2024 : Programme contre Programme

  • Vous avez aimé la Macronie ? Vous allez adorer la Lepénie ! Depuis que le bloc de droite, prétendument central, autour de l’actuel chef de l’État a signé son arrêt de mort avec la dissolution de l’Assemblée nationale, le Rassemblement National (RN) est plus que jamais en position privilégiée pour accéder aux pouvoirs législatif et gouvernemental. Or, tout ce qui caractérisait la politique d’Emmanuel Macron, comme l’aboutissement de 40 ans de néolibéralisme, va se retrouver décuplé sous la direction de Jordan Bardella et/ou la présidence de Marine Le Pen. En plus du mépris de classe, des restrictions des libertés, du débat public tournant à la caricature et de la déconnexion des élites, des éléments bien précis viendront s’ajouter pour gâter davantage notre Cinquième République et ses institutions. À quoi ressemblera le grand basculement ? Nous tâcherons d’y répondre par une analyse factuelle. Le Pen protège les racistes Dans un extrait diffusé jeudi 20 juin de l’émission Envoyé spécial, vu plus de 11 millions de fois sur le réseau social X, Divine Kinkela, aide-soignante noire, essuie devant les caméras les injures racistes de ses voisins, un couple de militants RN. Ce dernier arbore sur sa maison, bien en face du domicile de l’aide-soignante, un drapeau français et une affiche « Avec Marine et Jordan ». Dans un entretien à La Voix du Nord en ligne depuis samedi soir 22 juin, Marine Le Pen, justement, ne voit pas dans cette séquence de propos racistes. « La question est de savoir si “va dans ta niche” n’est pas une expression populaire de gens qui se détestent » affirme la cheffe du RN. « Est-ce que c’est raciste ? Moi-même, je peux le dire à l’égard de mes amis ! C’est vous qui tirez la conclusion que c’est raciste du fait de la couleur de peau de la victime. Ça, c’est scandaleux. » Inversion de responsabilité Cette inversion des responsabilités, dont l’extrême-droite abuse en permanence, va plus loin dans la bouche de Mme Le Pen, qui considère Envoyé spécial comme « une émission ultra-politisée à l’extrême-gauche ». Et d’ajouter : « Pourquoi les médias ne signalent-ils pas que cette dame, en conflit manifeste de voisinage avec ses voisins, est militante communiste et, sur les réseaux sociaux, porte des convictions suprémacistes panafricaines ? » Marine Le Pen reprend exactement les termes du média nationaliste Boulevard Voltaire qui a remarqué que Divine Kinkela partageait, sur ses réseaux personnels, des communiqués du Parti communiste français (PCF) et des appels à l’union du « peuple noir africain ». On est à des années-lumière de ce qui est dénoncé par Mme Le Pen, dont les mensonges, par contre, sont effectivement proches de la mouvance réellement suprémaciste. On repasse la séquence Dans l’émission en question, Divine Kinkela témoigne des insultes racistes, agressions verbales et cris de singes qu’elle subit quotidiennement. Didier, le voisin de Divine, accueille les journalistes du service public avec un t-shirt « Je suis fier d’être Français ». Devant les caméras, c’est le racisme assumé. Interrogé sur son t-shirt, Didier a sa vision bien à lui de la fierté. « Être Français c’est déjà de prendre les coutumes de la France, respecter les coutumes, pas nous mettre des coutumes à la con. » « Qui ne respecte pas la France ? » interroge la journaliste. « Bah, devinez ! » répond instantanément Didier. « Je vois à la télé, je suis quand même pas con… Je vois à la télé comment ça se passe. C’est les « Moustapha », c’est les tout ce que vous voulez », tente d’argumenter le militant RN. Voyant sa voisine en tendant la tête hors de son portail, il lâche « Elle est là. » Arrive alors la femme de Didier. « Te voilà là encore, toi ? Tu viens ici, là ! On t’a invitée ? Non, tu dégages ! Tu pars ! » s’acharne la femme, alors que Divine Kinkela est sur le trottoir de son propre domicile. Violences et menaces « J’ai quitté les HLM à cause de gens comme toi. » Divine réplique qu’elle n’a « jamais habité dans des HLM ». « On était entouré de gens comme ça » poursuit la militante d’extrême-droite. « *Sifflement* Va à la niche ! On fait ce qu’on veut, on est chez nous ! Alors, tu dégages ! On est en France, on fait ce qu’on veut en France ! Tu l’apprendras si tu ne le sais pas », finit-elle par menacer. « Va à la niche », répète encore la femme à Divine qui répond calmement : « Vous êtes des pauvres gens ». « Ouais, maintenant, renverse pas le problème parce que c’est bien toi ! Il n’y qu’à regarder juste ! Regarde, ces trucs dégueulasses qu’elle a dans les cheveux ! Déjà quand on voit ça ! La casquette sur le nez ! ». Divine Kinkela a une coiffure propre, avec de fines tresses blondes et une casquette ouverte comme portent beaucoup de tenniswomen. La séquence se termine quand la militante RN menace le caméraman : « Arrête toi avec ça ! Arrête avec ça sinon j’appelle la police ! » Aucun doute possible L’extrait ne laisse aucun doute quant au racisme des propos tenus et filmés, pour lesquels le parquet de Montargis a demandé l’ouverture d’une enquête. Marine Le Pen nie publiquement le caractère raciste mais ne peut pas faire croire qu’elle l’ignore ; cela signifie donc qu’elle le soutient officiellement. « Cette histoire est orientée pour faire croire que l’arrivée au pouvoir du Rassemblement National susciterait spontanément des comportements racistes » tente de se défendre la cheffe du RN. Prenons donc les faits un à un. Une agression raciste a lieu face caméra. Le parquet va ouvrir une enquête. Marine Le Pen nie le caractère raciste de cette agression. Elle la légitime en affirmant qu’elle-même peut tenir de tels propos « à l’égard de [s]es amis ». Elle inverse la responsabilité en dénonçant une militante « suprémaciste ». L’aide-soignante n’a fait que partager des appels à l’union du peuple africain. Pas un détail de l’histoire Cette séquence et l’interprétation qu’en donne officiellement Marine Le Pen n’ont rien d’anecdotiques ; elles sont, tout au contraire, révélatrices du vrai visage du RN en cet été 2024. Le racisme est légitimé, justifié, excusé après avoir été nié. Est également niée la recrudescence de comportements racistes si le RN arrivait au pouvoir. De toutes manières, Lire la suite

  • Le nouveau Front populaire (NFP) a présenté son programme dès la première semaine de campagne, fort de plus de 180 mesures concrètes. Cela permet de jauger les plus petits dénominateurs communs d’une coalition allant de Philippe Poutou jusqu’à François Hollande, traits d’union qui s’avèrent n’être pas si faibles que cela. Il est question d’un partage inédit des richesses produites, d’un renforcement des services publics permis par la justice fiscale, et d’un retour à la vocation première de la Sécurité sociale en protégeant effectivement les travailleurs malades, accidentés, retraités ou privés d’emploi. Gesticulations ridicules Voyant, justement, le caractère offensif d’un programme revenant sur des décennies de libéralisme, et la poussée électorale du nouveau Front populaire, les forces de droite, d’extrême-droite et médiatiques s’agitent ridiculement, à coups d’arguments fallacieux. Bercy à la ramasse Au point que Bruno Le Maire, qui dirige Bercy depuis sept ans et pour encore quelques jours, a mobilisé les services du ministère de l’Économie pour avancer le chiffre de 287 Milliards d’euros que « coûterait » à la France l’accord programmatique du nouveau Front populaire. Problème : bien que repris en chœur par les éditorialistes libéraux, ce montant est malhonnête. Il ne fait qu’additionner les pertes de recettes et les nouvelles dépenses, sans prendre en compte les nouvelles recettes et les dépenses en moins. Lâcheté macroniste Bruno Le Maire, champion de la dette publique malgré sept années d’austérité imposée contre les classes populaires, vient de refuser le débat avec la députée socialiste sortante et candidate de la coalition de gauche Valérie Rabault. Celle-ci voulait défendre « ligne par ligne un programme cadré », le ministre de l’Économie et des Finances s’est défilé, démontrant la lâcheté et l’incohérence du camp macroniste. Nous étudierons les mesures concrètes voulues et assumées par le nouveau Front populaire, et la logique induite par une telle transformation. Face à chaque nouvelle dépense, pour l’État, la Sécurité sociale ou les entreprises, nous mettrons en face les recettes prévues pour la compenser. 15 jours de partage à la source Il s’agit, d’abord, de partager les richesses à la source, là où la valeur est créée par les salariés et travailleurs indépendants. Dès les 15 premiers jours, le NFP s’engage à augmenter les revenus du travail par le passage du salaire minimum interprofessionnel (SMIC) à « 1.600 euros net », soit plus de 200 euros d’augmentation ; en sus de la hausse des indemnités des stagiaires et du salaire des apprentis et alternants. La faisabilité du SMIC à 1.600 euros net À ce sujet, si les grands groupes et principaux employeurs sauront sans difficulté accéder à ces augmentations de salaires, ne devant rogner que sur leurs marges et la rémunération de leurs actionnaires-rentiers, un dispositif est prévu pour accompagner les très petites entreprises (TPE) et les petites et moyennes entreprises (PME) afin d’opérer cette hausse de la masse salariale sans risquer, comme le menacent la droite et l’extrême-droite politique ou médiatique, de « mettre la clé sous la porte ». Il est prévu d’ « encadrer la sous-traitance, garantir la responsabilité du donneur d’ordre et mettre en place des quotas de sous-traitants issus du tissu de TPE/PME et de l’artisanat local » ; en d’autres termes, les petits artisans et commerces seront favorisés sur leur territoire, allégés des prix de leurs gros fournisseurs et renfloués par le prix de vente à leurs principaux clients. La boulangerie du coin Il reste des exemples très concrets, comme la boulangerie et le coiffeur du coin, qui pourront adapter leurs tarifs sans risquer de perdre une clientèle populaire qui, justement, aura gagné du pouvoir d’achat et pourra se permettre de consentir à des prix en légère hausse. N’oublions pas qu’en 2023, nous avons dû faire face à une inflation monumentale causée par la spéculation des marchés financiers et sans hausse des bas salaires, ce qui consiste en une double peine. Avec le nouveau Front populaire, l’inflation chez les petits commerçants sera encaissée par le soutien fort à la consommation populaire via le partage des richesses, permettant un « choc de la demande » qui relance l’économie autrement que par la « politique de l’offre » en vigueur depuis vingt ans ; et cela s’avère être, dans les exemples historiques ou chez nos voisins, un cercle vertueux. Revenu paysan et blocage des prix « Engager les négociations commerciales en garantissant un prix plancher et rémunérateur aux agriculteurs et en taxant les superprofits des agro-industriels et de la grande distribution », tel que prévu dans le contrat de législature du nouveau Front populaire, parle de lui-même en faisant simplement basculer la répartition des richesses générées par l’agriculture française vers le monde paysan qui produit. « Bloquer des prix des biens de première nécessité dans l’alimentation, l’énergie et les carburants par décret, et renforcer le bouclier qualité-prix pour les outre-mer » est un troisième marqueur fort pour revigorer la consommation populaire dès les 15 premiers jours de gouvernement, en atténuant l’inflation. Le principe est le même que pour la mesure précédente : ici, l’on ne s’attaque pas aux superprofits mais aux marges immédiates des principaux industriels et des grands distributeurs. 100 jours de transfert du capital vers les salaires « Indexer les salaires sur l’inflation », bien que celle-ci soit modérée dans la mesure où les prix des produits de première nécessité seront bloqués sur les étals des hypermarchés et des stations-essence, permettra aux travailleurs rémunérés au-dessus du SMIC de ne pas voir leurs revenus décrocher. Contre la rente immobilière « L’encadrement des loyers de manière obligatoire dans les zones tendues ainsi que des prix du foncier » permet de mettre fin au cercle infernal subi par les locataires et primo-accédants à la propriété immobilière, aujourd’hui en cours sur des territoires aussi divers que Paris ou Angers, que nous connaissons bien. Les rentiers de l’immobilier et autres multi-propriétaires se verront contraints par la loi de rendre le logement plus accessible, dans la logique de garantir à toutes et tous le droit élémentaire d’avoir un toit sur la tête. L’accès aux soins garanti Dans Lire la suite

  • De nombreux militants et personnalités de gauche s’interrogent : faut-il qualifier le Rassemblement National de parti fasciste ? N’est-ce pas contre-productif de lier un tel adjectif au mouvement politique ayant réuni le plus de votants lors des élections européennes du 9 juin dernier ? Nous démontrerons pourquoi le RN est un parti fasciste et combien il est important de le nommer en tant que tel, pour s’y opposer dès maintenant sans naïveté et planter les germes de la Résistance dans l’hypothèse, probable, d’une victoire (ou l’hypothèse, certaine, d’une poussée historique) de l’extrême-droite le 7 juillet. La flamme fasciste Commençons par le plus évident : le logo, actuel, du Rassemblement National. Identique depuis les débuts du Front National qui n’est devenu le RN qu’en 2018, la flamme bleu-blanc-rouge s’inspire directement du logo du Mouvement Social Italien (MSI), parti néofasciste fondé en 1946 en Italie en filiation directe avec le régime fascisme de Benito Mussolini, au pouvoir dans la péninsule d’octobre 1922 à avril 1945. Le MSI s’auto-dissout en 1995 mais un nouveau parti prend immédiatement la suite : le MSFT, acronyme italien pour Mouvement social flamme tricolore, parti d’ultra-droite membre de l’Alliance européenne des mouvements nationaux créée, entre autres, par le FN. Par ailleurs, nous devons retourner aux racines du parti des Le Pen père, fille, nièce et gendre (Jordan Bardella) pour saisir ce qui distingue réellement ce mouvement politique. La génèse, des SS à l’OAS Si d’anciens Waffen-SS, membres de l’armée raciale et politique du parti nazi pendant la Seconde Guerre mondiale, sont bien à l’origine du Front National, à l’image de Pierre Bousquet, engagé dans la Division Charlemagne pour combattre la Russie soviétique dans les rangs de la Wehrmacht (armée allemande), le FN est également fondé, le 5 octobre 1972, par des anciens collaborateurs sous l’Occupation, notamment François Bigneau, milicien sous Vichy. D’autres membres historiques du FN appartiennent alors au groupuscule néofasciste Ordre-Nouveau, et beaucoup d’entre eux étaient engagés à l’Organisation armée secrète ou OAS, structure rassemblant des officiers militaires opposés aux mouvements de libération des colonies et attachés à l’Algérie française. Le 22 août 1962, quelques semaines après avoir reconnu l’indépendance de l’Algérie, Charles de Gaulle, alors chef de l’État, échappe avec sa femme par miracle – et grâce à un chauffeur n’ayant rien à envier aux meilleurs pilotes automobiles – à une tentative d’assassinat. L’attentat du Petit-Clamart, durant lequel la Citroën DS 19 présidentielle est criblée de balles par armes automatiques, fut organisé par l’OAS. De tous temps et partout, le terrorisme, groupusculaire ou d’État, est le moyen d’action privilégié par l’extrême-droite dès lors qu’elle est parvenue à une masse critique, lui permettant de gagner le pouvoir ou de le faire vaciller. Manipulation des mots En se revendiquant aujourd’hui de la figure du général de Gaulle, tout en étant présidé par un homme qui a déclaré qu’il « ne croi[t] pas que Jean-Marie Le Pen était antisémite », le RN de Jordan Bardella brouille les pistes. Manipuler l’histoire et manipuler les mots est une vieille ficelle de l’extrême-droite. Hier cherchant à éliminer De Gaulle, aujourd’hui gaulliste, tout en étant « ni droite ni gauche » et « social », le principal parti d’extrême-droite en France n’a rien à envier, dans une telle instrumentalisation des concepts, à Adolf Hitler quand ce dernier a décidé de nommer son organisation le parti national-« socialiste » des travailleurs allemands, soit selon l’acronyme germanique, NSDAP. Dans les années 1920 puis 1930, le NSDAP se présentait en Allemagne comme une « troisième voie » entre le communisme révolutionnaire et le capitalisme de la République de Weimar. Logiquement, la critique du système économique en place dans les pays occidentaux n’était qu’un argument de façade électorale pour le parti d’Hitler. Capitalisme et fascisme Quand il est nommé chancelier, c’est-à-dire chef de gouvernement alors qu’il n’a pas la majorité absolue au Reichstag – le Parlement outre-Rhin – par un Président de droite, Hindenburg, qui pensait pouvoir ainsi neutraliser sa progression, Adolf Hitler organise immédiatement un congrès du NSDAP où la principale banderole, sur des dizaines de mètres, faisait désormais le serment de « libérer l’Allemagne du marxisme ». Une fois au pouvoir, le capitalisme allemand en tant qu’infrastructure économique et le régime nazi en tant que superstructure politique se sont nourris mutuellement. Les quelques imbéciles anticapitalistes et racistes, organisés dans les SA, seront éliminés par la police politique devenue officielle des SS lors de la « nuit des longs couteaux » dès juillet 1934. Hitler a compris que capitalisme et nazisme étaient compatibles. « Nazi » n’est pas le diminutif de « socialiste » Pour s’être appelé parti « national-socialiste », Adolf Hitler est régulièrement qualifié par l’extrême-droite, de nos jours… de socialiste. Faut-il rappeler que les militants du mouvement socialiste, précisément celui appartenant à la IIème Internationale, furent parmi les premiers, aux côtés des communistes et des syndicalistes, à peupler les camps de concentration, dont Dachau qui ouvre dès mars 1933 pour « recevoir » les opposants politiques ? Ce qui demeure le plus important dans le NSDAP et qui lui vaudra, en allemand, en français comme dans toutes les langues du monde, son diminutif « nazi », est à juste titre le mot « national » qui le distingue de tout le reste du spectre politique, intégrant d’ailleurs rapidement tous les nationalistes avant même de devenir un parti unique. Or, qui se revendique aujourd’hui comme incarnant le bloc « national », au point de l’avoir gardé dans son nom malgré un ravalement de façade ? Le Rassemblement National et ses dirigeants, dont certains, comme le vice-président du parti depuis 2022 Julien Sanchez, ont été condamnés tout récemment pour incitation à la haine raciale. Le fascisme protéiforme Adolf Hitler dans l’Allemagne des années 1930, comme Benito Mussolini dans l’Italie des années 1920, a fait de son combat contre la gauche, contre les ouvriers grévistes, contre les organisations syndicales – logiquement interdites dans les deux régimes – sa principale force motrice, celle qui lui a attiré les faveurs de la bourgeoisie financière et industrielle nationale et mondiale. Comme Franco en Espagne, comme Pinochet au Chili, comme Bolsonaro au Brésil ou encore Lire la suite

  • En cas de victoire du Rassemblement National le 7 juillet, ce serait Jean-Philippe Tanguy qui devrait être nommé ministre de l’Économie dans le gouvernement dirigé par Jordan Bardella.

  • En organisant des élections législatives anticipées sur les 577 circonscriptions françaises dans les conditions qu’il a choisi d’imposer, le Président Macron a bafoué les deux règles les plus élémentaires garantissant la démocratie représentative

  • Dans sa conférence de presse de près de deux heures tenue hier mercredi 12 juin, le Président Emmanuel Macron a renvoyé dos à dos « les deux extrêmes ».

2024 : La Campagne électorale au Fil des Jours

  • Agressé alors qu’il collait des affiches pour Olivier Véran, Bernard Dupré est apparu légèrement blessé jeudi 4 juillet dans tous les médias nationaux. Selon lui, l’auteur du coup de poing lui a dit être proche de la France insoumise (LFI). Une version vivement contestée par l’avocate de ce dernier. Une autre version qu’à la télé Hier jeudi matin, Bernard Dupré, adjoint au maire de La Tronche, en Isère, engagé dans la campagne législative pour le camp macroniste, a été agressé alors qu’il collait les affiches électorales de l’ancien ministre Olivier Véran dans sa commune. Il a immédiatement porté plainte en précisant, à l’ensemble des médias nationaux qui l’ont interrogé, que l’homme qui l’a attaqué serait proche de la France insoumise. Dans la nuit de jeudi à vendredi, le principal journal isérois Le Dauphiné Libéré relayait une version très différente de celle reprise en chœur par les chaînes d’information en continu. Dans cette circonscription où a lieu une triangulaire entre Renaissance, Rassemblement National et Nouveau Front Populaire, l’homme de 26 ans qui a eu une altercation avec M. Dupré serait atteint de troubles autistiques, totalement apolitique, n’aurait pas parlé de LFI et aurait lui-même été agressé, selon son avocate, Me Morgane Basset. « Mon client ne s’est pas rendu à la police, il est allé au commissariat pour porter plainte à son tour » confie Me Basset à la rédaction du Dauphiné Libéré. « Mon client, suivi pour troubles autistiques, s’estime lui aussi victime. Il a affirmé qu’il avait voulu faire une mauvaise blague à l’élu, en voyant le coffre ouvert et les flyers dépasser qu’il a voulu dérober. Son autisme est attesté, il est suivi pour cela. » Témoignages contradictoires De fait, la caractérisation politique de cette agression tient aux déclarations de Bernard Dupré, formulées devant les fonctionnaires de police comme devant les caméras. « J’étais en train de nettoyer les affiches d’Olivier Véran qui sont sans arrêt dégradées. Un homme est venu me voler les affiches qui étaient dans mon coffre ouvert. Je lui ai demandé de me les rendre. Il a refusé. Et il m’a foutu un coup de poing. Je lui ai crié : vous êtes LFI ? Il m’a répondu “oui”. Je ne sais pas si c’est un militant ou un sympathisant. Mais il m’a répondu oui. » Me Morgane Basset réfute fermement ces accusations, tout en donnant un déroulé des faits nettement différent. « Mon client dit que l’élu aurait réagi très vivement au vol des affiches, en brandissant la brosse de collage et en l’attrapant par les cheveux. Une touffe de cheveux a d’ailleurs été versée au dossier. Il dit aussi qu’il a donné un coup de poing pour se défendre, et qu’il n’est pas sympathisant LFI, qu’il n’a jamais parlé de LFI. Il dit que son geste était apolitique. Une mauvaise blague qui a dégénéré. On est loin donc de la première version donnée. » Et l’avocate au barreau de Grenoble d’ajouter : « Mon client entend porter plainte pour violences mais aussi diffamation. » L’homme de 26 ans doit connaître une expertise médicale vendredi matin, au commissariat où il est maintenu en garde à vue au sein du Service local de Police Judiciaire (SLPJ). Le mal est fait Dans un contexte de tension généralisée par la probable arrivée au pouvoir gouvernemental de l’extrême-droite, et par l’incertitude forte qui pèse sur la composition future de l’Assemblée nationale, tous les coups sont pour ainsi dire permis. Y compris les instrumentalisations politiques les plus viles. Nous avons ainsi vu, il y a deux semaines, le ministre de la Justice du gouvernement macroniste, Eric Dupond-Moretti, s’en prendre brutalement à Jean-Luc Mélenchon et au Nouveau Front Populaire en réaction au viol d’une enfant juive par un groupe d’adolescents de son âge, à Courbevoie. De quoi semer le trouble chez des électeurs appelés par l’actuel Premier ministre Gabriel Attal, au soir du premier tour, à « faire barrage » au Rassemblement National par tous les moyens, y compris en votant pour les candidats du NFP… Après que son propre gouvernement n’ait eu de cesse de mettre un signe égal entre la gauche et l’extrême-droite. Reste que le mal est fait, et qu’à la violence politique entre militants qui connaît un regain certain après une relative accalmie de vingt ans, s’ajoutent des accusations calomnieuses dont les citoyennes et les citoyens se passeraient bien. En l’espèce, l’enquête ouverte par le procureur de la République de Grenoble, Eric Vaillant, pour « vol avec violences » ne donnera ses conclusions que bien après le second tour des élections législatives, qui se tient dans moins de 48 heures.

  • Au-delà des grandes suppositions que je formule à titre personnel dans ce long éditorial à l’issue du premier tour, une certitude m’anime. La France a de quoi trembler. Dimanche 30 juin, le Rassemblement National et ses alliés directs, autour d’Éric Ciotti notamment, sont arrivés en tête du premier tour des élections législatives anticipées avec, peu ou prou, un tiers des suffrages exprimés. Ayant réalisé le score définitif de 27,99%, le nouveau Front populaire évite le pire mais représente moins que la somme des quatre principaux partis de gauche et écologistes à l’élection européenne du 9 juin, dont la coalition n’a pas permis de faire mieux, en pourcentages, malgré une participation en nette hausse. Causes étrangères et endogènes Que la dynamique d’union des forces de gauche n’ait pas permis à la bannière du nouveau Front populaire de profiter d’une dynamique électorale suffisante pour réduire l’écart avec le RN, voire le dépasser, s’explique par des facteurs exogènes et endogènes. Parmi les raisons étrangères à la gauche se trouvent la manière dont Emmanuel Macron a imposé ces législatives, avec un calendrier extrêmement resserré, et celle dont les médias ont animé le débat prétendument démocratique. La campagne a tourné autour de tout, sauf des programmes, avec des journalistes obsédés par la question de l’incarnation du NFP et de la personnalité d’un(e) probable Premier(e) ministre. Cette pratique pseudo-journalistique n’a laissé, comme temps de parole aux candidats de la gauche rassemblée, que de quoi s’expliquer sur telle polémique ou telle calomnie (les accusations d’antisémitisme par exemple) et à peine quelques secondes par interview pour mettre en valeur les propositions, portées sur le terrain et au niveau national. En miroir, le RN a bénéficié d’une exposition médiatique particulièrement complice de la part des médias à la solde du capital, bien au-delà des seuls titres appartenant à Vincent Bolloré. Leurs candidats, dont certains condamnés pour incitation à la haine raciale à l’inverse de toutes celles et tous ceux du NFP, se sont vus dérouler un tapis rouge pour déverser leurs éléments de langage bien préparés. Les abominations comme l’attaque insensée contre l’ancienne ministre socialiste de l’Éducation nationale Najat Vallaud-Belkacem, accusée d’avoir abîmé l’école parce que binationale (Franco-Marocaine) à moins de 72 heures du vote, n’ont pas particulièrement ému les éditorialistes de plateaux. Que le système politico-médiatique ne favorise ni le débat d’idées, ni nos idées, n’est pas une surprise même si ses méthodes s’appliquent toujours plus férocement. Aussi, nous ne pouvons pas faire l’impasse sur les causes endogènes, c’est-à-dire propres au nouveau Front populaire, à ses composantes et à leurs représentants eux-mêmes, dans les résultats insatisfaisants du 30 juin. Guerre fratricide Trop longtemps, les forces de gauche se sont tirées dans les pattes pour qu’une coalition presque spontanée, après l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale, puisse apparaître aux yeux de nombreux électeurs comme un rassemblement sincère plutôt que comme une tentative désespérée de gagner ou garder des sièges d’élus. La guerre fratricide à gauche, menée tantôt par une composante contre une autre, tantôt par l’autre contre l’une, exprimée fortement dans la campagne européenne où quatre listes principales ne cherchaient qu’à se démarquer l’une de l’autre, aura fait bien des dégâts. Un jour, les insoumis accusaient Raphaël Glucksmann, tête de liste socialiste, de préparer les esprits à la guerre. Un soir, Léon Deffontaines, tête de liste communiste, reprenait les termes de nos adversaires pour dénoncer la prétendue ambiguïté sur l’antisémitisme de la France insoumise. Les écologistes avaient refusé la main tendue de LFI pour constituer une liste d’union aux européennes, qu’ils auraient menée, et leur score en nette baisse les a amenés à se mordre les doigts. Mais quand, le 9 juin, après que l’extrême-droite française ait réalisé son meilleur score électoral depuis la Libération, Emmanuel Macron a décidé d’imposer des élections législatives et une campagne-éclair de deux semaines entre le dépôt des candidatures et le scrutin, la menace fasciste a sauté aux yeux des dirigeants de la gauche. C’est pourquoi, après trois jours et trois nuits de tractations intenses, le nouveau Front populaire a pu voir le jour, jeudi 11 juin avec un accord et vendredi 12 juin avec un programme rendu immédiatement public. Un travail considérable avait abouti à des pratiques partagées et un accord de législature, valant programme de gouvernement. La guerre fratricide était-elle derrière nous, au moins le temps de la campagne ? Même pas… Terrible feuilleton Le soir même du 12 juin, par un communiqué tombant comme un couperet, la direction nationale de LFI annonça ne pas reconduire l’investiture de plusieurs députés sortants, sanctionnés pour avoir été trop proches de François Ruffin et de la logique unitaire transpartisane. Premier coup de canif dans les accords du NFP. Le lendemain, les cinq parlementaires sanctionnés annoncèrent d’une même voix qu’ils présenteraient leurs candidatures, avec ou sans le logo LFI ou NFP. François Ruffin et Clémentine Autain leur apportèrent leur soutien. Une candidate, ancienne collaboratrice de Raquel Garrido – l’une des cinq sanctionnés – se présenta dans la circonscription d’Adrien Quatennens, protégé de Jean-Luc Mélenchon et réinvesti en vertu des accords du 11 juin. Le feuilleton ne faisait que commencer, et nous vous épargnerons les détails. Voyant les oppositions se cristalliser autour de la figure tutélaire de Jean-Luc Mélenchon, non seulement dans le cadre du nouveau Front populaire mais aussi au sein même du groupe LFI sortant, nos ennemis de classe médiatiques et politiques se frottèrent les mains, salivant d’avance. Ils tendirent le piège de la question de l’incarnation, obligeant les représentants du NFP à prendre position sur telle ou telle hypothèse de nomination à Matignon ; beaucoup des responsables de gauche sautèrent dedans à pieds joints. Contrairement aux accords électoraux du 11 juin, qui indiquaient que le Premier ministre serait issu des rangs du groupe majoritaire, Olivier Faure et Marine Tondelier défendirent, aux micros de médias hostiles, un vote entre tous les députés NFP pour désigner le potentiel chef du gouvernement, après le 7 juillet et l’hypothétique victoire électorale de la coalition de gauche. De son côté, Jean-Luc Mélenchon exprima son désir de gouverner. Les résultats […]

  • Chaque année depuis 1996, le début de l’été est marqué par la parution du Classement des 500 plus grandes fortunes professionnelles de France par le magazine Challenges. Aucune année n’y fait exception et le fameux « numéro spécial » est dévoilé au plus tard le premier mercredi de juillet. Mais cette année, la date tombe le 3 juillet. En plein entre-deux tours des élections législatives anticipées dans lequel le nouveau Front populaire aura encore toutes ses chances, oseront-ils inviter dans la campagne le sujet brûlant de la concentration des richesses ? Nul doute que la question de savoir s’il faut publier, à la date devenue habituelle depuis vingt-sept ans, le classement des grandes fortunes de France mercredi prochain doit lourdement agiter la rédaction de Challenges. Claude Perdriel, l’anti-Bolloré Il faut dire que le magazine libéral, tant sur le plan économique que politique, est une exception. Farouchement pro-business, il reste la propriété majoritaire (à 60%, les 40 autres pourcents étant détenus par Bernard Arnault) de Claude Perdriel. Né dans une famille bourgeoise en 1926, ayant assuré son premier succès financier dans le marché des sanibroyeurs, Claude Perdriel présente le signe distinctif, dans le paysage actionnarial médiatique français, d’être tout simplement… un homme de presse. Au contraire des autres propriétaires, qui ont choisi d’investir dans les journaux, les stations de radio ou les chaînes de télévision pour s’acheter de l’influence sur l’opinion publique. Patrick Drahi, patron de BFMTV et de RMC, a fait fortune dans les télécoms ; son groupe de presse sera très sûrement cédé officiellement d’ici quelques semaines à Rodolphe Saadé, à la tête du troisième armateur mondial pour le transport maritime de marchandises. Le groupe TF1 est dans le giron, depuis trois décennies, du magnat du bâtiment et travaux publics (BTP) Martin Bouygues. Quant à Vincent Bolloré, avant d’être le très idéologue actionnaire majoritaire de CNews, Canal+, C8, Europe 1 ou encore du Journal du Dimanche (Le JDD), il est héritier de la papeterie bretonne OCB et a démarré sa carrière dans la banque d’affaires, avant de s’enrichir par l’établissement, en Afrique, d’un empire privé des transports et de la logistique. Claude Perdriel, au contraire de ces quelques milliardaires, a nourri dès l’adolescence une appétence pour la presse et une envie continue de « diriger un journal pour défendre un idéal de justice ». Lui-même témoigne de l’éveil de sa conscience politique quand, en 1942, il assiste à l’application des lois antisémites. Aujourd’hui âgé de 97 ans, M. Perdriel fait donc office d’anti-Bolloré à au moins deux égards : son rapport au journalisme, conçu moins comme un outil de propagande idéologique que d’information plus honnête, et son attachement au libéralisme politique, fondé sur l’égalité civique ne pouvant tolérer aucune forme de discrimination. Pas de courte-échelle A l’occasion des élections législatives anticipées des 30 juin et 7 juillet 2024, la rédaction de Challenges défend autant que possible le macronisme ou ce qu’il en reste. En « Une » de son site internet mercredi 26 juin, le magazine loue les « résultats honorables » de la politique pour le pouvoir d’achat de Gabriel Attal, et regrette que la majorité sortante doive faire « face à la surenchère de ses concurrents ». Clairement pas favorable au programme du nouveau Front populaire, « financé par le matraquage fiscal » annonce l’un des articles mis en avant, la ligne éditoriale de Challenges n’est pas plus tendre avec l’extrême-droite, n’hésitant pas à titrer que « le programme du RN » consiste en « un « dérapage incontrôlé » ultracoûteux ». Si le programme de la coalition de gauche et celui, réduit à peau de chagrin, du Rassemblement National sont tous deux considérés comme « dangereux », il faut reconnaître que le journal économique fait partie de l’un des rares médias libéraux à ne pas faire la courte-échelle aux thèses de l’extrême-droite, dénoncée explicitement comme le plus grave danger pour la société française. La personnalité et l’expérience de Claude Perdriel ne sont pas étrangères à cette prise de position. De 5% du PIB en 1996… Fondé en 1982 par d’anciens étudiants de l’ESSEC Business School et racheté en 1987 par M. Perdriel déjà propriétaire du Nouvel Observateur, Challenges publie au début de l’été 1996 un numéro consacré au « classement des 500 premières fortunes professionnelles », sobrement titré « Les Français les plus riches ». Le classement devient vite un marqueur incontournable du magazine, qui établit son meilleur tirage pour ce numéro de fin juin / début juillet. Ne sont pris en compte que les actifs professionnels, essentiellement en valeur boursière, sans considération pour les dettes ni pour les propriétés personnelles tels que les biens immobiliers ou les collections privées. Le classement des 500 plus grandes fortunes, et surtout son évolution, est un indicateur fiable de la concentration capitalistique et de la financiarisation de l’économie. En 1996, la somme totale des patrimoines professionnels présents dans le classement atteignait 80 Milliards d’euros (bien entendu présentés en francs, à l’époque) tandis que le produit intérieur brut de la France s’élevait à l’équivalent de 1.600 Milliards d’euros. Les fameux « 500 » détenaient donc l’équivalent de 5% du PIB. … à 49% en 2023 ! Après avoir déjà grimpé à 570 Milliards en 2017, la fortune globale des 500 patrimoines professionnels privés les plus élevés culminait, après six ans de Macronie, à 1.170 Milliards d’euros à l’été 2023. Parallèlement, le PIB français s’était hissé à 2.247 Milliards en 2017, avant de plafonner à 2.370 Milliards d’euros en 2023. Cette croissance en berne, en nette baisse sous la présidence d’Emmanuel Macron, ne s’explique pas uniquement par la crise du Covid mais également par l’inefficience des dogmes de la « baisse du coût du travail » ou du « ruissellement » qui, sans toujours être nommés clairement, sous-tendent toute la politique économique ultra-libérale. En 2017, le patrimoine cumulé des 500 plus grandes fortunes privées équivalait à 25% du PIB, puis il a explosé jusqu’en 2023 où il représentait plus de 49% du total du produit intérieur brut. Le PIB est la somme de toutes les valeurs ajoutées réalisées dans les entreprises et administrations, privées comme publiques, en une année pleine en France, territoires d’Outre-mer compris ; et […]

  • Jamais depuis la Libération, l’extrême droite, en France, ne s’est trouvée si près de la victoire. Elle porte un projet de démolition sociale, de repli chauvin, de discrimination raciste, sexiste, homophobe, de guerre aux minorités, de basculement liberticide et de régression écologique. Dans sa stratégie de conquête du pouvoir, elle a fait des médias un terrain privilégié, avec la prise de contrôle de titres, de chaînes de télévision, de radios par des milliardaires au service de son projet. Par ce maillage, elle impose dans le débat public ses fausses nouvelles et ses obsessions contraires aux droits fondamentaux. Le Rassemblement national annonce déjà la couleur pour l’audiovisuel public, voué, s’il l’emportait, à la privatisation. La liberté de la presse est dans sa ligne de mire. Partout en Europe, dans le monde, où l’extrême droite gouverne, celle-ci est violemment attaquée : interdiction de publication, destruction du secret des sources, multiplication des procédures bâillons, censure, pressions et intimidations, assèchement des aides publiques à la presse. En France, le terrain en a malheureusement été méthodiquement préparé par l’exécutif sous la présidence d’Emmanuel Macron, qui n’a eu de cesse de restreindre les protections et les droits des journalistes, par les atteintes au secret des sources et la primauté du secret des affaires, la loi sur la sécurité globale, la fusion programmée de l’audiovisuel public et le laisser-faire en matière de concentration capitalistique des médias aux mains de grands industriels, au détriment du pluralisme et de l’indépendance. Le combat contre l’extrême droite et son projet est au cœur de nos engagements éditoriaux. Dans notre diversité, nous entendons prendre toute notre part à l’indispensable rassemblement politique, social, populaire, au service de la justice sociale et écologique, de l’émancipation humaine et de l’extension des droits et libertés pour lui barrer la route du pouvoir. L’enjeu est de préserver la possibilité même d’une presse indépendante du pouvoir politique, pluraliste, avec des journalistes exerçant leur métier en toute liberté. Sans presse libre, pas de démocratie. C’est pourquoi nous appelons, par nos initiatives éditoriales, et sans jamais renoncer à notre regard critique, à soutenir la mobilisation sociale et citoyenne en cours, qui fait écho à la dynamique antifasciste du Front populaire de 1936 dans sa capacité à déborder les cadres partisans. Nous considérons qu’elle seule est à même d’empêcher le RN d’accéder au pouvoir, le 7 juillet. La lutte contre l’extrême droite nous requiert tous et toutes, et nous, en premier lieu, comme acteurs de la société civile. Médias signataires : l’Humanité, Mediapart, Reporterre, Politis, Bondy Blog, StreetPress, Regards, Là-bas si j’y suis, Acrimed, Afrique XXI, à l’intersection, Alternative libertaire, Alternatives économiques, AOC, Arrêt sur images, Au poste, Basta !, Blast, Boukan, Citizen Jazz, Climax, Contretemps, Court Circuit, CQFD, Disclose, En attendant Nadeau, Espèces, Fonds pour une presse libre, Frictions, Ghett’up, Grand Format, Histoirecoloniale.net, iHH™ Magazine, Inf’OGM, Infoscope, IPNS, journal du plateau de Millevaches, les Inrockuptibles/Cheek, l’Âge de faire, l’Alterpresse68, l’Empaillé, l’Œil d’Olivier, CFDT-Journalistes, la Clé des ondes, la Déferlante, la Friche, Guyaweb, la Lettre de l’audiovisuel, la Marseillaise, la Messagère libérée, la Revue Dessinée, la revue Pays, la Scène, le Ch’ni, le Courrier des Balkans, le Crestois, le Média TV, le Mouais, le Peuple breton, le Poulpe, les Autres Possibles, les Jours, les Lettres françaises, Lokko, Medfeminiswiya, Médianes, Natura Sciences, Orient XXI, Paris Lights Up, Paris Tonkar™ International, Podcastine, QG Média, Radio Parleur, Radio Cause Commune, Rapports de force, Reflets.info, Rembobine, Revue Ballast, Revue Europe, SDJ d’Epsiloon, SDJ de France 3 – Rédaction nationale, SDJ de Konbini, SIné Mensuel, Spectre podcasts, Socialter, Splann !, Society, So Foot, Témoins, le magazine du SNJ-CGT, Théâtre/Public, Théâtre(s), Ubu – Scènes d’Europe, Transrural, le Travailleur catalan, Voxeurop, Youpress, le Zéphyr, 15-38 Méditerranée, Un Canon sur le Zinc, Specto Média, Guiti News, Cluny TV, J’ai Piscine avec Simone, Revus & Corrigés, Mediavivant, La Disparition, Voisins-Nachbarn, Altermidi, D’ailleurs & d’ici, Droits et Libertés, Revue Délibérée, Madinin’art, Revue Jeune Cinéma, Le Matricule des anges. https://www.dailymotion.com/video/x90lcik

  • Si vous votez pour le RN par colère, par contestation, par dégoût pour un pouvoir qui méprise votre existence, piétine vos aspirations et trahit dès la première occasion, je pleurerais sur votre sort. Si vous accordez au RN votre suffrage par volonté de vivre et ne plus survivre, de ne plus faire vos courses au hard-discount la calculatrice en main, de manger à votre faim et à votre envie tout le mois et toute l’année, de ne plus vous priver de viande trois jours sur quatre, d’être en capacité de vous faire plaisir de temps à autre et d’offrir des moments de joie à vos enfants ou petits-enfants, je pleurerais sur votre sort. Si vous donnez votre voix au RN par adhésion, par conviction que la France a perdu de sa superbe, que vous n’êtes plus chez vous, que vous êtes opprimé par vos propres voisins aux us et coutumes contraires à celles qui vous sont familières, que vous ne pouvez plus sortir de chez vous sans craindre la délinquance ou la criminalité, que vous risquez chaque fois que vous vous rendez en ville de connaître l’horreur d’un attentat islamiste, je pleurerais sur votre sort. Si vous fêtez la victoire du RN aux soirs du 30 juin et du 7 juillet, par croyance que vos difficultés s’atténueront, que vos problèmes existentiels seront derrière vous, que vous ne serez plus obligés de faire vos courses avec la calculatrice, que vous pourrez enfin vous sentir chez vous, que vous serez alors représenté par des hommes et des femmes respectables et fiables, je pleurerais sur votre sort. Si vous applaudissez à la privatisation de médias publics, qui de toute évidence ont sous-estimé vos soucis ou tourné en dérision ce qui vous tient à cœur, si vous êtes rassuré par l’omniprésence de fonctionnaires de police nationale ou de soldats Sentinelle équipés d’armes automatiques, si vous vous réjouissez du rétablissement des peines-plancher pour les infractions concernant les stupéfiants et de l’expulsion immédiate de tous les étrangers délinquants ou fichés S, si vous pensez que vous pourrez exercer votre droit à vivre en sécurité et en sérénité, je pleurerais sur votre sort. Si vous soutenez la restriction des droits des homosexuels, des syndicalistes, des musulmans français, des jeunes sortant des sentiers battus, des restaurateurs aux spécialités orientales, des activistes écolos ou de vos voisins aux us et coutumes différentes, si vous considérez l’austérité raciste et l’exclusion des autres comme le seul moyen d’obtenir la reconnaissance que vous méritez, je pleurerais sur votre sort. Si vous êtes insensible aux manœuvres policières violentes, aux verdicts judiciaires expéditifs, aux décisions administratives arbitraires, à la criminalisation de l’opposition institutionnelle ou populaire, à la constitution et au déchaînement de groupes armés pour imposer par la force les nouvelles lois et les nouvelles normes, je pleurerais sur votre sort. Si vous ne versez pas la moindre larme sur les cibles du nouveau pouvoir, si vous riez aux éclats du sort réservé à vos voisins aux cultures qui ne sont pas les vôtres, si vous devenez indifférent, brutal et impitoyable, mû par la fureur de votre vengeance aveugle, si vous y perdez vos principes, vos sentiments et votre humanité, je pleurerais sur votre sort. Si votre révolution nationale, que vous appelez aujourd’hui de vos vœux et que vous rejoindrez sans doute demain, ne m’a pas poursuivi, traqué, enfermé, n’a pas été au bout de sa rage de me punir pour avoir commis la crime d’être journaliste d’opposition, syndicaliste fraternel, communiste convaincu et handicapé psychique, si vous n’avez pas anesthésié ma capacité à me révolter, à m’indigner ou à m’attendrir, si seulement vous ne m’avez pas privé de mon humanité, alors sans condition je l’entretiendrais comme on prend soin d’une faible flamme plus précieuse que jamais et je pleurerais sur votre sort.

  • En procédant à la dissolution de l’Assemblée nationale, le Président Macron a fait atteindre un palier inédit au malaise psychique qui gangrène la société française. Le climat de peur Le climat anxiogène était d’ores et déjà nourri, de plus en plus intensément ces dernières années, par des médias dominants – comprendre : aux ordres de la classe dominante, dans un lien de dépendance et de subordination volontaire aux capitalistes propriétaires de leur entreprise ou annonceurs. Ces médias, privés ou publics, qui ont l’influence la plus massive dans notre pays, donnent bien l’impression d’utiliser la détresse psychologique du public comme une arme pour faire monter l’audimat. Le traitement tour à tour des faits divers, de la pandémie de Covid-19, des guerres, de l’inflation ou de la politique nationale vient accentuer les peurs et les inquiétudes chez les classes populaires. Partie immergée de l’iceberg Le traitement médiatique ne se révèle, néanmoins, qu’être la partie émergée d’un iceberg de malaise dont l’englouti, le non-dit, remonte à plus loin, s’enracine plus profondément dans nos vies. Quel que soit notre âge, nous nous accordons à considérer le passé comme un temps béni où l’insouciance avait droit de cité. La perte de liens sociaux et l’individualisme, à l’heure des réseaux et outils numériques censés nous faciliter la communication, se manifestent plus que jamais. La tête constamment inclinée et le regard baissé vers l’écran de notre téléphone, nous voyons passer, en scrollant, une foule de contenus qui heurtent notre sensibilité. Confrontée aux rires gras et virils de ceux qui tournent en dérision notre nature sensible, la grande majorité d’entre nous ressent honteusement un malaise souvent conforté par les réseaux sociaux, dans un cercle vicieux tournant, pour les plus jeunes et les plus fragiles, en tragédie. Individualisme renforcé À la logorrhée numérique se mêle un mutisme physique, dans lequel s’enferme une part grandissante de la population française et qui cache mal un refoulé souvent violent que l’on s’acharne à oublier. Ces phénomènes d’individualisme et d’absence de parole libre et directe se sont brutalement renforcés lors des confinements successivement imposés pendant la crise du Covid. S’y ajoutent la difficulté à joindre les deux bouts, à satisfaire nos besoins les plus élémentaires jusqu’à la fin du mois dans un contexte d’inflation record, et l’impossibilité d’assouvir les tentations suscitées en permanence par la publicité et le monde des influenceurs, où règne le superficiel. Il suffit, pour ce point, de constater combien ce qui est considéré, par des millions de jeunes femmes et jeunes hommes, comme l’archétype de la beauté a glissé, ces dernières années, du charme naturel aux stéréotypes esthétiques défigurés et intoxiqués. Tétanie collective L’anxiété généralisée, chez un individu ou à l’échelle d’un groupe social – de la famille nucléaire (parents et enfants) jusqu’aux classes populaires – peut provoquer une tétanie. L’incapacité à se mouvoir, en l’occurrence à s’engager pour une cause claire, se fait douloureusement ressentir chez les classes exploitées et l’ensemble des personnes sensibles et capables de ressentir la souffrance d’autrui. Or, cette tétanie populaire fait particulièrement les affaires de quelques élites économiques, politiques ou médiatiques. Le repli sur soi, jusqu’à l’individualisme et au mutisme, d’une population en souffrance permet de gommer le malaise collectif au moment même où il prend racine plus que jamais. L’objectif de cette classe dominante est de parvenir à l’acceptation, par celles et ceux qui les subissent, de décisions arbitraires dans le monde du travail, de mesures politiques anti-populaires, de préjugés rétrogrades qui seraient prouvés par tel ou tel fait divers. L’ordre établi, aussi injuste qu’il puisse être, se maintient dans les consciences de ses victimes devenues crispées, contractées et rigides, dans le comportement du corps comme dans la façon de raisonner. Le coup de grâce Factuellement, dissoudre l’Assemblée nationale le jour où l’extrême-droite fait son meilleur score depuis la Libération, à six semaines du coup d’envoi des J.O. et avec un calendrier précipité est l’ultime coup de grâce fomenté par Emmanuel Macron sur le bien-être psychique de celles et ceux qui se sentent impuissants face au cours des événements. Le calendrier annoncé dès le soir du 9 juin par le chef de l’État, avec moins d’une semaine pour déposer les candidatures dans chacune des 577 circonscriptions et moins de 20 jours calendaires de campagne, suscite à juste titre des incertitudes et préoccupations à un niveau jamais atteint dans la vie de la plupart des citoyennes et citoyens. La campagne elle-même, telle qu’organisée par les médias – on est loin du « débat démocratique » qu’ils sont censés garantir – et telle que menée par la Macronie en déclin n’arrange rien. Campagne indigne Dans la mesure où, contrairement au bloc macroniste sortant et au bloc lepéniste grimpant, le nouveau Front populaire (NFP) est la seule force politique à présenter un programme complet, détaillé, actualisé et chiffré, le débat tel qu’organisé et nourri par les principaux médias porte sur tout… sauf sur les programmes. Chaque jour voit son lot d’accusations de trahisons et de purges, dans l’ensemble du paysage politique. La première semaine a été marquée par le psychodrame autour d’Eric Ciotti, toujours officiellement président d’un parti – Les Républicains – dont le bureau politique l’a exclu à l’unanimité. La deuxième semaine voit poindre à gauche, bien qu’elle soit parvenue à un large accord de coalition en un temps record, des divisions dont se régalent les élites. Plus que toute autre force politique, le NFP fait face à une campagne de diffamation aberrante qui rappelle l’unanimisme bourgeois pour le « Oui » au référendum sur le Traité constitutionnel européen – scrutin tenu le 29 mai 2005 qui aboutira à une victoire écrasante du « Non » qui s’avérait, selon toutes les études politiques, un « Non » massivement anti-libéral plutôt que xénophobe. Diffamations insensées Là aussi, chaque jour voit de nouvelles accusations injustifiées, en un mot de calomnies, prendre le dessus sur le reste de l’actualité de la coalition de gauche. Elle a avant tout été accusée de « propager l’antisémitisme » – alors qu’aucun candidat du nouveau Front populaire n’a jamais été condamné pour incitation à la haine raciale, qui inclut […]

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