Qatarcis

Vous le savez, mais à Infoscope, nous n’avons pas boycotté la coupe du monde.

Nous sommes supporters de football, l’auteur de ces lignes a par exemple été bercé par les performances du FC Nantes.

Nul n’est parfait…

Le football est un sport unique, qui a le pouvoir de réunir autour d’une même grammaire des personnes venus d’horizons différents. C’est notamment le cas pour les spectateurs: qui ne s’est pas laissé emporter par l’engouement suscité par le parcours des Marocains ? Chaque angevin peut se sentir fier d’avoir un de ces joueurs, Sofiane Boufal – mais aussi Ounahi, bien qu’il soit dans la rotation de la lanterne rouge de Ligue 1, le championnat local – participer à une demie-finale de la compétition reine. De ce point de vue, on peut dire que le spectacle était au rendez-vous.

C’est aussi un sujet journalistique des plus intéressants: en analysant le microcosme du football, on arrive bien à comprendre les luttes d’influence que se jouent la bourgeoisie.

Les sportifs, tels des gladiateurs, se transforment à la fois en héros populaire tout comme en égérie des intérêts de la classe capitaliste.

C’est notamment le cas pour les deux footballeurs les plus iconiques de leur génération, Cristiano Ronaldo et Lionel Messi, quand ils posent pour Louis Vuitton.

La marque de luxe, propriété de Bernard Arnault, ne s’y trompe pas quand elle choisit ses deux égéries.

D’ailleurs, cette photo a obtenu un record de likes pour la page Instagram de Louis Vuitton.

Pour les fans du ballon rond, les deux joueurs, monstres sacrés, jouent pour la dernière fois dans la compétition reine et ce qui pourrait les départager, c’est la conquête du titre mondial, puisqu’ils n’ont jamais soulevé le trophée.

A l’ère d’internet et des statistiques, leur rivalité s’est exacerbée durant les années 2010 quand le portugais enfilait la tunique du Real Madrid, le club de la couronne espagnole, alors que le prodige argentin était un joueur emblématique du FC Barcelone. Aujourd’hui, l’un a rompu son contrat qui le liait au club de ses débuts, Manchester United quand l’autre fait les beaux jours du Paris-Saint-Germain, club sous pavillon qatari.

Lionel Messi a clairement gagné la partie d’échec. Il est récompensé du titre de meilleur joueur de la compétition (pour la deuxième fois de sa carrière) et a eu l’honneur, en tant que capitaine de son équipe, d’être le premier à soulever la coupe. De ce fait, il est le seul et unique à obtenir la consécration du meilleur de tous les temps, ou GOAT comme diraient les aficionados.

Si nous devions retenir qu’une action de lui, ce serait sûrement son but contre le Mexique.

A ce moment-là du match, l’Argentine n’avait pas d’autres choix que de gagner, puisqu’elle a perdu d’entrée face à l’Arabie saoudite et si elle voulait continuer dans la compétition, autre chose qu’une victoire ne le permettait pas.

A partir de ce but, la voie s’est tracée pour un sacre mondial. Après avoir disposé du Mexique puis de la Pologne, les Argentins ont passé les obstacles de l’Australie, des Pays-Bas et de la Croatie avant d’affronter la France, championne du monde en titre.

Tout est bien qui finit bien puisque Lionel Messi a gagné sa coupe du monde. La communauté internationale applaudit à grand cri, l’émir en premier.

De son côté, la France a vécu une cruelle désillusion, elle qui rêvait de faire le “back to back”, c’est-à-dire garder son trophée, chose inédite depuis 1962 lorsque le Brésil de Pelé remporte une seconde fois la coupe du monde.

De notre côté, malgré notre circonspection face à cette question du boycott, il faut admettre que nous n’avons pas couvert l’événement. De toute façon, il est très difficile d’avoir un avis, d’opérer une analyse, tandis que l’histoire se vit.

En ce qui me concerne, je supportais l’équipe du Maroc, première équipe africaine à atteindre le stade des demi-finales et qui finit au pied du podium en perdant la petite finale face aux Croates, après leur défaite face aux Français mais en ayant éliminé tour à tour la Belgique (en phase de poule), l’Espagne et le Portugal de Cristiano Ronaldo, qui quitte le théâtre en pleurs.

Cette coupe du monde a incontestablement rebattu les cartes d’un football international qui a tendance à se polariser autour de grandes nations d’Europe de l’ouest. Pour la première fois depuis 20 ans, une nation latino-américaine remporte le graal.

Et quid du parcours des marocains, les joueurs menés par le talentueux Walid Regragui peuvent-ils répéter ce même niveau dans d’autres compétitions, en Coupe d’Afrique des Nations par exemple ?

Quant à la Croatie, petite nation de 4 millions d’âmes, est-elle devenue les Pays-Bas du XXIe siècle, après avoir fini deuxième en 2018 puis troisième cette année ?

L’olympisme a toujours été une catharsis des relations entre puissances et ceux depuis la fondation mythique des Jeux Olympique en Grèce Antique.

Politiquement, ce qui compte, c’est ce qui passe en coulisse et qui a connu un incroyable coup de projecteur en amont, puisque de multiples collectifs se sont emparés du débat sur l’attribution et l’organisation de la coupe du monde au Qatar.

Au fond, que ce soit sur le terrain ou dans les tribunes, peu importe. Le Qatar a affiché la pire performance d’un pays hôte de l’histoire mais l’émirat a réussi, à l’aide de sa communication tapageuse et des scénarios rocambolesques des matches à être au centre du jeu diplomatique, reléguant presque au second plan le conflit ukraino-russe, alors que ce dernier escalade dans la violence.

Le ridicule ne tue pas

En tout état de cause, le boycott a été un coup d’épée dans l’eau. Quand on sait qu’un français qui a boycotté sur cinq a finalement craqué, on constate bien que ce mouvement a peiné à trouver son public, il n’y a guère que ceux qui n’étaient déjà pas intéressé par le football qui n’ont pas regardé le match. Bien sûr, le boycott a eu plus de succès dans d’autres pays européens, comme en Allemagne mais cette dernière est sortie dès le premier tour, l’engouement ne pouvait être de mise.

Le problème du boycott est celui de toutes actions définies comme individuelles. En faisant encore une fois appel au pouvoir du consommateur, on s’est dit que l’agrégation de toutes les actions individuelles pouvait l’emporter sur la masse de l’offre télévisuelle et peut-être négocier, à terme, les contrats à la baisse.

Imaginez vous ! Grâce au pouvoir du boycott, on ferait d’une pierre deux coups, en diminuant les revenus qataris tirés du football – et ils sont partout dans le football, ils ont des chaînes, des clubs, des coupes du monde ! – nous porterions atteinte à la place de la famille al-Thani dans la communauté internationale !

L’observateur sarcastique pourrait répondre que le Qatar n’a pas besoin d’une coupe du monde pour s’affirmer dans la communauté internationale quand elle possède du gaz.

Dans un contexte où l’Union européenne voit ses propres arrivées, en provenance de la Russie, baisser à cause d’un conflit passé au second plan, rappelez-vous.

On comprend mieux pourquoi M. Emmanuel Macron, en parlant de l’événement sportif le plus suivi du monde, conseille de ne pas politiser le sport.

“Ne comprennent-ils donc pas que sans eux leur chauffage ne marcherait pas !” se dirait-il avec son humilité caractéristique ?

Passons…

En guise d’écran de fumée, il vaut mieux s’inventer des tensions diplomatiques avec l’Argentine.

Le chambrage du vestiaire Albiceleste ne passe pas dans les institutions du football français. Ces inconscients sont coupables de ne pas afficher le triomphe modeste…

Mais pourquoi Emiliano Martinez, élu meilleur gardien du Mondial et lui aussi champion du monde – il n’y a pas que Messi dans l’équipe – a besoin d’en rajouter une couche sur Kylian Mbappé, lui qui a échoué trois fois à l’exercice des pénaltys – dont on vante son habilité – face au meilleur buteur de la compétition ?

En dépit des implorations scandalisées de Noël Le Graët, président de la Fédération Française de Football, le trashtalk fait partie inhérente du sport et, nos compatriotes belges en soient témoins, les protestations de la presse française sonnent comme des jérémiades.

Finalement, le président de la république française à raison de se “tamponner”, comme il dit, des critiques.

En allant sur le terrain réconforter de manière inopportune les joueurs et le staff des Bleus, il se contredit lui-même deux paragraphes plus haut. “Ne comprennent-ils donc pas que je fais ça pour améliorer ma cote de popularité ?”

M. Macron, nous sommes au regret de vous annoncer que vous êtes gênants. Et ce n’est pas moi qui le dit, c’est Europe 1.

Le bilan politique de la coupe du monde

Si on doit faire le bilan politique de la coupe du monde de football au Qatar, nous utiliserions une métaphore sportive.

Dans ce cas, nous commencerions par dire que le Maroc a clairement gagné la coupe du monde.

En étant la première nation africaine et arabe à atteindre les demies-finales, elle a acquis un puissant statut qui lui permettrait d’asseoir son rayonnement culturel. Mais l’essentiel est ailleurs, surtout quand le président de la république américaine, Joseph Biden, affiche son soutien sportif au Maroc face à la France, quand il regarde le match avec le Premier ministre du royaume chérifien.

On peut se dire que le Maroc vient de se trouver un allié de choix, bien plus influent aujourd’hui que l’ancien colonisateur.

Gagner ou perdre, lui, il s’en tamponne vraiment.

Nous devons tirer aussi le chapeau pour la remontada qatarie, qui, tout en déjouant les polémiques et les tentatives de boycott, a réussi à afficher son unité avec les traditionnels rivaux régionaux, Arabie Saoudite et Emirats Arabe Unis mais surtout à vendre pour deux milliards de dollars, un projet de raccordement au gaz avec l’Allemagne.

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