Signal fort du fascisme: les marches anti-pass sanitaire à Angers

Il faut bien l’admettre: les marches contre le pass sanitaire du samedi sont gếnantes. Pourtant, celui qui a suivi avec attention les mouvements sociaux depuis le début du quinquennat de M. Macron ne devrait être guère surpris de sa teneur. À bien y regarder, on pourrait dire que le gros des troupes ne sont ni plus ni moins que des gilets jaunes radicalisés. 

En tout cas, on y retrouve tout le catalogue auquel nous sommes aujourd’hui habitués: outre le fait que les marches se fassent le samedi, les parcours ne sont pas prévus, les rangs sont désorganisés, les slogans sont plus ou moins démago mais tous reprochent de près ou de loin la politique, voire la personne du Président de la République. 

Mais où se trouve le mal ? Ces manif’ sont plus fréquentes et médiatisées que les désormais mal nommées “mobilisations traditionnelles”. 

C’est vrai, hormis la mobilisation contre la réforme des retraites en décembre 2019-mars 2020, le porte-voix syndical semble s’être tu. 

D’ailleurs, il faut admettre que l’évolution sémantique du mot d’ordre des manifestants, qui n’est plus contre la vaccination mais surtout contre son obligation et la politique répressive qui en sera la conséquence, fait sens, dans la quête du mouvement à s’élargir. 

Malheureusement, personne ne passe à côté des drapeaux à fleur-de-lys qui flottent dans les parcours, sans parler évidemment des étoiles jaunes qui interpellent sur le rapport profond entre la répression juive pendant la Seconde Guerre Mondiale et celles et ceux qui refusent de se vacciner. 

D’ailleurs, les groupes médiatiques, dans leur traditionnelle mission de sape du mouvement social, ne s’y trompent pas en interrogeant les manifestants, les faisant passer pour des incultes rétrogrades. Ça ne surprendrait pas si la teneur du discours ne posait pas lui-même question. 

En y réfléchissant bien, le slogan “Liberté !” scandé dans les manifestations, fait passer cette valeur comme plus importante que la santé publique et la protection collective. Désolé de le dire ainsi mais c’est absolument stupide. Cette première n’est permise uniquement si ces dernières sont possibles, c’est le propre même de l’État de droit. Sans droit à la santé, aucune liberté n’est possible.

Si l’ambition, en marchant, était de se prononcer pour le démantèlement de l’État pour obtenir le statut de citoyen libre, alors on serait en droit d’être profondément gêné. 

Et puis il y a la présence de Florian Philippot, ancien conseiller de Marine Le Pen et responsable des Patriotes, sur les plateaux télévisés, qui fait clairement office de chef de file du mouvement. En un mot comme en mille, ce mouvement semble gangréné par l’extrême-droite.

 

Les identitaires ne sont pas majoritaires

 

Une fois qu’on a dit ça, c’est un peu comme si on n’avait rien dit. On connaît les manœuvres des chaînes d’info en continu. On sait que leur professionnalisme n’a d’égal que leur éthique.

Sur les 200 lieux de manifestations samedi dernier, seuls deux ont été appelés par le groupuscule d’extrême-droite: Paris (tout de même) et Angers (justifiant l’écriture de cet article). On comprend que Florian Philippot ressemble à un leader monté de toutes pièces à la légitimité contestable. 

L’édition angevine du Courrier de l’Ouest du samedi 4 septembre ne s’y trompe pas, elle observe aussi des militants insoumis ou apparentés et des personnes de la société civile, manifestant en leur nom et opinion propres. Si le mouvement semble s’essouffler, il connaît localement une vigueur relativement stable, entre 1500 et 2000 personnes. Que l’on rassure tout le monde, il n’y a pas 2000 fachos à Angers.

 

Les identitaires organisent le mouvement social

 

Pourtant et comme le souligne le Courrier de l’Ouest, ce sont bien les identitaires qui sont la locomotive du mouvement. S’il s’effondre partout et qu’il garde la même vigueur à Angers, peut-être est-ce dû à une organisation plus efficace qu’ailleurs et donc sûrement grâce aux Patriotes et autres identitaires ainsi que des obscurantistes catholiques, que seule la cité des Ducs peut produire, qui aiment boire des coups rue du Cornet, dans l’hypercentre d’Angers.

La gêne n’est pas propre à la rédaction d’Infoscope, elle traverse une bonne partie du mouvement social: l’élue insoumise angevine Claire Schweitzer appelle “à ne pas défiler aux côtés des tenants du camp de la peur, de la haine et de l’obscurantisme” (source: CO du 4 septembre). 

De ce fait, on remarque que ce sont à partir de leur position que le cap de la mobilisation est fixé. Premièrement, on pourrait presque s’affliger de la hauteur de la conscience de classe des manifestants. Ne pas comprendre la différence fondamentale entre la gauche et la droite peut à la limite passer. Mais battre le pavé avec l’extrême droite n’est pas neutre politiquement, c’est d’une certaine manière tolérer, voire accepter en son sein une idéologie intrinsèquement anti-populaire, qui manipule la peur des gens pour maintenir de force l’exploitation capitaliste.

C’est donc sur ce second point que notre critique se veut la plus forte: que des citoyens dépolitisés ne voient pas l’entreprise d’enfumage de M. Philippot et de ses suppôts est attristant mais à l’image des rapports sociaux d’aujourd’hui; que des militants syndicaux, engagés, parfois antifascistes, acceptent de manifester avec eux, sous prétexte que “la lutte n’appartient à personne” ou bien “ce n’est pas parce qu’il y a les fachos qu’il n’y a pas le peuple et c’est à eux que l’on doit s’adresser” ressemble, en plus d’un signal fort des germes du fascisme à une profonde inculture révolutionnaire.

 

Pour une critique des gilets jaunes

 

Mais pourquoi s’appitoyer ? Ce qu’on observe est certes le résultat de l’offensive générale de la bourgeoisie sur les droits des travailleurs depuis le début du mandat de M. Macron et qui s’est accéléré avec la pandémie ainsi que la crise sociale qui en découle, mais aussi la conséquence d’un mouvement social profondément désorganisé et exsangue. Depuis le début de la pandémie, le mouvement syndical a, à l’image de la plupart des corps intermédiaires, été surmené par la crise, incapable de prendre les devants et de s’adapter, à tel point que lorsque M. Macron a annoncé, le 14 juillet dernier, la reprise des débats sur la réforme des retraites et de l’assurance chômage, jamais les centrales syndicales n’ont donné une réponse ou même un calendrier de mobilisation.

Que dire des organisations politiques, qui sont toutes dans les starting-blocks pour l’élection présidentielle, qui passent plus de temps à aller chercher des signatures pour un éventuel candidat plutôt que de s’occuper réellement de politique, laissant donc tout le loisir aux fascistes d’être auprès des citoyens ? C’est la conséquence de la division du mouvement social et c’est du pain béni pour nos ennemis !

De plus, toute critique sur l’organisation du mouvement gilet jaune s’est étouffé derrière l’excuse “c’est une manifestation populaire et inédite”. Aucune conclusion n’a pu être tirée du mouvement de l’hiver 2018 et de fait, aucune leçon n’est bonne à enseigner. Pourtant, les problèmes sont multiples: refus des corps intermédiaires, refus de l’organisation, refus de la grève, bref refus de se positionner comme un producteur de richesse et finalement refus de tout. 

 

Se battre dans son environnement de travail

 

En conclusion, nous affirmons que la division du mouvement social, sa faiblesse chronique et son incapacité structurelle à organiser les travailleurs, sont des facteurs d’égale importance que l’attaque violente de la bourgeoisie sur la dignité de notre classe. Les marches anti-pass sanitaires sont une démonstration concrète des signaux faibles et forts que nous présentions dans notre brochure Unir et Vaincre.

Si le mot d’ordre peut s’entendre, c’est d’abord le mode d’action qui importe dans une lutte sociale. Il est grand temps d’arrêter de marcher le samedi et commencer à s’attaquer à l’appareil de production, c’est-à -dire par diverses actions, dont la grève, que seuls les syndicats sont à même d’organiser, si l’on veut éviter le pire. 

Parce que c’est de ça dont il s’agit: en criant “que la rue n’appartient pas au fascisme” on leur a laissé la possibilité d’occuper, seuls, nos boulevards et nos avenues.   

 

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