D’où vient la conscience écologique de Christophe Béchu ?

Sans vouloir lui jeter la pierre, Christophe Béchu n’est pas reconnu en matière d’action climatique. Il a d’autres qualités mais pas celle-là.

On a beau chercher, difficile de trouver une citation marquant son attachement à la préservation de la planète. 

C’est pourquoi on peut comprendre l’interrogation d’une partie de la classe politique, en particulier au sein de la gauche, quant à la nomination de l’ancien maire d’Angers à un poste aussi symbolique que ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. 

 

La députée NUPES Sandrine Rousseau est catégorique, “Christophe Béchu n’a absolument pas compris la question écologique”. Elle avait déjà fait part de sa circonspection sur Twitter, n’ayant jamais remarqué l’angevin dans une quelconque lutte écologique. 

 

Le bilan de l’ancien édile à la mairie d’Angers n’est effectivement guère reluisant

La majorité de droite a surtout agi en faveur de l’attractivité de la ville, notamment auprès de Parisiens en manque de campagne, qui pourraient voir d’un bon œil l’installation dans une ville où il fait bon vivre. 

De là à dire qu’il est le premier responsable, en tant que maire, de la gentrification d’Angers, il y a un pas que nous franchirons avec tranquillité. Le prix du logement a explosé en même temps que la politique des grands travaux a profondément changé la face de la capitale de l’Anjou.

 

C’est d’ailleurs sous son mandat que la ville fut louée comme “ville écolo par excellence”. Mieux encore, Angers est devenue le symbole d’une ville à la fois végétale et intelligente.

Nombre de médias tenus par les grandes fortunes ne cessent de vanter le maire, son action, son charisme et la qualité de vie de sa ville. Ce serait presque comme s’il était l’unique acteur qui faisait vivre la charmante agglomération située sur les bords de Maine, dans la région des Pays de Loire.  

 

S’il est aussi écolo qu’il le prétend, comment expliquer son silence durant l’été 2022, tandis que les forêts brûlaient. 

Alors que M. Darmanin et même le président de la République se sont retrouvés sur le terrain, le nouveau ministre à brillé pour son absence. On l’a certes aperçu à Baugé, à quelques encablures d’Angers, pour apporter son soutien aux pompiers qui luttaient là aussi contre les feux mais à part un passage à RTL, il n’a pipé mot à propos de la spectaculaire canicule qui a ravagé le pays. 

 

Une méthode désavouée par la réalité

 

Béchu est devenu ministre au pire des moments. 

A peine s’est-il installé dans son fauteuil qu’on le sommait de faire face à une catastrophe dont l’ampleur était jusqu’alors inédite. 

Il aurait même pû être un écoterroriste aguerri que personne ne se serait vu à sa place. 

 

En quinze jours, il a dit adieu à la méthode qu’il vante tant et qui fait sa réputation parmi le personnel politique. 

Comme quoi, gouverner une ville, ce n’est pas la même chose que de légiférer sur l’écologie et ce n’est pas de spectaculaires affiches dont il est pourtant friand qui auraient pu changer quoique ce soit 

Crédits photo: Benoit Delrue

C’est que Christophe Béchu n’a jamais été militant de sa vie. Depuis qu’il a 21 ans, ce catholique de confession – cela a une importance, nous le verrons – a toujours vécu de la politique. 

 

C’est quelqu’un de reconnu pour sa maîtrise des dossiers. M. Béchu connaît les territoires, leurs enjeux, leurs problématiques, leurs acteurs aussi. 

Son exercice du pouvoir a le don de séduire autour de lui, au-delà de sa famille politique. L’ancienne sénatrice Corinne Bouchoux, ex-figure locale d’Europe-Ecologie Les-Verts, en premier chef, quand elle a rejoint, en 2020, la liste de l’ancien président du département du Maine-et-Loire n’a pas dit mieux.

 

Un ministre important ? 

 

S’il n’est pas l’homme de la situation, pourquoi donc est-il ministre d’un portefeuille aussi important que l’écologie ? Cela revient à se poser la question qui figure dans le titre de l’article, d’où vient sa conscience écologique ? 

 

Alors qu’Emmanuel Macron a fait de l’écologie sa priorité (n’a-t-il pas affirmé que son second quinquennat sera celui de l’écologie ou ne sera pas ?), il n’est pas sûr que les prérogatives de M. Béchu soient si importantes. 

Il a certes sous sa tutelle trois ministres délégués et un secrétaire d’État, son ministère ne figure qu’à la dixième place dans la hiérarchie gouvernementale.

Même si on ne fait pas de la politique comme on joue aux petits chevaux, cette position interroge pour un enjeu aussi symbolique pour le président de la République.  

 

On pourrait aisément répondre que la planification, principal enjeu de la transition écologique macronienne, est sous la responsabilité de la première ministre, Mme Elisabeth Borne, édulcorant de fait les missions du locataire du 246, boulevard Saint-Germain, à Paris, au profit de Matignon. 

 

A titre de comparaison, le ministre de l’écologie allemand est deuxième dans la hiérarchie gouvernementale. 

Bien sûr, l’observateur avisé dira qu’outre-Rhin, le fait que la représentation nationale ait choisi un exécutif coalisé entre sociaux-démocrates, libéraux et écologistes facilite le classement en faveur d’un tel portefeuille. 

Le problème, c’est que la plupart des homologues européens ont soit un ministère plus important, soit plusieurs pour traiter de l’urgence climatique.

Même si M. Macron nous a habitués aux slogans creux issues de boîtes de communication, cela ne passe pas pour le “champion de la Terre”.

 

Terra Botanica, symbole d’une écologie de la communication

 

Nos confrères de Blast ont mis la lumière sur un sujet que les Angevines et Angevins ne connaissent que trop bien. A savoir le rapport malsain qu’entretient Christophe Béchu avec le parc à thème végétal Terra Botanica, situé dans le quartier des Hauts de Saint Aubin, à la frontière d’Avrillé où il a commencé sa carrière politique. 

Il a ouvert ses portes en 2010 alors que l’homme politique était encore un jeune loup de la droite, président du département. 

D’après un ancien salarié de Terra Botanica, c’est ce qui lui a servi de rampe de lancement pour la conquête de la ville, alors sous responsabilité socialiste depuis la vague rose de 1977. Pour l’anecdote, le maire qui a repris la ville à la droite, Jean Monnier, ancien syndicaliste de la CFDT, a apporté son soutien dès 2008 à Christophe Béchu alors que son successeur direct, Jean-Marc Antonini, briguait un nouveau mandat. Les privilèges de l’âge…

 

Pour cet ancien salarié, l’ambition n’est pas de promouvoir le végétal à Angers, pourtant leader de la question en France. Son objectif est de faire de l’argent.

Le problème vient du financement des plus opaques de la structure, dont Christophe Béchu présidait la société mixte qui en avait la gestion: la Sodemel, depuis appelée Alter Cités. D’ailleurs le parc, alors déficitaire, a connu l’équilibre seulement à partir de 2015, au moment où la mairie d’Angers est reprise par M. Béchu. La Ville participe dorénavant à hauteur de 48% à l’aide d’un nouveau montage juridique. La structure en gestion est devenue un Groupement d’Intérêt Public (GIP). 

En 2022, le parc à thème a connu une année pleine puisque c’est 400 000 visiteurs qui se sont rendus à Terra Botanica. Pour autant, la Cour des Comptes épingle “un équilibre à long terme pas correctement estimé”. 

 

L’écologie à la sauce start-up

 

Mais revenons à notre ministre, dont l’action sera scrutée et épiée durant toute sa mandature. 

Bien évidemment, il ne s’agit pas de clouer au pilori l’homme, le père de famille mais bien de comprendre comment le personnage public représente les dérives de la Macronie. 

 

Ce qui est surprenant puisqu’il n’a pas le profil-type du technocrate prisé par le président de la République. Il n’y a rien de disruptif pour la start-up nation de choisir un baron local, qui n’a jamais été expert en rien mais toujours élu quelque part. 

 

Sauf s’il s’agit de préserver l’équilibre politique au sein de la majorité – bien qu’il soit singulier de l’appeler comme tel – présidentielle avec le parti Horizon de M. Edouard Philippe, dont Christophe Béchu est le bras droit et le secrétaire à l’organisation.

Béchu a fait toutes ses classes au sein de l’UMP puis de LR, en particulier avec Marc Laffineur, maire d’Avrillé de 1983 à 2020 et ancien secrétaire d’Etat durant le mandat de Nicolas Sarkozy. 

Il a cependant quitté le navire dès 2017 afin d’apporter son soutien à Emmanuel Macron mais son principal allié reste l’ancien premier ministre avec qui il entretient des rapports privilégiés.  

 

Le choix d’avoir M. Bechu comme ministre répond donc à un calcul de l’Elysée et il y a fort à parier que son importance amoindrie réponde à ce même calcul.

Edouard Philippe cache à demi-mot son ambition présidentielle pour 2027. De fait, si le maire du Havre arrive premier de la course à l’Elysée, Matignon devrait être promis au maire d’Angers. 

 

Restons cependant tolérant avec ce dernier. 

Même si le ministre de la transition écologique est un tacticien pragmatique mais c’est aussi un libéral doctrinaire, du genre de ceux qu’adore le président jupitérien. 

Christophe Béchu assume venir d’une famille politique de droite modérée et il en fait même sa marque de fabrique même quand on enterrait le clivage gauche-droite.

 

Du temps où il n’était qu’un simple maire, Angers avait accueilli, en 2021, les journées parlementaires de la République en Marche, avant que le parti présidentiel ne s’appelle Renaissance.

Jean Castex, accompagné d’une cohorte de ministres et d’une kyrielle de députés ont fait l’honneur de leur présence dans la cité du Roi René. 

 

D’ailleurs, la ville avait mis les petits plats dans les grands puisque ce n’est ni plus ni moins que le centre des Congrès qui a été mobilisé pour l’événement. 

Les rues adjacentes, tout comme le jardin des Plantes ont été bloqués pour l’occasion, au détriment des riverains et autres habitants aimant se promener dans l’un des nombreux parcs de la ville. 

On a même affrété des bus exprès pour l’occasion !

 

Au-delà de ça, Christophe Béchu est un “technosolutionniste” qui n’envisage pas la question climatique comme un problème politique mais comme un simple enjeu technique, une problématique que l’on pourrait régler avec l’innovation. 

Le projet de Smart city d’Angers, en plus d’avoir un nom des plus ronflants, est équivoque: grâce à des capteurs, on pourra connaître en temps réel les poubelles qui sont pleines et les rues qui n’ont pas besoin d’être éclairées. 

Cela peut quand même justifier l’extension de zones économiques en marge de l’agglomération !

 

Du gaullisme social au libéralisme écolo

 

La conscience écologique de Christophe Béchu, c’est peu ou prou celle de Jeff Bezos ou d’Elon Musk.

Celle qui vise à pérenniser le système tout en traitant la nature comme un simple capital, échangeable au besoin. 

Bien qu’il annonce conjuguer la problématique de la fin du mois à celle de la fin du monde, Christophe Béchu ne fera rien pour. 

 

Au fond, il représente bien ce catholicisme humaniste, proche de la droite, si caractéristique de l’ouest du pays. 

C’est presque par charité qu’il fera son action. 

D’une certaine manière, Christophe Béchu est écolo comme Jacques Chaban-Delmas, en son temps, était social. Cela ne provient pas d’une conviction profonde mais plutôt parce que l’époque l’oblige. 

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