Guerre et Peste : Comment la pandémie de Covid-19 a précipité la guerre en Ukraine

Comme nous l’avons maintes fois démontré dans nos colonnes, Vladimir Poutine est un impérialiste. Le conflit apparaît comme la conséquence logique de l’évolution des rapports de force à l’international, marquée par une régression des relations diplomatiques.

Le facteur déclencheur

Si la guerre semblait inévitable, il n’est pas anodin qu’elle se déclenche maintenant. Évitons de faire de l’histoire-fiction: même en estimant que les racines de la guerre étaient préalablement plantées sur le Vieux Continent, il a tout de même fallu un facteur déclencheur, qui, tel un précipité dans une solution, accélère les processus historiques observables.

Ici, difficile de ne pas voir la pandémie (et surtout les conséquences économiques dont elle est responsable) comme ce facteur déclencheur, puisque celle-ci a entraîné des mutations profondes dans les stratégies économiques des gouvernements nationaux, les recroquevillant sur eux-mêmes. Rappelons qu’au début de la crise sanitaire, le gouvernement français, en adoptant la politique du “quoiqu’il en coûte”, a cherché à planifier celle-ci par l’investissement massif dans des secteurs clés, en particulier celui des armes. A ce jeu, l’Europe n’est pas restée en berne, annonçant via Emmanuel Macron, le retour d’une force armée européenne, qui tel le chêne masquant l’incendie dans la forêt, cache mal les échecs de la politique économique hexagonale dans le secteur de la vente d’armes, l’épisode des sous-marins en Australie en est une preuve flagrante.

La plupart des Etats ont fait de leur mieux pour limiter les répercussions à court-terme de la crise mais la manière dont on va la rembourser n’est pas encore réglée.

Le Fonds Monétaire International appelle à “garder les factures”, laissant présager une dure période d’austérité dans les années à venir. Une bonne vieille guerre est aussi un moyen de relancer l’économie tout en détruisant son appareil productif, elle a aussi l’avantage de détourner l’attention tout en mobilisant l’opinion publique sur un sujet largement plus consensuel.

Il est plus facile, pour le candidat Macron, de défendre son bilan, en passant pour un chef de guerre à l’action, que de justifier pourquoi la gestion de la pandémie fut aussi opaque et inefficace, de l’avis général des professionnels de la santé.

L’arme bactériologique

On le sait, la guerre et l’épidémie sont les deux faces d’une même pièce, l’histoire regorge d’exemples en ce sens. C’est dans le sillon de la première guerre mondiale qu’a frappé la grippe espagnole, faisant au moins deux fois plus de victimes entre 1918 et 1921 (20 millions) que le bruit des armes entre 1914 et 1918 (10 millions).

Même dans les temps plus anciens, on trouve des traces de ce lien de causalité: ne dit-on pas que le siège des Mongols de la Horde d’Or sur la ville de Caffa (qui se situe dans l’actuelle Crimée) entre 1345 et 1347 est le point de départ de la peste noire qui va sévir en Europe ?

Même si une étude approfondie tempère cette anecdote, il est indéniable que les conflits européens du Moyen-Âge, en particulier la guerre de Cent Ans opposant les royaumes d’Angleterre et de France, ont facilité la circulation de la bactérie.

On pourrait même penser que la peste fut en quelque sorte une arme bactériologique, imposant le rythme des combats à la fin de l’époque médiévale.

Une bonne vieille guerre pour relancer l’économie

Sachant cela, on pourrait toutefois répondre que ces deux événements (la guerre en Ukraine et la pandémie de Covid-19), bien que proches l’un de l’autre, soient le résultat de processus indépendants.

Et pourtant, à bien y regarder, on ne peut que constater l’enchaînement logique de l’événement: le blocage de l’économie mondiale à cause de la pandémie a affaibli la force de frappe des nations et exacerbé la compétition entre elles, dont la pénurie de semi-conducteurs en était le signe avant-coureur.

Face à la réalité imposée par le nouvel ordre des choses, il n’existe pas un millier de manières de relancer l’économie.

Soit on la relance à l’aide de la demande intérieure avec une politique interventionniste de la part de l’appareil d’État, ce qui n’est nullement à l’ordre du jour en Europe comme en Russie, parce que cela impliquerait par exemple une sévère taxation des capitaines d’industrie européens d’un côté et des oligarques russes de l’autre.

Dans ce cas, il ne reste plus que la guerre qui sauverait les économies nationales. En effet, l’avantage d’une politique de guerre (si on peut le qualifier comme tel), est de relancer la production dans des secteurs déjà dynamiques, en particulier celui des armes, dont les bénéfices n’ont jamais été aussi élevés depuis le début de la pandémie.

Dès lors, cette situation ne pouvait que dégénérer et la face orientale de l’Europe possédait les meilleures prédispositions.

Le monde d’après et la fureur des armes

Emmanuel Macron ne croyait pas si bien dire, le 16 mars 2020, quand il répétait “nous sommes en guerre”.

Il apparaît étrange que le monde d’après, à l’heure où nous allons enlever les masques, commence par le retour de la guerre sur le sol européen. Comme un symbole, la formule de Karl Marx “celui qui ne connaît pas l’histoire est condamné à la revivre” n’a semblé jamais autant d’actualité.

Comme dans tous conflits, le surcoût entraîné dépasse le cadre des investissements militaires: les pertes civiles, l’afflux massif de réfugiés, l’augmentation des prix de première nécessité sont autant de conséquences déjà observables, entraînant inexorablement les nations les plus riches dans la spirale de la guerre.

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