Le Capital communiste 5/10 – Vase clos

Le Capital communiste est une brochure écrite en juin 2023 par Benoit Delrue, journaliste et directeur de publication d’Infoscope.
Un an plus tard, à l’heure où le pays plonge dans la mécanique nationaliste, nous interrogeons les faillites de la gauche de transformation sociale, politique et révolutionnaire. Ce présent ouvrage, publié sur notre site en une série d’articles, y contribue.

Cette deuxième des dix parties du document, que nous publions en exclusivité et en accès libre, en intégralité du lundi 1er au vendredi 5 juillet 2024, comporte le Chapitre 11: Rapports de forces, le Chapitre 12 : Écueils des dernières mobilisations, le Chapitre 13 : Vase clos et le Chapitre 14 : Capital social et culturel des communistes.

 

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XI. Rapports de forces

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La classe ouvrière n’aurait pas été bien loin, et certainement pas jusqu’à ces grandes conquêtes sociales, sans une organisation nationale et internationale forte ni sans une boussole stratégique claire. Ces deux outils ont été apportés par le mouvement communiste, un temps allié aux anarchistes, puis aux sociaux-démocrates, dans la Ière et la IIème Internationales, avant d’affirmer son identité et sa spécificité au sein de la IIIème Internationale. Il est bon de rappeler que Karl Marx, tout théoricien prolifique qu’il était, demeurait aussi un homme d’action qui a participé activement à la fondation de l’Internationale Ouvrière et à la constitution de partis ouvriers et de syndicats massifs dans les États-nations où il se rendait ou qu’il alimentait par ses analyses aiguisées du réel sous sa forme brute et froide. De même a-t-il indiqué la marche à suivre, démocratiquement, populairement, pour trancher la tête du capital et ériger en lieu et place des infrastructures capitalistes des infrastructures socialistes, où la coopération et l’émancipation supplanteraient, enfin, la concurrence et l’exploitation.

Dans un contexte général de domination du capital, tout ce qui a été gagné par la classe ouvrière a été pris à la classe capitaliste. Toute avancée du prolétariat, depuis deux siècles et demi, a correspondu à un recul de la bourgeoisie. Les avancées démocratiques, comme le suffrage universel masculin puis le droit de vote des femmes, les avancées sociales, comme la journée de huit heures, les cinq semaines de congés payés ou la retraite à 60 ans, les avancées sociétales, comme le droit à l’interruption volontaire de grossesse, l’abolition de la peine de mort ou le mariage pour tous, n’ont pas été accordés de gaieté de cœur par la classe dominante. Soit celle-ci était dos au mur par de puissantes mobilisations populaires et exigeait alors de son petit personnel politique d’accorder les droits exigés par la classe ouvrière, soit la bourgeoisie demandait une contrepartie : des avancées sociétales contre des reculs sociaux, comme ce fut le cas sous Valéry Giscard d’Estaing ou François Hollande.

En somme, les conquêtes ou les reculs sociaux sont entérinés, par la loi et dans le droit, suite à l’évolution du rapport de force entre les travailleurs et les capitalistes. Ce rapport de force est l’expression la plus nette, bien que difficilement mesurable ou quantifiable, de l’opposition entre les forces libérales, conservatrices et réactionnaires, qui visent à asseoir toujours davantage la domination du capital, et les forces d’émancipation populaire, par le nombre, l’implication, les degrés d’organisation et de combativité de la classe ouvrière dans la lutte pour faire valoir ses propres droits.

Meilleurs représentants politiques des travailleurs pour la simple et bonne raison qu’ils sont eux-mêmes travailleurs et, pour la plupart, ne font pas de leurs mandats électifs une carrière professionnelle, les communistes défendent logiquement le travail face au capital. Entre long déclin et petits regains, depuis un demi-siècle, le Parti Communiste Français s’est à nouveau fait connaître en présentant un candidat à l’élection présidentielle d’avril 2022, Fabien Roussel, qui a pour lui de porter une voix singulière à gauche, en assumant à sa manière l’étendard communiste, et d’attirer la sympathie d’un certain nombre de travailleuses et travailleurs sensibles à un discours et un programme nuancés mais profondément porteurs de transformation sociale.

Pour autant, le nombre de nouvelles adhésions n’a pas sensiblement décollé lors de la campagne présidentielle dans un contexte où la singularité communiste était mise en avant, ni lors de la campagne législative dans un contexte d’union de la gauche, la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (NUPES) dont le PCF n’était pas la cinquième roue du carrosse, ni lors de la bataille sociale importante contre la réforme des retraites, bataille à laquelle ont pourtant pris part activement les communistes dans la plupart des villes, des espaces périurbains et ruraux où la mobilisation fut historique.

 

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XII. Écueils des dernières mobilisations

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De nombreux freins barrent la route de l’engagement communiste aux masses exploitées, parmi lesquels l’échec cuisant de l’Union soviétique, l’anticommunisme prégnant dans la culture populaire de celles et ceux qui ont grandi en voyant le Mur de Berlin s’effondrer, l’éparpillement des unités de production où l’on est passé de mille ouvriers face au même patron à une cascade de filiales, sous-traitants, prestataires et petites entreprises dans lesquelles la proximité entre les employés et l’encadrement au service de la direction neutralise la combativité, la tertiarisation de la France pour laquelle on nous a vendu le mythe d’une économie de services comme un progrès, justifiant la délocalisation de la production industrielle et réduisant notre pays à une simple destination touristique, l’émiettement des statuts et des conditions d’embauche des salariés depuis le recours aux intérimaires jusqu’aux auto-entrepreneurs d’Uber.

Tous ces facteurs, nous ne les maîtrisons pas ; au contraire, nous les subissons et continuerons à en subir de nouveaux qui participeront toujours plus, d’une part, à individualiser les rapports de production pour désamorcer la conscience de classe, d’autre part à enfoncer sous l’eau la tête des prolétaires de notre temps, sous la pression des crédits à rembourser, des bas salaires, de la menace du chômage et des prix qui flambent.

Il se trouve tout de même que la condition des employés, poliment invités par la classe dominante, ses lieutenants politiciens et ses valets éditorialistes, à travailler de 16 à 64 ans, s’avère de moins en moins enviable au regard de ce qui se passe chez nos voisins ou de ce que nous avons connu naguère. Les employés des centres de logistique d’Amazon ou de la FNAC, les livreurs en camion, en voiture, en scooter ou à vélo, les équipiers polyvalents de la restauration rapide, les employés des grandes surfaces, des centres d’appels téléphoniques ou des prétendus sites internet d’information où il faut écrire dix, quinze, vingt articles par jour pour espérer que l’un d’eux fasse le buzz (rencontre un franc succès) et génère des revenus publicitaires, sans parler des emplois résiduels dans l’agriculture et l’industrie au sens strict et réducteur, tous ces employés donc peuvent rapidement prendre conscience d’appartenir à la même classe sociale, d’être spoliés de leurs efforts, d’être aliénés sur le temps contraint que sont les heures de travail, et par déduction d’avoir intérêt à agir collectivement pour défendre les intérêts communs à cette classe exploitée.

Bien entendu, toute combativité n’est pas perdue ; le mouvement des Gilets Jaunes, lancé en novembre 2018, tout comme la lutte contre le report de l’âge minimum de départ à la retraite à 64 ans entre janvier et juin 2023, sont deux exemples récents de luttes à l’échelle nationale qui ont été précisément extraordinaires par leur ampleur et par l’implication nouvelle de travailleurs qui n’avaient jamais milité, ni manifesté, de leurs vies.

Le même écueil a toutefois été constaté dans le mouvement des Gilets Jaunes et dans la lutte contre la réforme des retraites : l’ennemi désigné, plus qu’un ministre, plus qu’une Première ministre, plus que le patronat ou même que la bourgeoisie capitaliste, c’était Emmanuel Macron. Le caractère pour le moins arrogant et condescendant du chef de l’État français n’est pas étranger au profond ressentiment des Français à son égard ni au dégoût pour la politique que de plus en plus de travailleurs éprouvent. Mais Emmanuel Macron agit justement comme un épouvantail, comme l’arbre qui cache la forêt de ses réels commanditaires, c’est-à-dire la classe des milliardaires.

N’oublions jamais que si Emmanuel Macron est parvenu au pouvoir, c’est grâce au soutien sans faille de la bourgeoisie capitaliste. Tout le deuxième semestre de l’année civile 2016, Emmanuel et Brigitte Macron dînent une fois par semaine avec Bernard Arnault. S’il concentre le mécontentement, le dégoût voire la haine, Emmanuel Macron n’est qu’un politicien parmi un personnel interchangeable et il y a fort à parier qu’Édouard Philippe, Laurent Wauquiez, Gérald Darmanin ou toute personnalité représentant politiquement les intérêts de classe des capitalistes finirait, à coup sûr, par être tout autant impopulaire que l’est Emmanuel Macron en 2023, après plusieurs mois et années d’exercice du pouvoir de l’État au service des intérêts bourgeois, poussant toujours plus loin le curseur des réformes antisociales venues entériner un recul des forces ouvrières.

Or, parce qu’il est interchangeable, comme tous les politiciens, et que derrière sa personnalité imbuvable Emmanuel Macron défend en réalité les intérêts des ultra-riches, il est de l’intérêt des travailleuses et travailleurs mobilisés dans la rue de concentrer leur colère contre les vrais responsables, ceux qui ne sont pas élus mais qui demeurent en position de domination de générations en générations, c’est-à-dire la classe capitaliste qui figure en tête du classement du magazine libéral Challenges chaque année début juillet. C’est elle qui contrôle les marchés financiers, les grandes banques, les médias de masse, y compris numériques, c’est elle qui organise l’exploitation en respectant, ou non, selon son bon vouloir, la loi et le droit, c’est elle qui divise la classe ouvrière sur des questions subsidiaires et qui fait diversion par l’arsenal publicitaire et médiatique pour détourner l’attention des grands enjeux économiques et sociaux.

 

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XIII. Vase clos

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Cette transformation d’une colère populaire contre un Président de la République en combat permanent face à la classe dominante, elle n’aura pas été faite suffisamment, loin s’en faut, lors des dernières grandes luttes sociales que notre pays a connues. Pourtant, qui était à même d’aiguiller les consciences en vue d’une telle transformation, si ce ne sont les communistes ? Quand les écologistes veulent pour la plupart peindre le capitalisme en vert, les socialistes en rose et quand les insoumis prônent presque uniquement la démocratisation des institutions républicaines, en reléguant plus loin la question de l’égalité devant le travail, et ce depuis la naissance de leur mouvement qui semble à raison fort peu démocratique, qui d’autre que les militants communistes, particulièrement ceux du MJCF et du PCF, peuvent faire passer, dans l’imaginaire collectif, l’ennemi commun de Macron à Arnault, Français le plus riche de tous les temps, ultime représentant de la bourgeoisie par son empire du luxe ?

De la même manière, si la solidarité populaire s’est exprimée avec beaucoup de force et que les organisations syndicales ont toutes gagné à apparaître unies jusqu’au bout de la lutte contre la réforme des retraites, tant que les communistes auront peur et hésiteront à prononcer les termes de capitalisme, d’exploitation, d’aliénation, plus encore de classe ouvrière et de prolétariat, personne d’autre qu’eux ne le fera – et la plupart des autres forces influentes s’en frotteront les mains.

Dès lors, pourquoi les communistes sont-ils apparus si apathiques, malgré la visibilité nouvelle conférée par une candidature propre à l’élection présidentielle, dans le travail de conscientisation révolutionnaire ces derniers mois ? Serait-ce parce qu’ils ne sont plus anti-capitalistes, plus conscients eux-mêmes d’appartenir à la classe ouvrière ou au prolétariat de notre ère ? La raison est à la fois plus subtile et non moins excusable. La plupart des militants communistes rencontrés dans les défilés de manifestations, les initiatives de la NUPES ou du PCF, se montrent tout à fait conscients que nous subissons, à l’échelle de notre pays, de l’Europe et de la Terre, une guerre de classe menée par les milliardaires pour le contrôle de chaque parcelle de vie des travailleuses et des travailleurs. Ils manifestent autant d’enthousiasme à rappeler leurs racines ouvrières, à employer l’argot populaire et à clamer leur appartenance aux masses exploitées et opprimées. Mais ils ne le font, pour la plupart, qu’entre eux.

S’il est évidemment plus difficile de porter un discours révolutionnaire à la machine à café ou à la pause cigarette du boulot, à l’entraînement du club de sport et au repas dominical en famille que lors d’une Fête de l’Humanité, l’expression communiste en vase clos ou à peine entrouvert ne permettra pas de faire grandir les rangs des militantes et militants dans nos rues, dans nos locaux fédéraux, dans nos initiatives publiques. Le phénomène d’autocensure des communistes se conjugue à une idéologie dominante qui ne fera jamais de cadeau à une telle menace pour l’ordre établi. Tous les sujets évoqués jusqu’ici, en particulier le trait égal entre nazisme et communisme tracé dans les manuels scolaires, les documentaires télévisés et les contenus numériques, seront renvoyés à la figure d’un communiste qui évoquera son engagement auprès d’une personne étrangère aux conventions militantes.

Alors, les réunions entre communistes jouent le rôle de catharsis ; on y chante fort l’Internationale et la Jeune Garde, la Varsovienne, l’Appel du Komintern et les Gosses de Bagnolet, quitte à verser un peu dans le folklore dont nos ennemis de classe et leurs alliés dans notre propre classe sociale nous affublent généralement pour nous tourner en dérision, voire nous discréditer. Parmi nous, quelques-uns qui se sont découvert une conscience révolutionnaire grâce au hasard des lectures et des rencontres, quelques autres qui voient dans la camaraderie un palliatif intéressant à une absence de liens d’amitié assez forts ou assez nombreux, beaucoup, beaucoup qui ont vécu dans une famille communiste, ou qui ont du moins grandi en compagnie de militants communistes.

 

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XIV. Capital social et culturel des communistes

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A la définition marxiste du capital, s’est greffée depuis quelques décennies celle du sociologue français Pierre Bourdieu, reprise largement par des intellectuels et théoriciens communistes car elle complète l’aspect économique par une dimension davantage sociale.

Ainsi, les sociologues Monique Pinçon-Charlot et feu son mari Michel Pinçon décrivent le patrimoine capitaliste comme une imbrication entre une richesse économique d’une grande étendue, un carnet d’adresses constitué au fil de la scolarité et des dîners mondains, une certaine culture partagée entre membres de cette classe, à travers les collections d’œuvres d’art privées notamment, et une richesse symbolique jusque dans la façon de se tenir, de se comporter, de s’habiller, dans le respect de divers codes propres à la bourgeoisie française et internationale.

Il est ici question, en sus d’un capital financier, d’un capital social et culturel, chasse gardée de la classe dominante qui lui permet de se connaître et se reconnaître. Il s’avère tout autant important, dans le quotidien des élites fortunées, que la gestion des investissements, souvent confiée à des subordonnés ; les capitalistes doivent représenter, en tous temps et en tous lieux, leur classe sociale et paraître mériter ce qu’ils ont hérité, pour que leur prestance et leur réputation viennent à masquer le caractère purement arbitraire du pouvoir attribué à la naissance. Les principales familles capitalistes du XXIème siècle n’ont rien à envier, ni en termes de népotisme, ni en termes de consanguinité, aux dynasties seigneuriales de l’Ancien régime. Comme Bruce Wayne, les milliardaires organisent des rallyes, des temps où la snobisme n’a d’égale que la bonne conscience qu’ils se donnent en finançant des œuvres caritatives pour mieux laver leurs noms du sang populaire – d’aucuns diraient du sang impur – qui les entache, au profit déclaré des petites gens pour qui ils éprouvent un mépris de classe absolu.

On pourra toujours prétendre, comme le fait Didier Super, qu’il « y en a des biens » dans le lot. Le problème est moins leur personnalité subjective que le rôle objectif que joue leur classe sociale dans la domination d’une fraction d’hommes et femmes insignifiante en nombre sur le reste de l’humanité, domination nourrie des conflits meurtriers qui boostent la vente d’armes, nourrie des famines qui auraient pu être résolues depuis un demi-siècle si les infrastructures nécessaires avaient été édifiées, nourrie par-ici des catastrophes écologiques à l’échelle d’un continent, là-bas du maintien de l’esclavage d’une minorité ethnique, domination nourrie partout – hors leurs quartiers bourgeois – de l’exclusion sociale qui met la pression sur les salariés qui ont la « chance » d’être employés, ou encore des trafics de drogues, d’armes, d’organes, des réseaux de proxénétisme relevant de la traite d’êtres humains, en un mot de la mafia dans laquelle bien des capitalistes français et mondiaux – on dira des oligarques s’ils ont un accent russe, mais ce sont les mêmes – sont impliqués tant le secteur s’avère lucratif.

Naturellement, qualifier de capital le patrimoine social et culturel communiste paraît à juste titre provocateur, tant un monde sépare la classe bourgeoise des militants révolutionnaires aux drapeaux rouges. Cela peut sembler signifier qu’il existe des « capitalistes communistes » qui exploitent la force de travail militante. Évacuons d’emblée cette question : ce n’est pas ce que la présente brochure prétend, ni sous-entend. S’il était nécessaire d’appréhender la question du capital communiste par une longue définition du capital originel, économique et financier, étant donnée la faiblesse de la théorie révolutionnaire même jusque dans les rangs des militants syndicaux et associatifs, nous nous concentrerons désormais sur les notions de capital social et capital culturel.

Un nouvel adhérent au sein d’une organisation communiste, s’il n’est pas familier de la culture ouvrière et militante, sera vite désorienté par le flot d’informations, de citations, d’évocations, de noms communs se référant à des concepts complexes de prime abord et de noms propres de militants, passés ou actuels, qui ont marqué l’histoire du mouvement révolutionnaire ou social. Il a intérêt à s’accrocher pour ne pas perdre totalement le fil des discussions enflammées entre camarades, à faire abstraction de ce qu’il ignore pour se concentrer sur ce qu’il peut apprendre d’un tel échange.

Quand ces connaissances sont convoquées, c’est le plus souvent pour traiter d’un sujet d’actualité, auquel le nouveau venu peut se référer pour mieux appréhender l’hétérogénéité d’approches des différentes organisations, des différents dirigeants et des différents courants concernant ledit sujet. Certains discours et certaines pratiques communistes peuvent dérouter de prime abord, car les contradictions dans nos comportements et nos paroles ne manquent pas et les militants composent avec le réel.

Il en est ainsi de l’approche communiste sur l’énergie nucléaire, majoritairement écartée à gauche comme étant une solution d’avenir pour subvenir à nos besoins quand le PCF estime qu’il faut, au contraire, y investir massivement les moyens financiers, matériels et humains pour la développer. La charge de Fabien Roussel contre la « gauche des allocs » a pu interloquer plus d’un sympathisant ou camarade, jusque dans les rangs du Parti Communiste Français, provoquant d’ailleurs un intérêt soudain pour Le Droit à la paresse, ouvrage signé du communiste français Paul Lafargue et paru dans les années 1880. En réalité, les deux thèses s’opposent moins qu’elles n’y paraissent. Ce qui était visé, d’aucuns diront maladroitement, par Fabien Roussel était le préjugé que certains se complaisent dans la dépendance aux minima sociaux, un phénomène extrêmement marginal parmi leurs bénéficiaires, alors que la grande majorité des privés d’emploi aspirent à travailler, à être reconnus pour leur travail et à se sentir utile en contribuant à la richesse de la collectivité.

Il faut bien mesurer le fossé qui sépare le niveau de conscience des militantes et militants les plus aguerris et rompus à l’exercice du débat contradictoire et celui auquel la classe dominante aspire à aplatir les travailleuses et travailleurs. Dans la propagande dominante, et principalement dans la publicité, reprise en chœur par les prétendus « influenceurs » en réalité fort influencés, la contradiction est un non-sens. On est invité à longueur de spots, clips et autres moyens de communication à ne faire « aucun compromis », et voilà qu’on se retrouve dans un groupe social qui fonctionne essentiellement par le compromis ! De même, surfant sur la vague écolo capitalo-compatible, on entend vingt fois par jour qu’il faut « consommer responsable » ou qu’ « acheter, c’est voter », et voilà que les militants communistes qui nous entourent, censés montrer l’exemple révolutionnaire, vont manger au Burger King, commandent sur Amazon et utilisent Twitter !

 

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