Toujours dans la tendance, jamais dans la bonne direction

Ce n’est plus un secret donc autant l’avouer: celles et ceux qui vont payer “le quoi qu’il en coûte” de M. Macron, ce sont les travailleurs.

Il fallait quand même s’en douter, après deux années à soutenir l’économie française en socialisant les pertes, l’état français remercie les sacrifices des premiers de cordée en privatisant les profits, tout en laissant à la population active – celle qui fut victime de la pandémie – le soin de rembourser la politique du gouvernement via une série de mesures d’austérité.


Alors que l’année 2023 fut marquée par un nouveau recul pour le système de retraites, on annonce déjà une attaque en bonne et due forme contre la Caisse Primaire d’Assurance Maladie (CPAM), en 2024.

Pour rappel, le gouvernement, après une bataille sociale d’une rare intensité, a passé en force le fait de travailler plus longtemps, retardant l’âge de départ minimal à la retraite. 

Avant toutes choses, il peut être important de reprendre le fonctionnement de la Sécurité Sociale: c’est un organisme dont le financement est autonome, par la cotisation des forces productives du pays, employeurs comme salariés. 

Son principe est simple: “on cotise en fonction de ses moyens et on reçoit en fonction de ses besoins”. L’objectif est d’assurer, via la solidarité nationale, les aléas qui jalonnent la vie. Pendant longtemps, la Sécurité Sociale a été indépendante et autonome de l’Etat mais aujourd’hui, c’est lui qui fixe son budget.

Le gouvernement réfléchirait ainsi à opérer des économies sur l’Affection Longue Durée (ALD).

Ce dispositif, pleinement universel – nous insistons sur ce point – vaut comme une prise en charge entière – là encore, nous insistons sur ce point – par la Sécurité Sociale de soins coûteux dans le cadre de maladies chroniques telles que le cancer. 

Le jour d’après

Cette annonce a de quoi surprendre, d’autant qu’elle rendrait inopérantes les dernières législations sur le sujet, en particulier la loi Valletoux, du nom du député Frédéric Valletoux (Horizons), membre de la majorité relative présidentielle.

La loi poursuit l’objectif de rationaliser les soins, aussi bien d’un point de vue territorial, en instaurant “le territoire de santé comme échelon de référence de l’organisation locale de la politique de santé”, que statutaire, afin de préserver des dérives comme l’embauche abusives d’intérimaires ou bien, dans le sillage de l’affaire Orpéa, un contrôle plus strict des cliniques privées.

Concrètement, elle prévoit un élargissement des droits pour les bénéficiaires de l’ALD, notamment la prise en charge des frais d’une infirmière à domicile.

De manière générale, elle se veut comme une réponse globale au mal-être du personnel soignant, corps de métier terrassé par la pandémie du coronavirus en 2020.

Le moins qu’on puisse dire, c’est que l’ardeur de M. Valletoux a été récompensé de la meilleure des manières, puisqu’il a été nommé ministre de la Santé, lors du nouveau remaniement. 

En ce qui concerne la loi, bien qu’elle soit adoptée, on attend encore les premiers décrets d’application.  

Selon le ministère de la Santé, 87% du territoire est un désert médical, une situation aussi vraie en campagne qu’en ville.

Ce qu’on appelle un désert médical, c’est un territoire où les habitants n’ont qu’un accès relatif aux soins. 

Il ne s’agit pas seulement de ne pas avoir rendez-vous avec son médecin traitant, c’est aussi avoir à faire des kilomètres pour consulter un praticien spécialisé ou attendre très longtemps pour 15 minutes de douleur chez le dentiste. 

Le goût de l’autodestruction

Pourquoi, un an après la réforme des retraites, le gouvernement mise sur une nouvelle attaque contre le modèle français de protection sociale ? 

Bien sûr, il faut comprendre que la manne que représente les finances de la Sécurité Sociale (environ 640 milliards d’euros) est un pactole dont sont privés les grands propriétaires capitalistes, notamment ceux qui sont en concurrence directe avec la Sécu (mutuelles, maisons de retraite entre autres).

En cherchant à détricoter l’ALD, M. Attal montre qu’il veut faire en sorte que les empêcheurs de tourner en rond disparaissent, pour le bien des affaires. Rien de plus étonnant de la part du gouvernement des riches. 

Malgré tout, si les craintes autour de l’ALD s’avéraient justifiées, nous serions en droit de nous demander si la manœuvre est efficace. 

Alors que M. Macron communique régulièrement autour de l’inclusion des handicapés, il va supprimer un des dispositifs les plus importants et peut-être l’un des plus essentiels quant au crédit de sa politique en matière d’intégration.

La question est surtout de savoir qui va prendre en charge le coût des soins en la matière à l’avenir. Alors que le tarif moyen des mutuelles a déjà augmenté en 2024, le surcoût peut être rédhibitoire, autant pour les patients que pour les acteurs du marché.

La réalité des prix

L’ALD est un acte médical impliquant au patient de suivre un protocole strict, avec notamment une obligation de suivre, à la lettre, le parcours de soin prescrit.

Quand on est inscrit au sein du dispositif, c’est qu’on estime que l’état du patient est assez grave pour que la collectivité prenne en charge ses soins. La plupart du temps, personne ne peut se payer des traitements contre le cancer ou autres maladies chroniques. Par exemple, on estime une séance de chimiothérapie au Centre de Lutte contre le Cancer d’Angers (ICO Paul Papin, NDR) à 11.000€.

 

Si on prend du recul, il ne s’agit pas uniquement de l’ALD mais bien tout le système de santé qui en prend pour son grade.

Rappelons déjà que les dépenses de santé sont les premières à être sacrifiées par les ménages français et que, dès le mois de mars, les médicaments seront moins bien remboursés par la Sécurité Sociale. Surtout et malgré les efforts du gouvernement pour rendre le métier de soignant plus attractif, on ne peut que se désoler de la crise de vocation pour ces professions. 

Même si on recrute déjà à l’étranger, le problème ne va pas se régler avec cette unique solution, d’autant que la possibilité risque de se tarir, à cause de la loi immigration. 

L’autre raison expliquant la clémence de la bourgeoisie vis-à-vis de la CPAM, c’est paradoxalement l’ampleur des attaques qu’elle subit. Contrairement à la caisse des retraites, qui subit continuellement et graduellement des rabotages, la dernière réforme structurelle de l’assurance maladie date de 2004.

A l’époque, le président de la République était Jacques Chirac et le ministre de la Santé M. Philippe Douste-Blazy, que les amateurs de rugby connaissent puisqu’il était le président du club de Lourdes lors de son âge d’or (il y a fort longtemps, je le reconnais). C’est surtout lui qui est à l’origine de la pire innovation dans le milieu de la santé: la tarification à l’acte, dont nous subissons encore les conséquences car il annonce le top départ du tout ambulatoire dans le milieu hospitalier.

Le poids de la mesure

Dix ans après, le moment est venu de s’en prendre de nouveau à un pilier du système de santé.

L’utilité de l’ALD est déjà tronquée par la manière dont se pense un parcours de soin, en France, en 2024.

Sauf pour les coachs de bien-être, les maladies chroniques comme le cancer ou le diabète sont vécues comme des fatalités. En bénéficiant d’un système comme l’ALD, on permet à un patient de se reconstruire sur le temps long.

En effet, le dispositif ne couvre pas seulement les traitements médicaux mais aussi tout suivi paramédical jugé comme nécessaire, comme avoir recours à un assistant social, une psychologue, etc… 

Le problème, avec du personnel soignant usé jusqu’à la moëlle, jugés uniquement par la performance sur le traitement du flux patient, c’est qu’on s’éloigne du principe qu’implique l’ALD.

Il n’y a qu’à aller à l’ICO Paul Papin pour comprendre la déshumanisation dont sont victimes les patients, traités comme des clients. 

Ce qu’ils appellent le parcours patient, c’est un circuit dont l’aboutissement est la facturation, cela donne le ton.

La conséquence de l’inconsistance 

Les établissements comme Paul Papin sont des centres d’excellence, chouchoutés par la Haute Autorité de la Santé (HAS), qui dépend du ministère de la Santé. 

Et comment ! Les CLCC sont des organismes privés, dont le financement ne dépend pas seulement des dotations de l’Etat, contrairement aux CHU. 

Ainsi, le patient est, à l’insu de son plein gré, déjà intégré dans un système à l’américaine. Ce qui le sauve de payer avant d’avoir des soins prodigués, c’est justement ce fragile équilibre entre les mutuelles et la Sécurité Sociale, qui peuvent assurer le coût des traitements à sa place. 

Alors que le tarif des mutuelles a encore augmenté, que la Sécurité Sociale rembourse moins bien et si on supprime ou, au mieux, on aménage l’ALD, qu’arriverait-il à des structures comme l’ICO, elles qui comptent plus que tout sur le flux-patient ? 

C’est l’un des effets induits par la tarification à l’acte, il est dans l’intérêt de voir défiler des patients à longueur de journée: plus il y a de patients, plus il y a de transactions avec les mutuelles ainsi que la Sécurité Sociale et mieux tout le monde se porte. C’est un modèle libéral vertueux et c’est l’ALD qui le permet.

En le supprimant, le gouvernement rompt avec celui-ci alors que c’était peut-être l’un des rares éléments donnant du crédit à la libéralisation du marché de la santé.

La seule chose que cela crée, c’est toujours plus de ressentiment, en particulier parmi l’électorat d’Emmanuel Macron: à savoir les vieux, les premiers bénéficiaires de l’ALD, ce qui, là encore, ne peut que favoriser les discours d’extrême-droite.

Mme Marine Le Pen est déjà la deuxième candidate la plus plébiscitée par les retraités, qui sont aussi la population qui regarde le plus la télévision, qui, elle-même, opère une transition dans le traitement de son courant de pensée des plus préoccupants. 

Pour couronner le tout, puisque l’Aide Médicale d’Etat (AME) pour les étrangers est maintenu malgré la volonté des sénateurs de la supprimer, il est facile de s’imaginer que le parti bleue marine et autres nuances de brun va marteler l’argument du “deux poids deux mesures”, certes démagogique mais terriblement efficace, en divisant les bons français privés d’ALD aux méchants étrangers bénéficiant injustement de l’AME.

Une fois n’est pas coutume, le gouvernement, en servant de marchepied pour l’extrême-droite, surfe sur la tendance du moment tout en démontrant que son entreprise de casse sociale est surtout la destruction du pacte social, alors qu’il serait sage de créer de l’apaisement plutôt que de la tension. 

Sa boussole indique clairement la mauvaise direction mais comme dirait le rappeur Mokless: y’a que les poissons morts qui suivent le courant. 

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