décomposition dans les quartiers n’était pas dû à l’abandon de ce militantisme qui faisait la fierté des organisations du mouvement social, il y a encore un quart de siècle.

Nous vivons une époque tellement schizophrène que les seuls qui battent le pavé sont les fascistes, alors qu’on devrait voir la riposte s’organiser. 

Le problème, c’est que la déconnexion entre militants et habitants est telle que ces premiers ne savent en réalité plus ce que vivent ces derniers. 

Si, parmi les lecteurs, il y a des militants, combien ont eu le courage de se déplacer pour constater l’ampleur des dégâts, au lendemain des émeutes ?

Ils pourraient y voir la peur de ces gamins, qui, trop jeunes, pensent qu’en lançant des cocktails molotov, ils allaient grandir plus vite. Ils pourraient constater, que le trafic, lui, ne s’est jamais aussi bien porté, en bas des tours. Ils remarqueraient que tous ces apprentis sorciers de la guérilla urbaine sont en demande d’engagement.

Ou alors sommes-nous devenus des borgnes au pays des aveugles ? Ces mêmes jeunes étaient à nos côtés lors de la bataille contre la réforme des retraites. En avons-nous profité pour tisser des liens ? Ou nous aussi, écrasés par ces mêmes grands ensembles qui écrasent les populations qui y vivent, avons préféré quitté ce terrain ? 

Mais le problème c’est que la nature a horreur du vide et demain, tout le monde constatera mais personne n’empêchera les milices factieuses d’organiser des descentes au bas des blocs. 

Tant que ce que nous soulevons, qui devrait pourtant être vue des évidences, n’est pas correctement analysé, on pourra dire ce qu’on voudra, condamner les violences, appeler au calme ou bien au désarmement de la police, aucune de ces mesures ne seront suivies d’effet, alors la rupture entre la gauche et les quartiers populaires ne se comblera pas. La seule chose qu’elle gagnera, c’est d’être condamnée à être perçus comme des petits bourgeois du centre-ville, plus attachés à leur folklore qu’à leur moyen d’action.         

[1] Propos extraits de l’édition angevine du Courrier de l’Ouest, paru le 3 juillet 2023

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