Xavier Bertrand ministre de l’Économie et des Finances d’Emmanuel Macron en 2022, les trois leçons du souhait de Bruno Le Maire

Interrogé ce mercredi 14 avril 2021 par Jean-Jacques Bourdin, l’actuel ministre de l’Économie et des Finances, Bruno Le Maire, a formulé un souhait : que Xavier Bertrand, président de la région Hauts-de-France, ancien ministre de l’UMP et candidat déclaré à la présidentielle, prenne son relais à Bercy.

De cet aveu, évidemment calculé, nous pouvons tirer trois enseignements qui n’étonneront guère mais confirmeront la conception républicaine de l’actuel gouvernement et du président de la République.

1/ Pour l’heure, le chef de l’État envisage de se représenter

Offrir un poste futur à un adversaire déclaré en l’instant présent, et le proposer à une heure de grande écoute lors d’une des matinales les plus suivies de France, en dit long sur les manœuvres qui se passent en coulisses.

Cette tambouille politicienne concoctée par Bruno Le Maire, qui n’a visiblement rien de très neuf à proposer malgré la tempête économique et financière que nous traversons, est du même tonneau que celles qui ont poussé les citoyens à la défiance vis-à-vis de la chose publique, au discours du “tous pourris” ou au vote en faveur de l’extrême-droite.

Savoir qui occupera les postes à haute responsabilité dans l’hypothèse d’une réélection d’Emmanuel Macron se situe à des années-lumière des préoccupations des travailleurs de France, pour la simple et bonne raison qu’ils ne veulent précisément pas de cette réélection.

Néanmoins, le mérite – infime, mais réel – de cette déclaration est d’admettre que l’actuel président de la République souhaite se représenter en 2022, du moins à ce jour ; et il le fait savoir par la voix d’un des principaux chefs de ministères régaliens de son gouvernement, peut-être pour tuer dans l’œuf l’hypothèse plaçant Édouard Philippe candidat de La République en marche (LREM).

2/ Macron veut continuer à siphonner la droite

Le deuxième enseignement n’est pas non plus une grande surprise : en offrant, certes non par sa propre voix mais par celle de Bruno Le Maire, un poste de premier plan à son premier adversaire direct sur sa droite, en la personne de Xavier Bertrand, Emmanuel Macron veut continuer à empiéter sur le terrain de l’aile droite du champ politique.

Ce travail d’occupation des thèses de la droite néolibérale et conservatrice ne surprendra pas, puisqu’il est effectué avec minutie depuis quatre ans par un chef de l’État officiellement venu de la gauche, trouvant son paroxysme avec la nomination de Gérald Darmanin au ministère de l’Intérieur – lui qui trouve Marine Le Pen “trop molle” face à l’islamisme.

Xavier Bertrand, qui se réclame de la droite sociale et du gaullisme, apparaît aux yeux de Messieurs Macron et Le Maire comme le candidat le plus sérieux à la droite de l’actuelle majorité, et c’est un pas vers lui qui est réalisé – dans une nation, la France, qui s’est amplement et effectivement droitisée ces vingt dernières années.

Il n’y aura donc ni redistribution des richesses, ni relance de type “New deal” au lendemain de la crise économique profonde que notre pays, et l’humanité, traversent, si les mêmes restent au pouvoir. Et c’est là l’ultime, et la plus importante, des leçons à tirer de cette main tendue à Xavier Bertrand.

3/ Xavier Bertrand à Bercy, pour vampiriser le travail au profit du capital

Pour comprendre l’objectif de placer Xavier Bertrand au ministère de l’Économie et des Finances, ne serait-ce que dans les rêves éveillés des macronistes en chef, il faut replacer les propos de Bruno Le Maire dans leur contexte.

Après un échange sur les règles de Maastricht – celle des 60% de dette publique rapportée au PIB est devenue caduque, mais celle des 3% de déficit est toujours valable, aux yeux de Bruno Le Maire – Jean-Jacques Bourdin fait remarquer à son interlocuteur qu’il propose dix milliards d’euros de baisse annuelle des impôts de production, là où Xavier Bertrand en propose trente-trois milliards.

C’est à cette question sur le fond, conclue par “Est-ce possible ?“, que Bruno Le Maire répond : “Xavier Bertrand ferait un excellent ministre de l’Économie et des Finances d’Emmanuel Macron réélu en 2022 (…) Il en a toutes les qualités.

S’il est absurde de prendre une telle déclaration au pied de la lettre, il est intéressant de constater ce qu’elle révèle, notamment sur le fond de la politique économique du parti présidentiel.

Baisser les impôts de production, c’est-à-dire les impôts sur les entreprises, de 33 milliards, alors que la dette et le déficit publics atteignent des records absolus dans l’ère contemporaine, revient à offrir 33 milliards d’euros par an au patronat qui seront vampirisés sur les aides directes et indirectes à la population de travailleurs.

En effet, ces économies de masse relèvent pour partie d’une baisse des cotisations sociales, donc du salaire socialisé alimentant la Sécurité sociale – dont chacun, parmi les classes populaires, peut mesurer la chance d’avoir pareille institution en pleine crise sanitaire, avec des hôpitaux où il ne faut pas montrer sa carte bancaire mais sa carte vitale pour être soigné – et pour partie de l’impôt sur les sociétés, qu’Emmanuel Macron est déjà en train de faire passer de 33% du bénéfice net à 25%.

3 bis/ Les considérations du pouvoir macroniste à l’égard des travailleurs

Pour baisser la dépense publique, donc les aides directes (financières) et indirectes (services publics tendant à la gratuité d’accès) vis-à-vis des travailleurs les plus exploités ou les plus exclus, dans le but d’offrir sur un plateau d’or de nouveaux milliards à un grand patronat déjà sous perfusion d’argent public, la droite macroniste et celle de Xavier Bertrand tombent parfaitement d’accord.

Alors que des millions d’emplois sont menacés par une crise inédite, que la réforme de l’Assurance-chômage provoquera une baisse drastique des indemnités mensuelles pour des millions de privés d’emploi, que des dizaines de milliers de très petites entreprises (TPE) craignent de ne pas pouvoir rembourser les prêts garantis par l’État (PGE) auprès de puissantes institutions bancaires exonérées de tout effort de guerre, les souhaits de l’actuel ministre de l’Économie au sujet de 2022 apparaissent comme autant d’insultes jetées à la figure des travailleurs en première ligne dans la crise actuelle.

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